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vendredi 4 mars 2016

L’illusion de la fin

industriel L’Assemblée de la province Nord a répondu favorablement et unanimement à la demande de SOFINOR pour une avance d’un montant de 1,2 milliard XPF afin d’assurer la trésorerie et les besoins en fonctionnement de sa filiale SMSP. Les raisons officiellement invoquées par les dirigeants seraient la forte dégradation des cours du nickel qui précipitent les sociétés du secteur dans de grandes difficultés financières ainsi que les retards importants pris par l’usine du Nord. Si elles sont irréfutables, ces explications cherchent néanmoins à dissimuler les véritables raisons qui ont finalement poussé André Dang à demander l’aide de la province Nord.
Une erreur de gestion manifeste. SMSP doit rembourser les emprunts qu’elle a contractés auprès de la BPCE et l’AFD dans le cadre du financement optionnel de la construction de l’usine du Nord. Pour mémoire, la BPCE a prêté 150 millions € avec différé de 5 ans et a décliné l’octroi d’une seconde tranche du même montant. L’AFD a ensuite prêté 170 millions € (réduit par la suite à 102 millions €) avec une garantie partielle de la province Nord et un nantissement sur le reste des actions non gagées détenues par SMSP dans SNNC. Or il faut se rappeler que SMSP n’était absolument pas obligée de répondre aux appels de fonds de KNS puisque son partenaire industriel et financier s’était engagé à financer l’intégralité du coût de construction de l’usine du Nord. Quelles sont donc les raisons qui ont poussé André Dang et Paul Néaoutyine à prendre de tels risques ô combien inutiles? Pour comprendre il convient ici de dépasser les limites de l’analyse financiere présentée aux tiers pour revenir aux motivations profondes des dirigeants. Concernant le premier aspect, le financement même partiel de la dette junior (indexée rappelons-le sur le cours du nickel pour la partie hors coupon) était censé générer un retour significatif pour SMSP. Les projections de rémunération étaient alors basées sur un cours du nickel moyen de 9 et 12 $ la livre minimum… SMSP et la province Nord se sont donc engagés dans une opération financière pour le moins hasardeuse compte tenu des retards importants dans les montées en production des usines et de la baisse significative du cours du nickel aujourd’hui sous la barre des 4 $ la livre. André Dang engagea la société malgré les mises en garde réitérées de nombreuses personnes proches du dossier. Le directeur de l’IEOM sur le départ lui conseilla de laisser Xstrata prendre les risques et de ne pas s’engager inutilement. Selon son raisonnement, seule la multinationale était en effet en mesure de maitriser (ou pas) le calendrier de construction, la montée en puissance de l’usine, donc ses retombées financières permettant (ou pas) de rembourser les emprunts. En bref, malgré les avantages indeniables du montage financier, SMSP se trouverait alors dans la position pour le moins inconfortable de SPMSC. A Paris, à quelques jours de la signature de la convention de crédit portant sur le second emprunt, l’avocat parisien mit en garde André Dang contre le fait qu’il était en train de commettre l’erreur d’emprunter l’argent dont il n’avait pas besoin. La prudence aurait été en effet de ne pas emprunter une somme aussi importante dans le seul but de participer aux appels de fonds de KNS, mais de financer avec POSCO les investissements productifs de NMC. Force fut de constater qu’une telle opération financière, pourtant logique bien qu’ordinaire, aurait cruellement manqué de panache. C’est en effet pour une pure question de prestige, la fierté de lever l’emprunt le plus important jamais accordé outremer par AFD, que SMSP et la province Nord se sont finalement engagés dans cette malencontreuse aventure.
Une situation intenable. Compte tenu de la dégradation de la situation financière de SMSP, il est parfaitement clair que le recours aux avances de la province Nord aurait déjà dû se faire avant les dernières élections provinciales, ce qui n’était pas envisageable pour des raisons éminemment politiques – réélection de Paul Néaoutyine oblige ! Une autre option se présentait donc, même si celle-ci découlait d’un constat peu flatteur de la Chambre territoriale des comptes. La mise en orbite de Nord Avenir permit en effet à SMSP de récupérer les 2 milliards de trésorerie alors détenus par SOFINOR, lesquels provenaient bien sûr des dividendes distribués par SLN. Aujourd’hui, malgré les propos toujours aussi rassurants de son PDG, la situation de SMSP est tout simplement intenable. Elle ne peut faire face à ses engagements et ses filiales sont toutes déficitaires. Perdant plus de 500 millions XPF par mois NMC est dans l’impossibilité de rembourser les avances en trésorerie faites par POSCO Invest. La co-entreprise minière est contrainte de vendre le minerai au-dessous du prix du marché compte tenu de la remise accordée, mais surtout de la teneur commerciale élevée au-dessous de laquelle elle doit payer des pénalités. C’est donc soit la faillite, soit la mise sous tutelle coréenne avec un autre prêt accordé par un partenaire étranger qui ne manquera pas d’imposer d’autres conditions pour l’accès à la ressource. Seulement SNNC est dans l’incapacité de tirer et partager les bénéfices du doublement de production et accuse une perte sans précédent. La rentabilité du partenariat « gagnant-gagnant » et sa propension à verser des dividendes en Nouvelle-Calédonie ne sont pas à la hauteur des espérances présidentielles puisqu’au cours de l’exercice écoulé la perte consolidée devrait approcher les 10 milliards XPF. 18 ans après la signature de l’accord de Bercy l’usine du Nord n’a toujours pas atteint le quart de sa capacité nominale de production. Quel que soit le cours du nickel, elle se trouve donc dans l’impossibilité de dégager des profits, de couvrir ses pertes antérieures, et donc de distribuer des dividendes aux actionnaires et de payer les coupons et intérêts à ses créanciers. Malgré le dégrèvement historique de 3,8 milliards XPF accordé par le gouvernement et les échelonnements exceptionnels de la dette fiscale par la paierie, SMSP et sa filiale financière Société de Ouaco sont redevables de 2 milliards XPF. La minière du Nord ne peut donc pas continuer à honorer ses obligations financières qui s’élèvent à quelques 2,5 milliards par an. SOFINOR, nouvelle mouture gérée par André Dang, ne perçoit plus de dividendes de SLN d’où la demande réitérée par SMSP de différer le remboursement des emprunts, ce qui avait été préalablement refusé par les banques qui demandaient comme condition préalable la participation financière de la province Nord… L’avance en compte courant accordée par cette dernière n’est donc que l’illusion de la fin, un pansement sur une fracture ouverte. Les échéances financières auprès des banques sont telles que pour maintenir SMSP à flot la province Nord devra renouveler l’exercice. Ce premier pansement devrait toutefois permettre aux dirigeants de SMSP de faire un dernier tour de piste. Ne restera plus alors que la fracture – et les factures pour les générations futures.
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