Dans
un communiqué du 2 novembre destiné à soutenir KNS, le président de la
province Nord a condamné « ceux qui veulent une sanctuarisation
étatique » de l’outil d’émancipation du peuple kanak. A ceux qui
voudraient être « les prophètes d’un schéma de la colonisation » il
oppose avec la fierté qu’on lui connait « un levier au service de la
diversification économique et non un outil d’aliénation du travail ». Ce
sens de la rhétorique anti-coloniale porte naturellement à sourire
lorsque l’on connait l’individu, sa conception centralisatrice de la
gouvernance, sa pratique autoritaire du pouvoir, l’ingérence de
l’assemblée provinciale qu’il préside dans la gestion de sociétés en
partie détenues par l’actionnariat populaire kanak.
Une petite structure dynamique et saine.
SONAREP est une société anonyme d’économie mixte au capital social de
9.2 millions XPF dont la particularité est l’actionnariat local (SAEML).
Ce dernier est composé du GDPL Boubopa de la tribu de Titch sur la
commune de Poum. Le bilan de leur société clos au 30 juin 2015 fait
apparaitre une situation comptable et financière saine, ce qui fait bien
évidement figure d’exception dans le groupe Nord Avenir présidé par un
inénarrable fossoyeur d’entreprises qui a toujours vécu de deniers
publics. Il s’agit en fait d’une toute petite structure de proximité
ayant pour activité principale le chalandage minier. En 2015, la société
employant aujourd’hui plus d’une quarantaine de personnes a étendu son
objet social à la gestion des hydrocarbures et à l’exploitation minière
du site SPUR A pour le compte de SLN. Pour ce faire, la société de
tâcheronnage a investi 260 millions financés pour 30% par
défiscalisation, 60% par emprunt bancaire et 10% sur fond propre.
L’entreprise s’est bien gardée de mettre tous les œufs dans le même
panier puisque 75% de son chiffre d’affaires provient du chalandage et
25% de la mine. Cette toute petite structure est bénéficiaire avec un
report à nouveau dépassant les 600 millions XPF (en 2015) pour un
endettement auprès des établissements de crédit de 273 millions. Elle
dispose d’une capacité d’autofinancement de 88 millions et de 414
millions de disponibilités, de quoi intéresser l’actionnaire public.
Basses œuvres provinciales . La
collectivité publique (au travers de Nord Avenir via SODEPAR) était
censée accompagner l’actionnariat populaire jusqu’à ce que la société
puisse voler de ses propres ailes. Mais depuis des années SOFINOR et
aujourd’hui Nord Avenir tentent en vain de procéder à des distributions
de dividendes. Il faut vider les caisses avant d’accorder
« l’autonomie ». Or en dépit des moyens de pression qu’ils exercent les
élus et représentants de la province font face aux refus catégoriques
des petits porteurs de Poum qui savent pertinemment que cette sortie de
trésorerie servirait uniquement à combler les besoins financiers des
autres filiales déficitaires de Nord Avenir (voir l’article Attention à l’atterrissage et ceux portant sur la STCPI comme Frivolités provinciales).
Ils récupéreraient une société vidée de sa trésorerie. Les petits
porteurs de la tribu sont d’autant plus remontés contre cela que ni la
province Nord, ni SOFINOR, ni Nord Avenir, ni le comité de soutien à la
doctrine nickel, n’ont été à l’origine des négociations menées avec SLN
pour l’obtention du contrat de tâcheronnage. Dans un communiqué de
presse en date du 16 novembre 2016, les petits porteurs ont dénoncé les
pratiques irresponsables et l’ingérence des directeurs de Nord Avenir
dans la gouvernance du GDPL. Son porte-parole et celui du clan Boaouva
dénoncent les manœuvres douteuses de l’actionnariat public qui cherche
par tous les moyens à déstabiliser la structure locale à l’aide de
recherche de procuration. En voyant ce mode de gouvernance d’un peu plus
près l’on peut comprendre pourquoi la doctrine nickel de l’exécutif
provincial cherche à ce que la fédération des sociétés minières kanak ne
puisse pas accéder à la part mineur, levier pourtant indispensable pour
la diversification économique à l’échelle communale. Assurément,
l’exécutif de la province Nord n’a plus besoin des prophètes du schéma
de la colonisation puisqu’il peut les compter dans ses propres rangs.
Comme disait Frantz Fanon dans un ouvrage qui reste toujours
d’actualité, la bourgeoisie locale s’est découvert la mission historique
de servir d’intermédiaire. Elle sert de courroie de transmission aux
multinationales et tente de faire sienne l’exploitation de sujets
toujours en quête d’émancipation.