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samedi 27 septembre 2014

OUTRE-MER: LA METHODE PAU-LANGEVIN : Faut-il larguer l'outre-mer ?

OUTRE-MER: LA METHODE PAU-LANGEVIN - Faut-il larguer l'outre-mer ?

Faut-il larguer l'outre-mer ?

La Guadeloupéenne, George Pau-Langevin, ministre des Outre-mer a reçu l’ancien ministre, le député et président de la Région Guadeloupe, Victorin Lurel. Ce rendez-vous s’est inscrit dans une série d’entretiens que la ministre a souhaité conduire avec tous ses prédécesseurs de la rue Oudinot, faisant ainsi le lien entre plusieurs décennies d’expériences ministérielles. Nous saluons cette entreprise. Ministres de plein exercice et secrétaires d’État se succèdent ainsi depuis la rentrée rue Oudinot. Dans un contexte de crise budgétaire et sociétale marqué par des situations difficiles et face aux nombreux défis adressés par l'Outre-mer français à l’État, cette série d’entretiens devrait donner lieu à des échanges de vues sur la situation actuelle et aider à la prise de décisions. 
Il y a aussi des dossiers brûlants comme le processus de quasi indépendance en cours en Nouvelle-Calédonie ou bien encore la difficile régulation des économies outre-mer, toutes plus ou moins sinistrées. Fait rare, en désaccord avec le gouvernement, un haut-commissaire  a démissionné cet été.  En fait, George Pau-Langevin n'est pas vraiment une politique : elle est issue du milieu associatif et connaît, pour l'avoir pratiqué, l'art du dialogue et du consensus si inhabituel dans les ministères français. Elle semble donc vouloir prendre le temps d’une écoute attentive afin de contribuer à l’émergence de réponses aux questions des Outre-mer. Nous pensons que dans la situation présente, c'est la bonne voie mais à condition de pouvoir trancher à un moment donné même brutalement si nécessaire. Outre Victorin Lurel, la ministre a déjà reçu Michèle Alliot-Marie et Louis Le Pensec. Elle poursuivra ses entretiens dans les prochains jours avec, notamment, François Barouin et Henri Emmanuelli.

Nouvelle Calédonie prête pour la décolonisation ?
Au printemps, les indépendantistes du FLNKS avaient obtenu de l'ancien Premier ministre, Jean-Marc Ayrault l’autorisation d’une demande auprès de l’ONU d’une mission spécifique en Nouvelle-Calédonie. Le président du congrès de Nouvelle-Calédonie avait confirmé que l’État avait donné son accord pour qu’une mission du Comité des 24 des Nations Unies vienne en Nouvelle-Calédonie avant le scrutin provincial du 11 mai dernier . La venue d'une telle commission a marqué clairement le début d'un processus de décolonisation qui aurait reçu de facto l'aval de Paris. Cela démontrerait bien que le gouvernement français ,occupé à racler les fonds de tiroir, s’inscrirait clairement dans un abandon progressif de cette terre française pourtant la seule productive et relativement bien organisée.

A terme si l'urgence se présentait, la France n'exclurait-elle donc plus de larguer certains territoires ultra-marins ? Ce d'ailleurs à quoi, l'opinion publique n'y verrait aucun mal : il suffit de lire ici même certains commentaires de nos textes pour l'Outre-mer pour s'en convaincre ! Or, rappelons que Nouméa est sans doute la plus belle ville française ultra-marine, qu'elle est riche de potentiel minier et maritime et que, s'il peut encore y avoir un peu d'espoir pour la France de tenir son rang et de ne pas devenir un pays sous-développé, c'est en axant à fond sur la maritimisation de nos ressources dont les Outre-mer sont les principaux atouts. Mais à Paris, Bercy fait la loi.

Un outre-mer ingérable  Pourtant, régulièrement, la France découvre que tout n’est pas rose dans ses départements et régions d'outre-mer. Ponctuellement, régulièrement, des événements violents le lui rappellent. En 2009, ce fut une grève générale en Guadeloupe qui s’est ensuite propagée en Martinique puis en Guyane. Aujourd’hui, c’est indirectement encore dans les Antilles et particulièrement en Guadeloupe que le signal est envoyé, avec des chiffres sur la délinquance carrément affolants. Pour les gendarmes, la situation devient en effet ingérable en Guadeloupe et la situation n’est pas franchement meilleure en Martinique et en Guyane. Ces chiffres de la délinquance ne font que refléter les situations économiques et sociales désastreuses de tous ces départements. Depuis 2008, date où l’Observatoire National de la Délinquance a décidé d’inclure les départements d’outre-mer dans son palmarès, la Martinique, la Guadeloupe et la Guyane sont constamment dans le peloton de tête. En 2012 (dernier rapport connu), la Guyane était le 2ème département où on constatait le plus d’agressions physiques par habitant, derrière la Seine-Saint-Denis (19,54 et 19,90 pour 1 000 habitants), tandis que la Martinique et la Guadeloupe étaient toutes deux dans le top 10 (respectivement 5ème et 6ème). Dans les trois départements, la proportion d’homicides volontaires était particulièrement élevée. Mais la tendance serait devenue inquiétante ces derniers mois. La Guadeloupe (et ses 400 000 habitants) ont dépassé au premier semestre de l'année les 40 meurtres alors que la Corse (environ 310 000 habitants) et Marseille (environ 800 000 habitants) n’atteignent pas encore les 15 chacun. Dans le même temps, la Guyane reste championne des homicides rapportés au nombre d’habitant (environ 10 pour 100 000 habitants).  
Plusieurs causes de délinquance sont avancées

La première est que les trafics de drogue et d’armes progressent. Mais la proportion de règlements de compte reste inférieure à celle de la cité phocéenne. Une deuxième explication est une banalisation de la violence : la Guadeloupe est championne des meurtres pour des peccadilles. Par exemple, cette année, un jeune a été assassiné pour un compliment à une jeune fille en boîte de nuit ! La violence intrafamiliale progresse fortement. Aux Antilles, l'éducation autrefois religieuse et sévère s'est effondrée, résultat de la politique de la ''bienveillance'' de la déséducation nationale. En Guyane, l’orpaillage avec l'immigration brésilienne extrêmement violente n’y est pas étranger. Quoi qu’il en soit, le manque de moyens policiers est plus que patent entraînant un véritable laxisme policier que les jeunes délinquants ont très bien compris. La misère n’est pas plus belle au soleil
Dans l’imaginaire collectif, Martinique, Guadeloupe et Guyane riment avec les îles (pour les deux premières), soleil, mer, vacances, etc. Si, vu de la Métropole, tout ceci est évidemment vrai, la réalité est moins paradisiaque pour les habitants. Les grèves de 2009 l’avaient d’ailleurs très bien illustré. Pour rappel, à l’époque la Guadeloupe avait connu un mois et demi de blocage, la Martinique un mois et la Guyane un peu moins. La cause peut sembler minime : le prix de l’essence. Mais dans ces territoires structurellement en difficulté, la moindre petite étincelle peut provoquer une gigantesque déflagration.

C'est aussi le cas de la Réunion, véritable chaudron social. En fait, on ne traite jamais les problèmes de fond : monopole de la Sara (Total) en Guadeloupe, monopoles et prix excessifs de la grande distribution, défiscalisations abusives, indexation des salaires des fonctionnaires. Après tout mouvement social, on déverse des fonds qui servent en fait la petite élite locale des élus territoriaux. Les populations locales ont à chaque fois l’impression d’avoir été abandonnées par l’État. Et pour cause, les chiffres sont effrayants. Le taux chômage atteint actuellement près de 25% dans les trois départements, soit le double de la moyenne nationale. Les jeunes qui représentent une part importante de la population (la proportion de moins de 25 ans varie de 30% à 40%) connaissent toutes les difficultés du monde à s’insérer sur le marché du travail (près de 60% de chômage chez les actifs de 15 à 25 ans). Nous pouvons ajouter au tableau un taux de participation (proportion des personnes en âge de travailler, c’est-à-dire de 15-64 ans en France, exerçant un emploi où en cherchant un officiellement) particulièrement faible, ce qui reflète un marché du travail très dégradé. De plus, le pouvoir d’achat reste aussi faible avec des salaires misérables et des prix élevés. Ces chiffres ne sont malheureusement que le triste reflet du manque de dynamisme de l’activité économique de ces pays, vivant en fait d'une économie artificielle, d'une vieille économie de comptoir. Certes, à première vue, ces territoires se portent mieux que leurs voisins caribéens (pour la Martinique et la Guadeloupe) et d’Amérique du sud (pour la Guyane) mais les apparences sont trompeuses. Le secteur agricole reste encore très spécialisé (bananes, ananas et cannes à sucre) avec une forte production vivrière où les faibles surplus sont simplement revendus au marché local. L’industrie, principalement agroalimentaire et en biens intermédiaires, est encore très jeune et de taille trop modeste. Le tourisme, principal secteur d’activité, subit de plein fouet la concurrence des îles ou pays voisins (République Dominicaine), plus attractifs grâce à la faiblesse des prix. Aussi, les trois départements d'Amérique vivent principalement des aides de l’État et de l’Union Européenne et sont placés de fait dans un état de dépendance vis-à-vis d’eux. Les ménages martiniquais, guadeloupéens et guyanais sont aussi parmi les plus endettés de France. Il faut bien reconnaître que tous ces handicaps restent malheureusement des vestiges de l’époque coloniale jamais traités.

La lutte des classes remplacée par la lutte des races
 
Les Antillais sont complexés. Chez eux, le colorisme reste une réalité : pour les Noirs, avoir une peau plus claire reste un avantage. Ceux-ci se sentent encore divisés entre Noirs au teint plus foncé, Chabins (Noirs possédant une couleur de peau plus claire) ou Mulâtres (personnes nées d’un parent blanc et d’un parent noir). Les descendants d’Indiens (les « Coolies » en Martinique ou les « Zindiens » en Guadeloupe) sont encore peu considérés. À ce tableau viennent s’ajouter diverses minorités (descendants de Libanais, de Syriens ou d’Asiatiques principalement). Dans cette mosaïque de diversités, c’est pourtant bien l’opposition entre Noirs et Blancs qui semble surclasser l’antagonisme entre prolétaires et bourgeois. Les problèmes sociaux non résolus exacerbent le racisme anti-blanc y compris à Mayotte. L'Etat français ne paraît plus seulement impuissant mais incompétent pour briser cette mentalité raciste anti-blanc. De fait, le turn over des fonctionnaires français est néfaste. Dans leur dominium, les Anglais s'étaient toujours appuyés sur des fonctionnaires ultra-marins permanents, adaptés localement mais la France a toujours rechigné à le faire car elle craignait la corruption. En fait, l’économie ultramarine est une économie d’oligopoles privés (locaux et métropolitains), avec une forte étatisation. Cette situation est proprement française. Près de 70 ans après la départementalisation, la Guadeloupe, la Martinique et la Guyane restent très dépendantes de la métropole.

Dans cette perspective, l’État au sens libéral ne fonctionne pas. Ce qui fonctionne c'est un vieil état bureaucratique obsolète et un libéralisme privé totalement sauvage. Le niveau élevé des prix illustre très bien cette double erreur. Elle s’explique par deux facteurs. Le premier provient de la sous-production structurelle des Outre-mer qui les oblige à importer la majorité de leurs produits, importations qui se font majoritairement en provenance de la Métropole, alors qu’il serait souvent moins coûteux d’importer localement. Le second facteur vient des marges énormes que se font les quelques distributeurs locaux qui s’entendent tous dans l'arrière salle de quelques restaurants gastronomiques. Quant aux banques, leurs tarifs sont double ou triple de ceux de Métropole. Le troisième problème est la charge économique des fonctionnaires métropolitains expatriés. En Martinique, Guadeloupe et Guyane, les fonctionnaires représentent encore entre 30% (pour les deux premières) et 40% (pour la troisième) de la population. Ceux-ci, souvent métropolitains, bénéficient de nombreuses primes. Si elles sont très utiles aux fonctionnaires, elles sont néfastes aux salariés du privés, car elles créent des économies à deux vitesses et augmentent artificiellement la masse monétaire en circulation (et donc maintiennent le niveau élevé des prix).
Ainsi les solutions existent mais personne, depuis des décennies, n'a le courage de les prendre à bras le corps. Consulter les ministres de l'Outre-mer successifs est une bonne idée mais si une fois de plus c'est pour s'entendre dire qu'on ne peut rien faire, qu'il ne faut pas toucher à cela car sinon c'est l'explosion à quoi servent alors ces réunions ? A préparer le grand largage ?
 



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