Entretien
avec Rock Haocas, membre du Parti travailliste et secrétaire confédéral
en charge de la communication et des relations extérieures de l’USTKE.
Quelle est votre position pour rapport au référendum ?
L’USTKE
a pris position lors de son dernier congrès en septembre pour une
« non-participation » massive au référendum, comme l’avait fait le Parti
travailliste cet été. Pour nous, les conditions de sincérité de ce
référendum ne sont pas réunies en raison de la façon dont la liste
électorale a été constituée. Il ne s’agit pas d’un référendum
d’autodétermination, qui devrait concerner d’abord le peuple colonisé,
c’est-à-dire le peuple kanak. À cela s’ajoute le fait que le bilan des
accords de Nouméa sur le « rééquilibrage » et la « décolonisation » est
très négatif. Je précise que si l’USTKE, syndicat indépendantiste a pris
position, c’est bien le Parti travailliste, notre bras politique, qui
fait campagne à l’occasion du référendum, qui fait les démarches
d’information de la population kanak. Mais nous n’avons pas été reconnus
par l’État comme faisant partie de ceux qui ont les droits d’accès à
l’image pendant la campagne, contrairement aux différents groupes
présents au niveau du Congrès, qu’ils soient indépendantistes ou
anti-indépendantistes. Nous faisons donc campagne sur le terrain, avec
des meetings, mais aussi via les réseaux sociaux et les quelques
conférences de presse qui sont relayées. Nous y expliquons que c’est un
référendum bidon, insincère, car une partie importante des non-Kanak est
pour nous dans le périmètre de la fraude électorale, ce qui minorise
les Kanak, parmi lesquels des milliers ne sont pas inscrits. Les autres
font aussi campagne, avec plus de moyens, la droite pour le « Non » et
le FLNKS pour le « Oui ».
Quelle différence entre la non-participation et l’abstention ?
L’abstention
peut traduire un désintérêt, le fait de ne pas se sentir concerné. Pour
nous, la « non-participation » est une vraie prise de position
politique, une affirmation qui consiste à dire que ce référendum n’est
pas légitime. C’est en ce sens que nous avons envoyé un courrier aux
représentants de l’État localement, pour revendiquer le fait que nous
avons nous aussi le droit à l’image, car notre position n’est pas
abstentionniste mais une prise de position politique, au même titre que
l’appel à voter « Oui » ou « Non ». C’est un message politique à part
entière.
Votre principal argument est la composition des listes ?
Oui,
car elles sont insincères. Mais aussi dans le sens où il s’agit d’un
élément qui reflète ce qui s’est passé au cours des 20 dernières années,
depuis les accords de Nouméa. La situation est devenue de plus en plus
défavorable au peuple kanak : au niveau social, avec un échec sur la
question du rééquilibrage, c’est-à-dire un soutien au peuple kanak dans
le cadre d’une société largement déséquilibrée en raison de l’histoire
coloniale, au niveau économique, à tous les niveaux. Nos revendications
économiques et sociales sont les mêmes qu’à l’époque des accords de
Nouméa, ce qui montre que les choses n’ont guère changé. Les listes sont
à l’image de tout ça, elles expriment cet échec, et nous ne voulons
donc pas participer.
Les sondages donnent le « non » largement gagnant. Que peut-il se passer après le référendum ? Que comptez-vous faire ?
Nous
restons indépendantistes, bien sûr. Nous nous battons, et nous nous
battrons, pour l’accession du pays à la pleine souveraineté, pour la
construction d’un autre modèle économique et social, une société plus
égalitaire. L’accord de Nouméa prévoit d’autres référendums, en 2020 et
en 2022, et il faut donc envisager de nouvelles stratégies à la lumière
de ce qui se passe et de ce qui se passera à l’occasion de premier
référendum. Nous savons déjà qu’il faudra se battre pour réunir les
conditions de sincérité à l’occasion d’un prochain référendum. Je
voudrais ajouter que certains racontent que le 5 novembre, le lendemain
du référendum, cela va être le chaos dans le pays. Cela pollue beaucoup
les échanges et la campagne, que ce soit du côté du « Oui » ou du
« Non ». Ceux qui agitent le chiffon de la révolte pour faire peur aux
gens ne rendent pas service à grand monde, ils jouent sur les peurs en
se référant aux événements du passé, notamment dans les années 1980.
Pour nous ce n’est pas sérieux de raconter ça, car dans la réalité la
campagne se passe bien sur le terrain, les réunions publiques se
tiennent normalement, etc. Le 5 novembre, les gens continueront à vivre,
et en ce qui nous concerne, la lutte continuera.
Propos recueillis par Julien Salingue