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jeudi 4 septembre 2014

Ataï enfin sur ses terres

 
Dans la nuit de mardi à mercredi, les reliques du chef Ataï, l’icône de l’insurrection de 1878, et de son « sorcier » ont regagné leur terre d’origine, après 136 ans en Métropole. Un événement d’une grande intensité.

Tour à tour, à une heure du matin mercredi à l’aéroport de La Tontouta, enfants et parents ont silencieusement touché les cercueils d’Ataï et de son « sorcier », en signe de respect et d’affection.
Photo Thierry Perron

Foulard à carreaux dans les cheveux, Félicienne n’a pas compté les kilomètres depuis Poindimié. La nuit est fraîche et digne à l’aéroport international de La Tontouta, mardi soir peu avant minuit. Et « le geste pour Ataï » s’impose naturellement, à entendre la dame à la voix douce. L’hommage devait être marqué, sur place. Parce que « c’est notre flambeau, ajoute son mari à la barbe fleurie. C’est un père et un frère, c’est notre modèle, Ataï ». Derrière un petit groupe, les deux cercueils, celui du guerrier kanak et de son « sorcier », sont placés avec précaution dans le long corbillard blanc. Saluée par les plus hautes autorités, la cérémonie de restitution des crânes, jeudi dernier, au Muséum national d’histoire naturelle de Paris constituait le premier acte. Puis l’icône de l’insurrection de 1878, accompagnée d’une délégation calédonienne, a rejoint par avion cette semaine sa terre d’origine. Un moment fort et solennel. Mais aussi le résultat d’un ardent combat. « Je remercie l’Etat qui a bien voulu accepter les démarches lancées il y a plus de dix ans, a confié le grand chef Bergé Kawa, descendant d’Ataï, au haut-commissaire Vincent Bouvier lors d’une coutume sous les étoiles de Païta.

Altermondialiste. Des kilomètres de banderoles et des tonnes de salive ont été dépensés pour voir « les deux vieux » arriver. Un député européen à la célèbre pipe, immobile dans la foule, a participé à la bataille aux côtés des coutumiers, après une demande formulée à Sarraméa en 2010. « Pendant quatre ans, on a fait le travail avec le ministère des Outre-Mer, l’Élysée, l’ensemble de l’administration…» indique José Bové, en visite spéciale en Calédonie. Cette restitution des reliques, aux yeux de l’altermondialiste, « marque la reconnaissance par l’Etat français de ce qui s’est passé en 1878 ». 
Sculpture. Le bras de fer est désormais derrière. « Le retour d’Ataï » n’est plus seulement le titre d’un roman de Didier Daeninckx. A la tribu de Petit Couli, berceau de l’insurgé kanak, les représentants des aires coutumières se sont recueillis hier devant les deux cercueils installés à la maison commune. Les mots sont dosés. Les silences sont respectueux. Les présents, de l’igname à la sculpture, sont posés sur la natte. « Avant, c’était la hache de guerre, a noté le sénateur nengone David Sinewami. Maintenant, c’est la hache de la paix ». Pour construire un pays. Tricot célébrant l’événement sur les épaules, des enfants jouent à côté du bâtiment. L’idée est bien là : ce retour des deux reliques n’appartient plus à l’histoire d’une famille, d’une aire, mais bien à l’histoire de la Calédonie, comme l’a précisé Cyprien Kawa, chef de clan et fils de Bergé. Une page se tourne, une autre s’ouvre. La Charte du peuple kanak, portée par le Sénat coutumier, a été proclamée fin avril dernier. Puis les deux crânes sont revenus. Dès lors, « le corps constitué de la tradition est debout», a avancé le Drehu Pascal Sihaze, avec détermination. « Mais comment l’animer ? Il faut maintenant travailler sur la réconciliation ». Et ce, au sein de familles, ou avec des clans de Canala considérés comme des traîtres autrefois, puis avec l’Etat tricolore… Cette notion de valeur est aujourd’hui clé. Même la ministre George Pau-Langevin, à Paris, a invité à « poursuivre ensemble le chemin de la réconciliation. » Les reliquaires reposeront à la tribu de Petit Couli à Sarraméa pendant un an, jusqu’à la tenue d’une cérémonie de levée de deuil. Le 1er septembre 2015, les crânes d’Ataï et du sorcier partiront définitivement, selon le vœu des coutumiers, à l’ancienne tribu de Winrinha, tribu de ces guerriers du clan Daweri. Pour le sénateur Sihaze, « on peut tuer le corps, mais pas l’âme ».


 
 

Le Grand Chef Ataï de retour au pays

    Le crâne du grand chef Ataï et celui de son devin sont donc arrivés, dans la nuit de mardi à mercredi en Nouvelle-Calédonie. Les reliques ont aussitôt été transportées à la tribu de Petit Couli à Saraméa pour une cérémonie de deuil, en présence de coutumiers venus de tout le pays.

    © NC1ère

    C'est bien sûr le clan des oncles maternels d’Ataï , celui des Warémoin, qui a été le premier à présenter sa coutume, ce mercredi, devant les reliques du grand chef Ataï et de son devin ou sorcier.  Un clan issu de la vallée d'Amboa, là même où est tombé Ataï, dont la mort par décapitation devait signer la fin de la grande révolte kanak de 1878. Un clan dont les membres se sont ensuite réfugiés à Canala. Autour des reliques, les coutumiers venant des 8 aires du pays, venus honorer la mémoire de celui qui fut à l'origine de l'insurrection de 1878. Pas - ou très peu- de politiques mais des hommes venus des quatre coins du pays pour rappeler la dimension historique de ces deux personnages de l'histoire de la Nouvelle-Calédonie et pour souligner la valeur symbolique forte de leur retour au pays. Pour le président du comité organisateur, Eric Ataï, dont le clan a été déplacé à Kaala Gomen après l’insurrection, ce retour va permettre la réconciliation entre les différents clans ayant participé à l'insurrection - ou lutté contre aux côtés du pouvoir de l'époque - de discuter et de se réconcilier. L'année de deuil qui s'est ouverte aujourd'hui devrait y contribuer. C'est l'objectif que se sont assignés tous ceux qui ont oeuvré, de près ou de loin, à ce retour attendu depuis 136 ans.
    Je vous propose de regarder, ci-dessous,  le reportage, réalisé à Saraméa dans la tribu de Petit Couli, par Brigitte Whaap et Nicolas Fasquel:



     Calédonie  1 ière