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samedi 12 septembre 2015

Position du Groupe UC-FLNKS et Nationalistes sur la question de l’intégration de la Nouvelle-Calédonie comme membre à part entière du Forum des Îles du Pacifique

Dans le cadre du 46ème Sommet du Forum des Îles du Pacifique (FIP) qui se tient actuellement (7 au 11 septembre 2015) à Port-Moresby en Papouasie-Nouvelle-Guinée, la candidature de la Nouvelle-Calédonie à un statut de membre à part entière est examinée.

En premier lieu, le rôle du FIP dans le soutien international au combat du peuple Kanak, a été considérable, et notamment dans le cadre de la réinscription, en 1986, de la Nouvelle-Calédonie sur la liste des territoires non autonomes des Nations Unies. Ce soutien a pu se développer entre autres sous l’égide de nos pays frères de la Mélanésie.

En effet, depuis 1986, le FLNKS fut membre observateur du FIP. En 1998, suite à la signature de l’Accord de Nouméa qui engagea le pays dans un processus d’émancipation et de décolonisation, les indépendantistes Kanak ont accepté d’intégrer le gouvernement de Nouvelle-Calédonie en lieu et place du FLNKS en tant que membre observateur au sein du FIP. Ce geste d’ouverture fut effectué lors du sommet du FIP à Palau en 1999. En outre, en 2006, la Nouvelle-Calédonie est devenue membre associée du FIP.

En septembre 2013, à la suite d’une mission du comité ministériel en Nouvelle-Calédonie, les dirigeants de l’organisation ont reconnu le bien-fondé de la candidature calédonienne au statut de membre à part entière du FIP.

Malheureusement, depuis 2006, nous constatons une mise à l’écart des responsables indépendantistes concernant toutes les décisions, aussi bien politiques que diplomatiques, relatives au FIP, prises par le gouvernement de la Nouvelle-Calédonie.

Par ailleurs, nous sommes aujourd’hui dans la dernière mandature de l’Accord de Nouméa, et le développement politique de ces derniers mois ne nous permet pas d’envisager l’octroi à la Nouvelle-Calédonie d’un statut de membre à part entière au sein du FIP.

En effet, depuis les élections de mai 2014, le pays vit dans l’instabilité politique. L’illustration la plus parfaite est le blocage du Gouvernement pendant plus de trois mois, de décembre 2014 à avril 2015, par les partis politiques non-indépendantistes. Il a fallu une fois encore, toute la maturité politique des indépendantistes pour sortir le pays de cette crise politique. Les Ministres des Affaires Etrangères du GFLM avaient soutenu cette démarche par un communiqué signé le 23 janvier 2015 à Port-Vila, Vanuatu.


En tant que signataire de l’Accord de Nouméa, j’ai interpellé à plusieurs reprise les partenaires de l’Accord de Nouméa sur le respect de sa mise en œuvre sincère et entière. Le Groupe du Fer de Lance Mélanésien, le FIP et le Comité Spécial de Décolonisation des Nations Unies ont également été alerté sur les problèmes que notre pays traverse, notamment sur la question de l’établissement et de la révision des listes électorales spéciales pour les élections provinciales et pour la consultation sur l’accession du pays à la pleine souveraineté.

En outre, suite à sa mission de visite en Nouvelle-Calédonie en mars 2014, le Comité Spécial de Décolonisation des Nations Unies a pointé plusieurs points négatifs. Outre les graves problèmes de sincérité et de transparence des listes électorales, reconnus par l’Assemblée Générale des Nations Unies au travers du rapport de mission et des résolutions sur la Nouvelle-Calédonie, « [l]a mission est d’avis, comme beaucoup d’autres, que la situation actuelle en Nouvelle-Calédonie est extrêmement fragile et souligne qu’il importe d’établir un dialogue constructif entre tous les acteurs (…)».

Cet avis de la mission de visite du Comité des 24 vient d’être vérifié avec un conflit socio-politique d’envergure qui a vu la capitale, Nouméa, et plusieurs axes routiers stratégiques du pays, bloqués par un conflit autour de la « stratégie nickel », principale ressource naturelle du Pays. Devant l’incapacité du Gouvernement à gérer ce conflit, un responsable indépendantiste a assuré une médiation pour sortir de plus de trois semaines de blocage.
Par ailleurs, l’Océanie est considérée aujourd’hui comme le nouveau centre de la croissance mondiale, munie d’un potentiel considérable pouvant relever les défis du 21ème siècle (énergie, matières premières, ressources halieutiques, etc.). Ainsi, il est clair que la France, au nom de sa grandeur, de sa place dans le monde, de ses intérêts supérieurs, de son rang de deuxième puissance maritime au monde derrière les USA, souhaite s’assurer de garder les pouvoirs régaliens en Nouvelle-Calédonie.
Récemment, un colloque organisé par le sénat français en janvier 2013 à Paris a confirmé à nouveau l’intérêt de la France pour ses territoires français du Pacifique. Les intervenants de ce colloque préconisaient ainsi de défendre dans cette partie du monde les intérêts supérieurs de la France en lien avec les entreprises françaises publiques et privées.

La France défend aussi ses intérêts en se servant des territoires français comme tête de pont ou base arrière de la France et de l’Europe.

S’agissant ainsi des territoires ultramarins français, le Président français François Hollande lors de sa tournée des « dernières colonies » françaises avait une constante dans ses discours : «La France est présente de partout dans le monde, un pays où le soleil ne se couche jamais, la France est un pays d’Océanie, de l’Océan indien, de l’Amérique, de l’Atlantique, des Caraïbes ». Ces déclarations traduisent la politique de ligne rouge de l’indépendance interdite que la France met en œuvre. Parfois sous couvert de démocratie, nous pouvons déceler des manœuvres d’un Etat tentant d’assurer sa domination tout en faisant bonne figure devant la communauté internationale.

Les responsables indépendantistes que nous sommes avons quoi d’être inquiets au vu de cette situation en outre-mer français et eu égard aux déclarations de certains responsables politiques français de haut niveau à l’instar du président François Hollande lors de son dernier voyage en Nouvelle Calédonie en novembre 2014 affirmant dans son discours au Centre Culturel Tjibaou que les intérêts supérieurs de la France se situent aussi dans le pacifique.

Or, la Nouvelle-Calédonie est océanienne et la France est européenne. Le FLNKS a donné du temps au temps pour construire et atteindre son indépendance. Des résultats importants ont été obtenus, mais des dérives graves suite à une volonté délibérée d’enfermement de l’Etat, ont conduit la Nouvelle Calédonie vers une trappe dans laquelle la France l’enferme de plus en plus au nom des intérêts supérieurs de la Nation.

Pour nous, il est ainsi hors de question pour le moment, et tant que la Nouvelle-Calédonie n’est pas indépendante, qu’elle puisse obtenir le statut de membre à part entière au sein du FIP. Dans le même ordre d’idées, il est inconcevable pour nous, s’agissant du Groupe du Fer de Lance Mélanésien, que le FLNKS puisse céder sa place au gouvernement de la Nouvelle-Calédonie. Car ce serait à coup sûr faire entrer la France, suivant le principe du « cheval de Troie » dans ces organisations régionales qui ont été de tous les combats pour l’indépendance du peuple kanak.

Notre pays qui va commémorer les 162 ans de prise de possession par la France le 24 septembre 2015, n’a pas vocation à jouer éternellement le rôle de faire valoir de son autorité de tutelle dont le seul but est d’affirmer aux yeux des nations de cette région son statut de pays « océanien » afin de tirer profit de cette position. La réalité géographique et politique rappelle que la France, située à 20 000 km du Pacifique est un état européen et non océanien. Tordre le coup en permanence à cette réalité de base équivaut à entretenir le système colonialiste et impérialiste, et fait le lit des futures situations conflictuelles. Plus que jamais la Nouvelle Calédonie, la Mélanésie et le Pacifique, ont besoin de stabilité, de cohésion et de paix.

Compte tenu de la situation politique actuelle en Kanaky/Nouvelle-Calédonie, particulièrement dans la perspective de la consultation électorale sur l’accession du pays à la pleine souveraineté, prévue à partir de 2018, et compte tenu des éléments développés ci-dessus, la position du Groupe UC-FLNKS et Nationalistes est celle de repousser l’examen de la candidature de la Nouvelle-Calédonie au statut de membre à part entière du Forum des Îles du Pacifique.

Les pays frères de la Mélanésie, le Président de la République Française, la Ministre des Outre-mer, le Président du Gouvernement de la Nouvelle-Calédonie, et le Président du Comité Spécial de Décolonisation des Nations Unies, ont été informés et saisis à ce sujet.