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dimanche 10 mai 2015

Ils continuent de chercher donc de piller !

Le sous-sol passé au scanner

 


A Yaté cette semaine, puis à Koné, c’est 200 mètres de sous-sol qui seront passés au « crible » électromagnétique. Cette technologie aéroportée a fait ses preuves dans d’autres pays miniers.
Le vent souffle et la pluie fouette par intermittence sur le nord de Port-Boisé, jeudi matin. « Pas parfait, mais on fera avec », sourit un scientifique hollandais. Sur l’aérodrome en terre qui jouxte la pépinière de Vale, il suit du regard un hélicoptère qui quadrille une zone de 100 kilomètres carrés. Difficile de le rater : l’appareil fait flotter au-dessus du maquis un anneau hexagonal de 30 mètres de diamètre. Dans le cadre d’un projet financé par le CNRT*, ce « Skytem », développé par l’université d’Aarhus aux Pays-Bas, a une mission inédite : percer les secrets du sous-sol sans en toucher la surface.


Propre. Plutôt que gratter l’écorce terrestre, ce « scanner géant » l’écoute : la structure flottant à quarante mètres du sol porte une boucle en métal qui émet des ondes électromagnétiques. « Ces ondes pénètrent dans le sol qui va restituer un signal différent en fonction de sa résistivité, explique José Perrin, géophysicien du BRGM*, qui pilote la mission. Nous captons ce signal, et les données nous permettent de créer une image 3D du sous-sol jusqu’à 200 mètres de profondeur. »
Des informations précieuses, entre autres pour les miniers qui utilisent déjà l’électromagnétisme dans leur prospection, mais depuis le sol : « Avec l’aéroporté, on peut aller dans des zones d’accès difficile, couvrir de grandes zones rapidement en laissant l’environnement intact, explique Claude Delor, directeur du BRGM Nouvelle-Calédonie. Et à grande échelle, c’est très intéressant financièrement. »
Intérêt. Le projet, baptisé « Ophiostruct », a donc un double objectif : mieux connaître les couches profondes du sous-sol calédonien pour comprendre, entre autres, les mécanismes de minéralisation, mais aussi faire la démonstration en Nouvelle-Calédonie de cette technologie, mise en pratique dès 2004. « Tous les pays miniers, comme le Canada ou l’Australie ont déjà mené des campagnes aéroportées sur une grande partie de leur territoire, note Claude Delor. Pour la préprospection, c’est d’une utilité évidente. » Le Skytem ne permet pourtant pas, en lui-même, de repérer un gisement de nickel ou de cobalt, mais uniquement de délimiter des couches présentant les mêmes propriétés physiques. « Raison pour laquelle nous avons choisi des zones recoupant différent permis miniers, explique José Perrin. Nous croisons nos données avec celles dont disposent les compagnies ou les autorités pour déduire la nature de telle ou telle formation. »
Après le Grand Sud, la mission s’envolera vers le Nord et « scannera » des sous-sols des massifs du Koniambo et du Kopéto, d’ici la fin du mois. Avant de revenir, plus tard, pour une mission à l’échelle de la Grande Terre ? Le BRGM rêve de ce bond en avant dans la cartographie géologique mais tout dépendra de l’intérêt qui sera apporté aux résultats de la mission. Et d’une éventuelle mutualisation de moyens. « On sera jugé sur pièces », lance Claude Delor. Certains exploitants parlent déjà d’une mission « à très fort potentiel ».

*Si le Centre national de recherche technique « Nickel et son Environnement » (CNRT) finance, c’est le BRGM (Bureau de recherche géologique et minière) qui coordonne la mission.
Eau, risque sismique : d’autres utilisations possibles
Arrivé en pièces détachées la semaine dernière, Skytem sera réexpédié à la fin du mois. Mais fera avant un détour par la zone VKP et puis par Boulouparis pour, cette fois, être utilisé sur la problématique de la salinisation des réserves d’eau douce. La technologie permet de distinguer les masses souterraines d’eau douce et d’eau salée aux propriétés physiques différentes. Car les applications vont bien au-delà de la prospection minière, précise le BRGM, qui travaille avec l’université d’Aarhus depuis 2009. « Nous l’avons utilisée à Mayotte où les données servent à travailler sur les glissements de terrain, ou en Guadeloupe pour localiser les failles et donc aider à prévenir les risques sismiques, explique Pierre-Alexandre Reninger, jeune géophysicien. A la Réunion, qui a demandé une couverture complète de l’île, elle pourrait servir à des projets d’aménagements publics. Une fois amassées, les données peuvent être utiles pour des dizaines d’années ».
Charlie Rénécharlie.rene@lnc.nc