L’Assemblée
de la province Nord a répondu favorablement et unanimement à la demande
de SOFINOR pour une avance d’un montant de 1,2 milliard XPF afin
d’assurer la trésorerie et les besoins en fonctionnement de sa filiale
SMSP. Les raisons officiellement invoquées par les dirigeants seraient
la forte dégradation des cours du nickel qui précipitent les sociétés du
secteur dans de grandes difficultés financières ainsi que les retards
importants pris par l’usine du Nord. Si elles sont irréfutables, ces
explications cherchent néanmoins à dissimuler les véritables raisons qui
ont finalement poussé André Dang à demander l’aide de la province Nord.
Une erreur de gestion manifeste. SMSP doit
rembourser les emprunts qu’elle a contractés auprès de la BPCE et l’AFD
dans le cadre du financement optionnel de la construction de l’usine du
Nord. Pour mémoire, la BPCE a prêté 150 millions € avec différé de 5 ans
et a décliné l’octroi d’une seconde tranche du même montant. L’AFD a
ensuite prêté 170 millions € (réduit par la suite à 102 millions €) avec
une garantie partielle de la province Nord et un nantissement sur le
reste des actions non gagées détenues par SMSP dans SNNC. Or il faut se
rappeler que SMSP n’était absolument pas obligée de répondre aux appels
de fonds de KNS puisque son partenaire industriel et financier s’était
engagé à financer l’intégralité du coût de construction de l’usine du
Nord. Quelles sont donc les raisons qui ont poussé André Dang et Paul
Néaoutyine à prendre de tels risques ô combien inutiles? Pour comprendre
il convient ici de dépasser les limites de l’analyse financiere
présentée aux tiers pour revenir aux motivations profondes des
dirigeants. Concernant le premier aspect, le financement même partiel de
la dette junior (indexée rappelons-le sur le cours du nickel pour la
partie hors coupon) était censé générer un retour significatif pour
SMSP. Les projections de rémunération étaient alors basées sur un cours
du nickel moyen de 9 et 12 $ la livre minimum… SMSP et la province Nord
se sont donc engagés dans une opération financière pour le moins
hasardeuse compte tenu des retards importants dans les montées en
production des usines et de la baisse significative du cours du nickel
aujourd’hui sous la barre des 4 $ la livre. André Dang engagea la
société malgré les mises en garde réitérées de nombreuses personnes
proches du dossier. Le directeur de l’IEOM sur le départ lui conseilla
de laisser Xstrata prendre les risques et de ne pas s’engager
inutilement. Selon son raisonnement, seule la multinationale était en
effet en mesure de maitriser (ou pas) le calendrier de construction, la
montée en puissance de l’usine, donc ses retombées financières
permettant (ou pas) de rembourser les emprunts. En bref, malgré les
avantages indeniables du montage financier, SMSP se trouverait alors
dans la position pour le moins inconfortable de SPMSC. A Paris, à
quelques jours de la signature de la convention de crédit portant sur le
second emprunt, l’avocat parisien mit en garde André Dang contre le
fait qu’il était en train de commettre l’erreur d’emprunter l’argent
dont il n’avait pas besoin. La prudence aurait été en effet de ne pas
emprunter une somme aussi importante dans le seul but de participer aux
appels de fonds de KNS, mais de financer avec POSCO les investissements
productifs de NMC. Force fut de constater qu’une telle opération
financière, pourtant logique bien qu’ordinaire, aurait cruellement
manqué de panache. C’est en effet pour une pure question de prestige, la
fierté de lever l’emprunt le plus important jamais accordé outremer par
AFD, que SMSP et la province Nord se sont finalement engagés dans cette
malencontreuse aventure.
Une situation intenable. Compte tenu de la
dégradation de la situation financière de SMSP, il est parfaitement
clair que le recours aux avances de la province Nord aurait déjà dû se
faire avant les dernières élections provinciales, ce qui n’était pas
envisageable pour des raisons éminemment politiques – réélection de Paul
Néaoutyine oblige ! Une autre option se présentait donc, même si
celle-ci découlait d’un constat peu flatteur de la Chambre territoriale
des comptes. La mise en orbite de Nord Avenir permit en effet à SMSP de
récupérer les 2 milliards de trésorerie alors détenus par SOFINOR,
lesquels provenaient bien sûr des dividendes distribués par SLN.
Aujourd’hui, malgré les propos toujours aussi rassurants de son PDG, la
situation de SMSP est tout simplement intenable. Elle ne peut faire face
à ses engagements et ses filiales sont toutes déficitaires. Perdant
plus de 500 millions XPF par mois NMC est dans l’impossibilité de
rembourser les avances en trésorerie faites par POSCO Invest. La
co-entreprise minière est contrainte de vendre le minerai au-dessous du
prix du marché compte tenu de la remise accordée, mais surtout de la
teneur commerciale élevée au-dessous de laquelle elle doit payer des
pénalités. C’est donc soit la faillite, soit la mise sous tutelle
coréenne avec un autre prêt accordé par un partenaire étranger qui ne
manquera pas d’imposer d’autres conditions pour l’accès à la ressource.
Seulement SNNC est dans l’incapacité de tirer et partager les bénéfices
du doublement de production et accuse une perte sans précédent. La
rentabilité du partenariat « gagnant-gagnant » et sa propension à verser
des dividendes en Nouvelle-Calédonie ne sont pas à la hauteur des
espérances présidentielles puisqu’au cours de l’exercice écoulé la perte
consolidée devrait approcher les 10 milliards XPF. 18 ans après la
signature de l’accord de Bercy l’usine du Nord n’a toujours pas atteint
le quart de sa capacité nominale de production. Quel que soit le cours
du nickel, elle se trouve donc dans l’impossibilité de dégager des
profits, de couvrir ses pertes antérieures, et donc de distribuer des
dividendes aux actionnaires et de payer les coupons et intérêts à ses
créanciers. Malgré le dégrèvement historique de 3,8 milliards XPF
accordé par le gouvernement et les échelonnements exceptionnels de la
dette fiscale par la paierie, SMSP et sa filiale financière Société de
Ouaco sont redevables de 2 milliards XPF. La minière du Nord ne peut
donc pas continuer à honorer ses obligations financières qui s’élèvent à
quelques 2,5 milliards par an. SOFINOR, nouvelle mouture gérée par
André Dang, ne perçoit plus de dividendes de SLN d’où la demande
réitérée par SMSP de différer le remboursement des emprunts, ce qui
avait été préalablement refusé par les banques qui demandaient comme
condition préalable la participation financière de la province Nord…
L’avance en compte courant accordée par cette dernière n’est donc que
l’illusion de la fin, un pansement sur une fracture ouverte. Les
échéances financières auprès des banques sont telles que pour maintenir
SMSP à flot la province Nord devra renouveler l’exercice. Ce premier
pansement devrait toutefois permettre aux dirigeants de SMSP de faire un
dernier tour de piste. Ne restera plus alors que la fracture – et les
factures pour les générations futures.