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vendredi 4 mai 2018

Macron en Nouvelle-Calédonie : entre colonisation et commémoration indécente

30 ans après le massacre de la grotte d'Ouvéa

A quelques mois du référendum qui se tiendra le 4 novembre prochain, Macron se rend pour la première fois en Nouvelle-Calédonie, colonie française importante en raison de ses ressources en nickel. Toujours adepte du « en même temps », le chef de l'Etat ne veut pas échauffer les esprits dans ce territoire où la question sociale reste bouillante. Macron visitera donc toutes les îles et se rendra même à la grotte d'Ouvéa, où 19 kanaks ont été tués par la gendarmerie française en 1988.
 
Crédits Photo : Tomy Wea

Même si le référendum risque fort de maintenir la Nouvelle-Calédonie sous la domination de la France avec, selon les sondages, 59,7 % de non pour la déclaration d’indépendance, la visite du chef de l’Etat n’en reste pas moins compliquée dans ce territoire marqué par de profondes inégalités et par des mouvements d’opposition puissants et fréquents. Vingt ans après avoir promis d’organiser un référendum sur la question de l’indépendance, période pendant laquelle le pouvoir a eu toute latitude pour installer ses élites et préparer sa victoire, la visite de Macron du 3 au 5 mai reste donc soumise à des tensions et le moins qu’on puisse dire c’est que faire l’apologie des « valeurs communes » qui unissent les populations locales à l’Etat français reste un exercice de style périlleux.
Quelques mois après la venue d’Édouard Philippe, qui avait rendu hommage aussi bien à Jean-Marie Tjibaou, le chef du Front de Libération Kanake et Socialiste (FLNKS) qu’à Jacques Lafleur, leader du Rassemblement pour la Calédonie dans la France, et peu de temps après la visite de Valls sur le Caillou où il avait rappelé qu’il était « attaché à ce lien entre la Nouvelle-Calédonie et la France », Macron se livre à la même parade qui feint le respect démocratique du droit à l’auto-détermination des peuples pour peser plus certainement en faveur d’une prolongation de l’ordre établi sur la collectivité territoriale.
Interpellé sur sa droite par Les Républicains en la personne de Pierre Frogier, Macron se voit rappelé qu’il doit assurer la « solidarité française » et ne pas montrer trop d’intérêt aux kanaks et acter que le référendum donnera la victoire aux anti-indépendantistes. La « marche bleu blanc rouge » de vendredi prochain, qui regroupe diverses formations loyalistes dont le Front national, entend bien montrer sa force et sa suprématie sur les indépendantistes. En ce sens, la visite de Macron à la grotte d’Ouvéa fait polémique puisque, pour la première fois depuis le massacre perpétré en 1988 par la gendarmerie française contre les indépendantistes kanaks, un président français va se rendre sur les lieux.
Les réactions à la venue du président 30 ans jour pour jour après l’exécution de 19 indépendantistes kanaks dans la grotte située à Gossanah a ravivé les tensions et les souvenirs douloureux. Comme le souligne Macky Wea, responsable du collectif de Gossanah, la venue de Macron sur le monument des 19 est une « insulte » et une « provocation ». Avec d’autres membres du collectif, il affirme vouloir empêcher la venue du président comme leurs slogans « Macron, ne fais pas le forcing » ou encore « Macron, Stop » le laissent entendre. Cette visite, destinée à mettre sur un pied d’égalité tous les épisodes coloniaux subis par la Nouvelle-Calédonie, dans l’esprit du préambule de l’accord de Nouméa du 5 mai 1998 qui insiste autant sur « les ombres de la période coloniale » que sur ses « lumières », est un geste fort de la part du président du « en même temps » qui pense pouvoir gommer sans difficultés un massacre colonial.
Les visites fréquentes des responsables politiques sur le territoire de la colonie française dans l’Océan pacifique, ainsi que leur volonté de montrer une unité de façade face aux fractures sociales et politiques qui existent en Nouvelle-Calédonie, au point de mettre sur le même plan la commémoration du massacre perpétré par la gendarmerie le 5 mai 1988 et une cérémonie commémorative à la gendarmerie de Fayaoué, où quatre gendarmes ont été tués par les indépendantistes, montre l’importance de l’archipel pour la France, notamment pour ses intérêts économiques et impérialistes dans la région. Elle montre aussi que les blessures du passé et les effets de la colonisation ne sont pas effacés mais qu’ils continuent de marquer durablement la population kanak.

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