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samedi 21 mars 2015

Emploi local : l’heure du bilan

le taux d’emploi (al'e.ch) dans Economie bla-bla-bla1Trois ans après sa mise en application, le dispositif d’emploi local dans le privé doit être évalué. Alors que le patronat pointe les réussites de cette loi symbolique, les syndicats de salariés demandent une réforme d’un système « facilement contournable ».
C’était « une étape essentielle de l’application de l’accord de Nouméa », expliquait Caroline Machoro lors du vote du 27 juillet 2010 au Congrès, « la possibilité offerte aux Calédoniens de se sentir concernés par le développement de leur pays ». La loi sur l’emploi local avait mis douze ans à naître, et deux de plus à entrer en application avec la formation de la commission paritaire (CPEL) en février 2012. Trois ans plus tard, c’est l’heure du bilan, comme le prévoit le texte lui-même. Et les partenaires sociaux, déjà au travail, s’attendent à des discussions des plus animées.
Car côté salariés, beaucoup de syndicats voient dans cette évaluation l’opportunité d’un « tournant majeur ». « Cette loi a le mérite d’exister mais nous sommes conscients de ses défauts, résume André Forest, président de l’USTKE, il s’agit aujourd’hui de lui donner du sens en la réformant. »

Chiffres. Le bilan s’avère complexe. A l’IDC-NC, soutien technique de la CPEL, on n’en fait pas mystère : « Nous manquons de statistiques pour évaluer l’impact du dispositif. Il n’existe pas, par exemple, d’outils pour estimer le nombre de citoyens embauchés par métier », explique Line Hadjifran, à la tête de l’observatoire de l’emploi. Seuls chiffres disponibles, que l’institut invite à manier avec prudence : la population de salariés comprendrait 83 % de citoyens calédoniens, d’après les déclarations d’employeurs recueillies pour l’étude prospective emploi formation 2 013. Contre 77 % deux ans auparavant.
« La preuve que la loi a porté ses fruits, explique Dominique Lefeivre, du Medef-NC, qui a participé à sa négociation, il y a des choses à améliorer, mais le fonctionnement doit rester le même. » Sans surprise, les syndicats ne sont pas de cet avis. « Ce qu’il faut retenir c’est la faible proportion d’embauches qui passent par le circuit légal », insiste Tony Dupré, de la Cogetra. Entre 10 et 15 % selon les sources : « Pas concluant », juge-t-il. Et cette fois, c’est le patronat qui émet des réserves sur le chiffre. Certains entrepreneurs n’hésitent pourtant pas à le dire : « Le dispositif est lourd, il n’est respecté que quand ça s’avère nécessaire. »

Réformes. Ainsi à la CPEL, on traite une dizaine de dossiers par mois, pour la plupart des constats de carence, en grande partie validés. Point positif : le travail se fait dans le consensus. « Mais c’est devenu une chambre d’enregistrement », regrette André Forest, pour qui la solution est « évidente » : « La Cafat doit refuser les déclarations préalables à l’embauche qui ne sont pas issues d’un dépôt d’annonce dans les services de placement. Et l’administration doit dissuader les entreprises qui ne respectent pas la loi. » En appliquant, voire en durcissant, les sanctions prévues. Une demande de réforme à laquelle s’ajoute, côté syndical toujours, la modification des conditions de saisines, jugées « trop restrictives », ou la révision des tableaux des activités professionnelles…
Au Medef, on pointe d’autres pistes d’amélioration : « D’abord les services de placement doivent être plus dynamiques et rassembler l’ensemble des CV des demandeurs d’emploi actifs, ce qui est loin d’être le cas, reprend Dominique Lefeivre, et surtout il faut que l’administration arrête ses commandes de formations structurelles et se concentre sur les besoins identifiés du marché de l’emploi. » Une idée qui semble faire consensus chez les partenaires sociaux et que le gouvernement devrait retrouver, notamment dans les recommandations qui lui seront remises par la CPEL courant juillet.
 
Dans le public, le projet est « ficelé », reste à le voter
Les discussions sur l’emploi local dans la fonction publique avaient commencé avant celles du privé. Sans jamais aboutir. Résultat : si les administrations ont tendance à prioriser les citoyens et les résidents de longue date, rien ne les y oblige, du moins pour les embauches de titulaires. « Je souhaite que ce texte soit déposé sur le bureau du Congrès avant la fin du premier semestre 2015 », avait pressé Cynthia Ligeard en novembre, après que l’Agenda partagé l’eut remis au goût du jour.
Il faut dire que le temps presse. Quelques jours après le discours de la présidente, le Conseil constitutionnel retoquait la « loi de pays relative à l’accès à l’emploi titulaire dans la fonction publique » adoptée au Congrès… Faute de texte sur l’emploi local. « Cette loi porte un plan d’intégration de 4 000 contractuels qui est vital pour la caisse locale des retraites », explique David Meyer, de la Fédération des fonctionnaires.
Le risque d’un « pas en arrière »
De quoi presser le pas. Ces deux derniers mois, les syndicats ont travaillé d’arrache-pied, avec l’administration et les employeurs publics, et abouti à un texte aujourd’hui « ficelé ». « Ce n’est qu’un projet, nuance Christophe Coulson, de la CFE-CGC, personne n’est 100 % d’accord, il y aura des débats. »
Principal sujet de controverse, les quotas réservés aux non-Calédoniens dans chaque catégorie de fonctionnaires. La jurisprudence est claire et un juriste de haut vol a pris soin de la rappeler aux partenaires sociaux en novembre : l’accès à la fonction publique ne peut être entièrement discriminant. Problème : dans la catégorie C, la proportion de Calédoniens approcherait déjà les 100 %. La loi sur l’emploi local serait-elle « un pas en arrière », comme le craignent certains ? « Des parades juridiques ont été trouvées », assure un proche du dossier. La mouture actuelle permettrait « une proportion de Calédoniens de 99 % dans la catégorie C et de 90 % en catégorie B ». Reste à savoir si elle sera modifiée par le Conseil supérieur de la fonction publique le 1er avril. Le chemin de croix n’est pas fini : présenté au Congrès par un gouvernement de plein exercice, ou à défaut par un élu sous forme de proposition de loi, le texte devra passer le barrage du contrôle de constitutionnalité. Pour une application prévue au 1er janvier 2016.
Le chiffre
12 %
C’est, d’après l’IDC-NC, la proportion d’embauches enregistrées à la Cafat qui auraient fait l’objet d’un dépôt d’offre d’emploi auprès des services de placement. Symbolique pour les syndicats du manque d’effectivité de la loi, le chiffre est remis en cause par le Medef, qui estime qu’il se situe aux alentours de 40 % pour les CDI.
Repères
Comment ça marche Saisine et promotion
Au terme de la loi, toutes les embauches doivent faire l’objet d’une offre d’emploi déposée auprès des services de placement (SEP en province Sud, Cap Emploi dans le Nord et Epefip aux Loyauté). Parmi les candidatures, et à compétences égales, les employeurs doivent privilégier les citoyens calédoniens, ou à défaut les postulants justifiant d’une durée de résidence minimum, fixée métier par métier par le tableau des activités professionnelles. A chaque stade, l’employeur peut demander un constat de carence à la commission paritaire pour l’emploi local et se prémunir d’éventuels conflits. A défaut, un candidat lésé, interne ou externe à l’entreprise, peut faire un recours devant la même CPEL.
Toujours bloquée
Depuis février, l’absence de gouvernement de plein exercice gèle le travail de la CPEL : en l’attente d’un arrêté gouvernemental renouvelant le mandat de ses membres, elle ne peut instruire les demandes de constat de carence, qui sont réputées valides au bout d’un mois.
Seuls les candidats lésés peuvent saisir la CPEL. « Un frein majeur » pour les syndicats, qui demandent ce droit, estimant que les employés visant une promotion interne ne peuvent pas prendre le risque d’attaquer une décision d’embauche extérieure de leur propre employeur. « Personne n’a intérêt, surtout pas financier, à aller recruter en dehors quand il a les compétences dans son entreprise », répond le patronat.

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