S’agissant du nickel.Le
terme « compétence minière » revêt une double signification. Il fait
tantôt référence à une discipline ou un domaine d’activité dont une
personne physique ou morale aurait la charge, tantôt à la capacité de
cette dernière de mener avec succès et efficacité la mission qui lui est
confiée. Outre cette duplicité, les deux signifiés sont étroitement
liés puisque un domaine de compétence est généralement confié à
quelqu’un de compétent, du moins devrait-il en être ainsi. Inversement,
le degré de compétence d’une personne tend à déterminer l’étendue des
prérogatives qui lui sont conférées…
Les principales compétences
relatives à la réglementation et l’exploitation de ce minerai ont bien
été transférées à la Nouvelle-Calédonie. Pour autant l’étendue du
domaine n’est pas infinie puisque la Nouvelle-Calédonie est un
territoire français ne disposant pas de tous les leviers financiers et
techniques, tandis que les collectivités locales sont minoritaires au
capital de VNC et SLN. Les principales compétences sont essentiellement
conférées aux présidents de provinces pour la gestion de la ressource et
du gouvernement pour le commerce extérieur. Le fait de savoir s’ils
sont suffisamment compétents pour exercer les pouvoirs qui leurs sont
conférés par l’accord de Nouméa est une question qu’il est difficile de
poser localement même si elle fait partie du débat démocratique. Et
pourtant, le sont-ils vraiment et surtout sont-ils tenus pour
responsables des erreurs stratégiques qu’ils commettent et devant qui?
Pour aller un peu plus loin encore dans la prospective, comment leur
degré de compétence (ou son manque) influe-t-il sur l’étendue des
prérogatives dont ils aimeraient bien être les dépositaires? Assurément,
la montée de la Nouvelle-Calédonie au capital de SLN pourrait être
posée en ces termes. Le fait que les représentants de l’Etat, de droite
comme de gauche, bloquent depuis tant d’années sur cette question
n’est-il pas déjà un élément de réponse ? Bien que disposant de pouvoirs
institutionnels étendus la Nouvelle-Calédonie n’est ni politiquement,
ni économiquement indépendante, et son devenir n’est donc pas étranger
aux intérêts supérieurs de la Nation.
Les intérêts d’Eramet. Soyons pragmatiques et
notons tout d’abord que l’étendue des compétences minières prenant la
forme d’une prise de participation majoritaire par STCPI dans le capital
de SLN pourrait avoir de fâcheuses conséquences pour les intérêts de la
France et de son dernier fleuron métallurgique. Comment en effet
expliquer aux gabonais que n’étant pas indépendante la
Nouvelle-Calédonie deviendrait soudainement majoritaire au capital de
SLN alors qu’étant politiquement indépendants ils ne le sont pas (et ne
le seront pas) au sein de Comilog? Comment leur expliquer a posteriori
que rien dans les accords de 1999-2000 portant sur l’entrée d’intérêts
publics de la Nouvelle-Calédonie au capital d’Eramet et SLN n’indiquait
que le territoire largement dépendant des subsides de l’Etat deviendrait
majoritaire ?
L’accord de Nouméa. Soyons réalistes et rappelons
ensuite que l’accord sur la Nouvelle-Calédonie signé à Nouméa le 5 mai
1998 prévoit bien que « lorsque l’Etat détient directement ou
indirectement la maîtrise totale ou partielle de ces outils, la
Nouvelle-Calédonie le remplacera selon des modalités et des calendriers à déterminer ».
Mais pourquoi une telle imprécision dans la formulation en fin de
phrase alors que le texte est particulièrement concis. Pourquoi le
territoire n’a eu qu’à émettre le souhait du transfert d’établissements
publics nationaux pour que ceux-ci puissent être réalisés alors que la
question de la prise de contrôle de SLN par les collectivités locales
reste suspendue depuis 1998 aux modalités et calendriers à définir ? La
raison réside on s’en doute dans le fait que la question du contrôle a
posteriori et effectif des outils de développement dans le secteur
minier reste problématique. Pour apporter une réponse et étendre
localement le domaine des prérogatives, encore faut-il avoir une vision –
et les compétences qui vont avec.
Au-delà des divergences. Soyons
honnêtes avec nous-même et posons-nous la question de savoir si les
décideurs sont suffisamment compétents pour gérer un tel domaine
d’activité ? L’entrée en vigueur du Schéma de mise en valeur des
richesses minières en 2009 (prévu pour 2004) et l’élaboration du code
minier et des codes de l’environnement laisse le supposer. Mais à
contrario, l’entrée mal négociée de la Nouvelle-Calédonie dans Goro
Nickel en 2005, les problèmes financiers qui en ont résulté, le cuisant
échec du Comité stratégique industriel qui n’a fourni aucune
orientation, les emprunts aussi inutiles qu’hasardeux qui plongent
aujourd’hui SMSP dans des difficultés financières inavouables, le passif
environnemental des mines et l’impact sur les communes minières qu’il
faudra bien un jour mettre en exergue avant que les générations futures
ne le fassent, les récentes dérives des collectivités locales concernant
l’arrêt des exportations de minerai, l’incapacité pour les provinces de
jouer pleinement leur rôle d’actionnaire au sein de SLN (jusqu’à ce que
l’Etat intervienne et impose la solution), la dilapidation des 30
milliards de francs de dividendes que SLN a versé sur le territoire et
qui servent à couvrir les pertes des sociétés d’économie mixte
provinciales et à soutenir financièrement le plus discrètement possible
les entités locales (SPMSC et SMSP), sont autant de faits tangibles
tendant à démontrer que les collectivités publiques calédoniennes n’ont
malheureusement pas les compétences attendues ? Force est de constater
qu’au-delà des discours populistes sur le contrôle de la richesse
minière, les entités locales ne sont que des tigres de papier face aux
multinationales étrangères qui financent et gèrent les projets. Force
est de constater qu’au-delà des jeux de langage (relire Ludwig
Wittgenstein) le nationalisme de la ressource sert surtout les intérêts
d’intermédiaires avisés. Aussi, même au nom du rééquilibrage, l’Etat ne
peut se résigner à cautionner aujourd’hui pas plus qu’hier une fuite en
avant consistant à aliéner une partie substantielle du domaine minier
calédonien à des multinationales étrangères au travers de contrats
commerciaux pour le moins opaques auxquels personne n’a accès. L’Etat
providentiel, garant de l’accord de Nouméa, ne peut cautionner le
développement de telles filières au détriment d’un regain de
compétitivité d’une usine locale majoritairement franco-calédonienne.
Les rendez-vous sont donc pris pour 2018, mais en tout état de cause,
faire fi de cette réalité serait des plus préjudiciables pour l’avenir
de la Nouvelle-Calédonie dans, hors, ou a cote, de la France.