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mercredi 1 juillet 2015

Déclaration de M. Roch Wamytan au Comité des 24 à l'ONU

Président du Groupe UC-FLNKS et Nationalistes au Congrès de la Nouvelle-Calédonie

Signataire FLNKS de l’Accord de Nouméa
« Question de la Nouvelle Calédonie »

Déclaration de M. Roch Wamytan au Comité des 24 à l'ONU
Monsieur Xavier Lasso Mendoza, Président du comité spécial de décolonisation
Mesdames et Messieurs les membres du Comité spécial
Mesdames et Messieurs
Monsieur le Président

Je voudrais tout d’abord vous remercier ainsi que les membres de votre bureau de me faire l’honneur encore une fois de m’adresser en tant que pétitionnaire devant votre comité spécial qui depuis 70 ans aide inlassablement les peuples colonisés à se libérer des chaines du système colonial, un système passéiste, anachronique, qualifié même de « crime » par les Nations Unies et qui n’a plus sa place en ce début du 21ième siècle. Et pourtant ce système est toujours présent même si l’on considère qu’il a muté et pris de nouvelles formes plus insidieuses sous le vernis démocratique comme certains l’on rappelé lors du séminaire de Manauga en mai dernier. Notre ami Serge CHERNIASKY notait dans son intervention, qu’ avec la situation internationale qui s’est détériorée entrainant le chaos dans les relations internationales, ajouter à cela la montée du terrorisme depuis le 11 septembre 2001, la mentalité coloniale des anciennes puissances a ressurgie sous des formes plus ou moins rampantes, pour continuer à conforter leur domination coloniale. Et cela complique le travail du C24 et impacte les territoires non autonomes dans leur lutte d’émancipation. La Nouvelle Calédonie n’échappe pas à cette nouvelle donne.

Mon intervention d’aujourd’hui va se situer dans la droite ligne du thème proposé au séminaire de décolonisation de Managua : « la mise en œuvre de la troisième Décennie internationale de l’élimination du colonialisme: les 70 ans de l’Organisation des Nations Unies: bilan du programme de décolonisation. Veuillez considérer que cette intervention soit une des contributions vous permettant d’analyser et d’évaluer, de façon réaliste et au cas par cas, la situation dans les territoires non autonomes ainsi que les moyens par lesquels le système des Nations Unies et l’ensemble de la communauté internationale pourraient améliorer les programmes d’assistance aux territoires et notamment la Nouvelle Calédonie.
Au cours de ce séminaire j’ai eu l’occasion de ’vous présenter mon analyse de la situation de mon pays sous l’angle du processus de décolonisation et d’émancipation parfois enrayé, obstrué et freiné volontairement par la puissance administrante suivant le sacro-saint principe de la ligne rouge de l’indépendance interdite. Et pour cela tous les moyens sont bons pour conforter sa domination coloniale dont notamment les transmigration de nationaux français, les transferts financiers massifs et l’utilisation de la peur comme arme contre les velléités d’indépendance, ce dernier pont avait d’ailleurs été largement développé à Managua par le docteur Daniel Manfred Malcom en présentant la peur comme l’ennemi implacable des leaders anti colonialistes et des peuples colonisés. Mais je reviendrai sur un seul de ces moyens, le droit de vote, les critères et les listes électorales.


Il s’agit d’un problème fondamental puisque certains parlent de la bataille sur le corps électoral comme la mère des batailles, permettant l’exercice du droit à l’autodétermination des peuples colonisés. Les puissances coloniales ont joué et rejoué sur cette problématique au gré de leurs intérêts. En Nouvelle Calédonie il s’agit d’un problème récurrent depuis que le droit de vote a été accordé au peuple Kanak en 1953. Les différents accords politiques de 1983 (Nainville les roches), 1988 (Matignon-Oudinot) et 1998 (Nouméa) ont buté sur cette question du corps électoral qui a d’ailleurs été une des causes de l’assassinat de Jean Marie Tjibaou et Eloi Machoro. A l’approche du référendum d’autodétermination de 2018, cette question n’a pas manqué de ressurgir avec les mêmes manœuvres servies et resservies depuis 60 ans. D’où les démarches effectuées par le FLNKS auprès du C24 depuis le séminaire régional de 2013 à Quito en Equateur dans l’objectif d’informer le comité sur l’importance de ce problème et la nécessité de le régler. C’est d’ailleurs sur cette problématique que les membres du comité ont effectué la mission de visite en Nouvelle Calédonie dans le courant du mois de mars 2014 en pointant l’inefficacité de la procédure électorale française. Ce dossier divise la Nouvelle Calédonie à l’approche de la sortie de l’accord de Nouméa, en entrainant un climat délétère n’augurant rien de positif pour l’avenir et il nous a semblé encore une fois que la puissance administrante, compétente en droit électoral, se déresponsabilisait suivant le principe de la soi disante équidistante entre les forces politiques locales en renvoyant l’issue des problèmes à l’appareil judiciaire ou à une solution politique consensuelle, à charge aux indépendantistes et non indépendantistes de la trouver entre eux. D’où l’appel lancé par les responsables indépendantistes devant la 4ième commission de l’ONU le 8 octobre 2014, sollicitant une médiation des Nations Unies, solution rejetée par le président de la république française François Hollande lors de sa visite en Nouvelle Calédonie en novembre 2014. Le choix se portait finalement sur une modification de la loi organique de 1999 portant notamment sur la composition des commissions administratives spéciales chargées de l’établissement et de la révision des listes électorales spéciales pour les élections provinciales et pour la consultation sur l’accession du pays à la pleine souveraineté, ainsi que sur la consultation elle-même. Ceci dans la droite ligne des conclusions du comité des signataires d’octobre 2014, boycotté par une partie du FLNKS pour cause de tergiversation de la puissance administrante sur ces questions électorales.


Le 26 mars 2015, le congrès de la Nouvelle Calédonie, à majorité non indépendantiste, consulté pour avis sur l’avant-projet de modification de la loi organique proposé par le gouvernement français rejetait le texte après près de 20h de débat. Estimant ne pas être prise en considération par le gouvernement français, les forces non indépendantistes organisaient une manifestation à Nouméa le 24 avril 2015 lors de la visite en Nouvelle Calédonie du président de l’assemblée nationale française, Claude BARTOLONE. Suite à quoi, le gouvernement français se décidait enfin à réunir au plus vite et au plus haut niveau les responsables politiques et les signataires de l’accord de Nouméa afin de tenter de trouver une solution politique aux modifications proposées à la loi organique.


Un comité des signataires extraordinaires dédié spécifiquement à la question électorale fut ainsi proposé et s’est tenu le vendredi 5 juin 2015 à Paris. Après 13h de débat, un relevé de conclusion actait les principaux points de l’accord politique soit : un élargissement des possibilités de dispense de formalités pour l’inscription sur la liste électorale spéciale référendaire en faveur des natifs citoyens de Nouvelle Calédonie, en sus des personnes de statut civil coutumier et celles ayant été admise à participé à la consultation du 8 novembre 1998 approuvant l’accord de Nouméa. L’extension de ce périmètre regrouperait entre 80 et 85% des personnes constituant le corps électoral référendaire. Le solde restant devra justifier que le centre de leurs intérêts matériels et moraux se situe bien en Nouvelle Calédonie. Concernant les listes électorales spéciales pour les élections au congrès et aux assemblées de province et compte tenu des problèmes de fraudes identifiés par le FLNKS il est décidé de faire procéder par des experts de confiance et dans les meilleurs délais, à une évaluation quantitative anonyme du litige électoral. Le règlement du litige devrait intervenir au plus tard à la date du prochain comité des signataires de fin d’année 2015. Enfin concernant l’amélioration du fonctionnement des commissions administratives spéciales chargée d’établir les listes électorales, une personnalité qualifiée indépendante sera désignée comme observateur dans ces commissions composées de cinq membres et présidées par un magistrat français. Il est par ailleurs confirmé la dévolution de pouvoirs propres d’instruction au président de ces commissions. S ;agissant de la commission consultative d’experts chargée notamment d’apporter un éclairage sur les centres d’intérêts matériels et moraux sollicitée par les commissions administratives spéciales, elle sera paritaire entre indépendantiste et non indépendantiste. Enfin la période de révision des listes sera rallongée particulièrement pour la première année d’établissement de la liste électorale référendaire.


Le résultat obtenu est le fruit d’une ultime concession du FLNKS pour sortir de l’impasse dans laquelle la puissance administrante a conduit la Nouvelle Calédonie sur la problématique du corps électoral provincial. Cette concession a notamment porté sur l’automaticité de l’inscription des natifs citoyens qui peut s’avérer être au désavantage des indépendantistes car elle augmente le risque de fraude en étant des inscriptions non contrôlées. Pour leur part, l’Etat français et les non indépendantistes se sont engagés à régler au fond le problème de la liste spéciale provinciale objet du litige avec le FLNKS depuis ces dernières années. A ce jour aucune garantie ne nous est donnée quant à la bonne fin de la mise en œuvre de ces décisions, certaines vont faire l’objet d’un examen et d’un vote du parlement français, d’autres seront traitées par les différents groupes de travail mis en place par le Haut-Commissaire représentant l’Etat Français en Nouvelle Calédonie.
Il est donc plus que jamais important et nécessaire que le comité spécial de décolonisation renforce sa surveillance et son implication sur l’évolution de la situation en Nouvelle Calédonie. Nous disposons à l’heure actuelle d’aucune garantie que l’Etat français et les non indépendantistes vont respecter leur engagement pris à ce comité des signataires extraordinaires. Trop d’engagements non respectés dans un passé lointain et récent, une stratégie de l’Etat agissant et se revendiquant comme un médiateur arbitre équidistant et impartial laissant les indépendantistes face aux non indépendantistes défenseurs de la colonisation de peuplement français, comme si cet Etat avait perdu sa qualité de puissance administrante, tout cela nous fait craindre les pires difficultés à venir si l’ONU n’est pas partie prenante dans le processus en cours. Ainsi la Nouvelle Calédonie doit pouvoir bénéficier dans cette période délicate de mise en œuvre des décisions du 5 juin, de l’expérience des experts et des observateurs de l’ONU au niveau du processus électoral d’établissement des listes de la consultation référendaire, de même que sur le travail d’évaluation quantitative du litige électoral des listes provinciales. Mais aussi au niveau des différents comités de pilotage sur les transferts des compétences régaliennes : relations extérieures, défense, ordre et sécurité, monnaie et crédit, justice etc, destinés à préparer la consultation référendaire.


Afin d’aboutir à cet objectif qui est le nôtre : un acte d’autodétermination honnête, transparent, crédible, incontestable et incontesté il nous est pas possible au vu de notre histoire coloniale de faire confiance au seul Etat français qui à notre sens, n’a jamais su vraiment décoloniser les pays et les peuples coloniaux qu’elle a administrés au cours des siècles passés. Cet acte d’autodétermination à l’horizon 2018 doit se préparer au mieux avant que la population concernée de la Nouvelle Calédonie dont le peuple colonisé puisse enfin exercer en toute sérénité sont droit à l’autodétermination, seule l’ONU est le garant véritable d’un acte libre et juste

Roch WAMYTAN

Président du Groupe UC-FLNKS et Nationalistes au Congrès de la Nouvelle-Calédonie
Signataire FLNKS de l’Accord de Nouméa