Lettre du Président Hugo Chavez aux participants du IIIème Sommet Afrique-Amérique latine et Caraïbes
Caracas, 22 février 2013.
Frères et sœurs,
Recevez mon plus fervent salut
bolivarien, unitaire et solidaire, avec toute ma joie et toute mon
espérance pour le déroulement de ce III° Sommet tant attendu des Chefs d’État et de Gouvernement d’Amérique du Sud et d’Afrique. Je regrette vraiment, du plus profond de
mon être de ne pouvoir être présent physiquement parmi vous pour vous
réitérer, par une sincère accolade, mon irrévocable engagement en faveur
de l’unité de nos Peuples. Je suis présent, cependant,
dans la personne du Chancelier de la République Bolivarienne du
Venezuela, le camarade Elias Jaua Milano, à qui j’ai demandé de vous
transmettre la plus vive expression de mon amour pour ces continents qui
sont plus que frères, unis par de solides liens historiques et destinés
à avancer ensemble vers leur rédemption pleine et absolue. Je le dis du plus profond de ma conscience : l’Amérique du Sud et l’Afrique sont un même peuple. On
réussit seulement à comprendre la profondeur de la réalité sociale et
politique de notre continent dans les entrailles de l’immense territoire
africain où, j’en suis sûr, l’humanité a pris naissance. De lui
proviennent les codes et les éléments qui composent le syncrétisme
culturel, musical et religieux de notre Amérique, créant une unité non
seulement raciale entre nos peuples mais aussi spirituelle. De la même manière, les empires du passé, coupables de l’enfermement et de l’assassinat de millions de filles et de fils de l’Afrique mère dans le but d’alimenter un système d’exploitation esclavagiste dans leurs colonies
semèrent dans Notre Amérique le sang africain guerrier et combatif qui
brûlait du feu que produit le désir de liberté. Cette semence a germé et
notre terre a enfanté des hommes aussi grands que Toussaint Louverture, Alexandre Pétion, José Léonardo Chirino, Pedro Camejo parmi beaucoup d’autres, avec pour résultat, il y a plus de 200 ans, le début d’un processus indépendantiste, unioniste, anti-impérialiste et reconstructeur en Amérique Latine et caribéenne. Ensuite, au XX° siècle, vinrent les
luttes de l’Afrique pour la liberté, ses indépendances, contre ses
nouvelles menaces néo-coloniales, Patrice Lumumba, Amilcar Cabral
pour n’en citer que quelques-uns. Ceux qui, dans le passé nous ont
conquis, aveuglés par leur soif de pouvoir, ne comprirent pas que le colonialisme barbare qu’ils nous imposaient deviendraient l’élément fondateur de nos premières indépendances.
Ainsi, l’Amérique Latine et les Caraïbes partagent avec l’ Afrique un
passé d’oppression et d’esclavage. Aujourd’hui plus que jamais, nous
sommes fils de nos libérateurs et de leurs hauts faits , nous pouvons
dire, nous devons dire avec force et conviction, que nous unit aussi un présent de lutte indispensables pour la liberté et l’indépendance définitive de nos nations. Je ne me lasserai pas de le redire, nous
sommes un même peuple, nous avons l’obligation de nous rencontrer
au-delà des discours formels dans une même volonté d’unité et ainsi
unis, donner vie à l’équation qui devra s’appliquer dans la construction
des conditions qui nous permettront de faire sortir nos peuples
du labyrinthe dans lequel le colonialisme les a jetés et, par la suite,
le capitalisme néo-libéral du XX° siècle. Pour cela, je veux évoquer la mémoire de
deux grands combattants pour la coopération sud-sud comme l’ont été les
deux ex présidents du Brésil et de la Tanzanie, Luis Ignacio « Lula » da Silva et Julius Nyerere
dont les apports et les efforts ont permis, en leur temps, la mise en
place de magnifique forum pour une coopération solidaire et
complémentaire comme l’est l’ASA(América del Sur/Africa). Cependant, les temps que nous vivons
nous obligent à consacrer nos plus profondes et urgentes réflexions à
l’effort nécessaire pour transformer l’ASA en un véritable
instrument générateur de souveraineté et de développement social,
économique, politique et environnemental. C’est sur nos continents que
l’on trouve les ressources naturelles, politiques et historiques
suffisantes, nécessaires, pour sauver la planète du chaos où elle a été
conduite. Faisons que le sacrifice indépendantiste de nos ancêtres qui
nous offre le jour d’aujourd’hui serve à unifier nos capacités pour
transformer nos nations en un authentique pôle de pouvoir qui, pour le
dire avec le père Libérateur Simon Bolivar, soit plus grand par sa
liberté et sa gloire que par son extension et ses richesses. Les paroles de cet immense général uruguayen José Gervasio Artigas résonnent toujours dans mon âme et dans ma conscience : « Nous ne pouvons rien attendre si ce n’est de nous-même ». Cette pensée si profonde renferme une grande vérité que nous devons assumer, j’en suis absolument convaincu. Notre coopération sud-sud
doit être un lien de travail authentique et permanent qui doit tourner
toutes ses stratégies et ses plans de développement soutenable vers le
sud, vers nos peuples. Quoiqu’en aucune manière nous ne nions
nos relations souveraines avec les puissances occidentales, nous devons
nous rappeler que ce ne sont pas elles qui sont la source de la solution totale et définitive pour l’ensemble des problèmes de nos pays. Loin de l’être, quelques-unes
d’entre elles appliquent une politique néo-coloniale qui menace la
stabilité que nous avons commencé à renforcer sur nos continents. Frères et sœurs, je voudrais rappeler
pour ce III° Sommet des Chefs d’Etat et de Gouvernement de l’ASA,
l’esprit de fraternité, d’unionisme et de volonté qui a dirigé le
déroulement de ce II° merveilleux Sommet dans l’île de Margarita, au
Venezuela, qui nous permit d’adopter unanimement les engagements de la Déclaration de Nueva Esparta.
Je souhaite avec beaucoup de foi et d’espérance que nous puissions
récupérer à Malabo l’impulsion et l’effort de ce moment extraordinaire
pour notre processus d’unité, le Sommet de 2009, qui a montré autant par
sa fréquentation massive que par la quantité et le contenu des accords
atteints. Depuis le Venezuela, renouvelons
aujourd’hui notre plus ferme engagement dans le renforcement du
Secrétariat Permanent de la Table Présidentielle Stratégique de l’ASA
avec ses principales tâches et fonctions pour accélérer le
rythme dans la consolidation de nos institutions et obtenir ainsi une
plus grande efficacité dans notre travail conjoint. Je regrette avec beaucoup de douleur et de peine que tout notre travail commencé formellement depuis 2006 ait été interrompu par les forces impérialistes qui prétendent encore dominer le monde.Ce
n’est pas un hasard, je le dis et je l’assume pleinement, que depuis le
Sommet de Margarita, le continent africain ait été victime des
multiples interventions et des multiples attaques de la part des
puissances occidentales. Les nombreux bombardements et invasions
impériaux empêchant toute possibilité de solution politique et pacifique
aux conflits internes qui ont commencé dans diverses nations d’Afrique,
ont eu comme objectif principaux de freiner le processus de
consolidation de l’unité des peuples africains et, en conséquence, de
miner les progrès de l’union de ces états avec les peuples
latino-américains et caribéens. La stratégie néo-coloniale a
été, depuis le début du XIX°, de diviser les nations les plus
vulnérables du monde pour les soumettre à des rapports de dépendance
esclavagiste. C’est pour cela que le Venezuela s’est opposé, radicalement et depuis le début, à l’intervention militaire étrangère en Libye et c’est pour le même motif que le Venezuela réitère aujourd’hui son rejet le plus absolu de toute activité d’ingérence de l’OTAN. Face à la menace extra-régionale pour empêcher l’avance et l’approfondissement de notre coopération sud-sud, je le dis avec Bolivar dans sa Lettre de Jamaïque de 1815 : « Union, union, union, cela doit être notre plus importante consigne.
» Notre Gouvernement renouvelle, en ce III° Sommet de l’ ASA dans cette
république sœur de Guinée Equatoriale, son absolue disposition à
avancer dans le travail nécessaire pour consolider notre coopération
dans les secteurs que j’ai personnellement proposées à notre dernier
sommet, dans la belle île de Margarita. Energie, Education, Agriculture, Finances et Communication
continuent d’être nos priorités et pour celles-ci, nous réitérons notre
engagement pour avancer dans des initiatives concrètes comme Petrosur, l’Université des Peuples du Sud ou la Banque du Sud,
pour ne citer que quelques exemples. Dans le secteur de la
communication, nous proposons, depuis le Venezuela, que cet effort que
nous avons réussi à mettre en place ensemble dans différents pays de
l’Amérique du Sud, TeleSur, s’articule avec l’Afrique afin qu’il puisse accomplir depuis ces latitudes sa principale fonction : relier les peuples du monde entre eux et leur apporter la vérité et la réalité de nos pays. Enfin, je veux renouveler à tous mon
désir que les résultats projetés lors de ce III° Sommet ASA nous
permette de transformer ce forum en un outil utile pour conquérir notre
définitive indépendance en nous plaçant à la hauteur de l’exigence de
l’époque et comme le dirait le Libérateur, le plus de bonheur possible
pour nos peuples. Je suis un convaincu, simple et obstiné, nous
réussirons à mener à bien cette cause que nos libérateurs et martyres
nous ont transmise depuis des siècles. Nos millions de femmes
et d’hommes présentés en sacrifice pour leur pleine et absolue liberté.
Avec le père infini, notre Libérateur Simon Bolivar, je dis une fois de plus : « Nous
devons attendre beaucoup du temps, son ventre immense contient plus
d’espérance que de faits passés et les prodiges futurs doivent être
supérieurs aux anciens ». Marchons donc vers notre union et notre indépendance définitive. En paraphrasant Bolivar, je dis maintenant : « Formons une patrie,un continent, un seul peuple, à tout prix et tout le reste sera supportable. » Vive l’union sud-américaine et africaine !