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mardi 9 septembre 2014

Clash sur le corps électoral

Rejointe par la DUS et le Parti travailliste, l’Union calédonienne a quitté hier avec fermeté une réunion au haut-commissariat. Le clash. Le corps électoral spécial et le toilettage des listes sèment toujours la colère, à un mois du Comité des signataires à Paris.

Avec les leaders de la Dynamik unitaire Sud et du Parti travailliste, le président de l’UC et ses coéquipiers ont tancé l’Etat accusé de dénaturer la lettre de l’accord de Nouméa.


«L’accord de Nouméa, c’est la parole donnée. Il ne faut pas que cette parole donnée devienne, au fil du temps, la parole trahie. » Debout, une épaule frôlant l’imposant portrait de feu Charles Pidjot, Gilbert Tyuienon a teinté, hier, ses mots d’une pointe d’agacement. Quelques heures plus tôt, en matinée, un clash a retenti à la résidence du haut-commissariat. L’Union calédonienne, la Dynamik unitaire Sud et le Parti travailliste ont quitté, tour à tour, après une déclaration, la salle où se tenait un échange initié par le haussaire avec tous les mouvements politiques calédoniens. Ce coup de sang fait du bruit à un mois du Comité des signataires à Paris. Le Palika, lui, était absent.

Combat. Le sujet au menu de la rencontre, le corps électoral pour le référendum, renvoie, même si les modalités ne sont pas les mêmes, à la liste électorale spéciale pour les provinciales. Et ce point irrite toujours les indépendantistes. Un vieux combat. D’ailleurs, en juillet dernier, lors de la visite de la ministre des Outre-mer, « nous l’avons interpellée », se souvient le président de l’UC, Daniel Goa, entouré des leaders de la DUS et du Parti travailliste. « Des questions et propositions ont été posées par courrier » sur ces deux thématiques électorales, mais aussi sur le transfert de l’article 27 de la loi organique, relatif à la communication audiovisuelle, ou au statut des provinces et des communes. Mais « on attend des réponses ». Un épisode autant central que houleux reste surtout en travers de la gorge. Procédure habituelle avant le scrutin provincial du dimanche 11 mai, la révision de la liste électorale spéciale a été ordonnée. « Cinq personnes siègent dans les commissions administratives » chargées de l’examen, observe l’UC Gérard Reignier. « Nous nous sommes retrouvés souvent à voter à deux contre trois. C’est-à-dire un juge et un représentant du FLNKS, face aux représentants du maire, des non-indépendantistes, et de l’Etat » qui ont plaidé « pour l’inscription des personnes » sur la liste. La conclusion est évidente, selon la composante du Front : l’Etat a soutenu l’idée qu’une majorité se dégage au sein de ces commissions « pour faire inscrire des gens qui n’ont pas à être inscrits. Nous avons subi des commissions administratives spéciales hors-la-loi ». A contrario, l’UC se rapporte, dans la foulée, à un jugement du tribunal de première instance du 11 avril dernier. Des magistrats ont posé l’équation légale, et conclu à la radiation d’une dame du Mont-Dore arrivée en Calédonie en 1993.

Contrôle. Le ton est monté encore d’un cran. « Les révisions n’ont pas été faites dans le cadre de la loi, note le secrétaire général de l’Union calédonienne, elles se sont faites dans le cadre de la colonie de peuplement », le doigt étant ici pointé vers le courrier de Pierre Messmer de 1972. Par ricochet, « les résultats électoraux sont faussés », tempête Louis Kotra Uregei, du Parti travailliste. De fait, pour la consultation de sortie de l’accord de Nouméa, « on ne peut pas s’engager dans cette voie s’il n’y a pas l’impartialité demandée sur le contrôle de la liste ». L’UC, rejointe aujourd’hui par les deux mouvements, participera-t-elle au prochain Comité des signataires ? Pas de réponse hier. Toutefois, dans un tel contexte, et si l’Etat n’envoie pas de signaux dans le mois, il semble peu probable de voir Daniel Goa et ses camarades monter dans l’avion pour Paris. Notamment pour une question d’affichage politique avant la venue du président de la République François Hollande en novembre, en Calédonie. Et dans un cercle plus rapproché, l’attitude de l’UC ne sera pas neutre au sein du FLNKS. Après la mine, le point du corps électoral spécial agitera-t-il les lignes ?

6 700

C’est le nombre de demandes de radiation qui avait été déposées devant les commissions administratives de révision des listes électorales. Ces demandes avaient ensuite pris le chemin du tribunal de première instance.

Une confiance durablement entamée ?

C’est peu dire que la question du corps électoral des provinciales aura largement torpillé la première réunion organisée par l’Etat pour mettre en place une méthode d’élaboration de la liste électorale référendaire. Si l’Union calédonienne et le Parti travailliste ont claqué la porte du haussariat, c’est en grande partie parce que l’entreprise de radiation des listes provinciales de 6 700 électeurs menée en janvier et février 2014 a échoué en grande partie. Cette démarche se fondait sur une interprétation stricte de la loi organique combinée à la jurisprudence de la Cour de cassation. En gros, une personne qui n’était pas inscrite sur la liste électorale de 1998 devait apporter la preuve qu’elle était arrivée en Calédonie avant 1988. C’est en passant au crible cette liste de 1998 que ces demandes de radiation ont été intentées, au nom du gel du corps électoral, devant les commissions de révision des listes. Or, selon un fin connaisseur des coulisses politiques, il semblerait que, dans un premier temps, l’Union calédonienne avait reçu des signaux positifs du ministre des Outre-mer de l’époque, Victorin Lurel, quant au bien-fondé de sa démarche. Ce serait pour cette raison qu’en février 2014, le haut-commissaire Jean-Jacques Brot avait piqué une grosse colère, s’était mis en retrait de ses fonctions, et avait plaidé la cause d’une plus grande souplesse auprès du Premier ministre Jean-Marc Ayrault, avec lequel on lui prête de bonnes relations.

Le rôle de Jean-Jacques Brot

L’ancien haussaire, gaulliste revendiqué, ne voulait pas être « le complice du largage de la Calédonie par l’Etat ». Sa forte implication dans ce dossier serait aussi une des raisons de ses heurts avec Gilbert Tyuienon, alors vice-président UC du gouvernement. Finalement, Jean-Marc Ayrault s’est laissé convaincre et a plaidé pour une application des textes conforme à l’usage qui avait prévalu jusqu’alors. De leur côté, dès octobre 2013, par la voix de Roch Wamytan, les indépendantistes avaient demandé à l’ONU de venir voir comment étaient menées les révisions électorales. Les commissions de révision des listes, composées d’un magistrat, d’un représentant de l’Etat et du maire et de deux électeurs représentant les deux blocs, ont largement rejeté les demandes de radiation. La justice n’a fait que confirmer ces options. Mais à l’UC, la défiance est restée profonde envers l’Etat. En juin dernier, à l’ONU, Roch Wamytan a accusé la France d’avoir « tracé une ligne rouge de l’indépendance interdite ».

Une mission dans dix jours
La mission d’écoute et de conseil décidée par le Premier ministre, Manuel Valls, devrait arriver le vendredi 19 septembre et repartir le lundi 22, soit un peu plus d’une semaine avant le Comité des signataires prévu les vendredi 3 et samedi 4 octobre. Cette mission sera conduite par Alain Christnacht et Jean-François Merle. Le Rump a d’ores et déjà fait savoir que si sa composition ne changeait pas, il ne rencontrerait pas la mission.

Pas de réinscription
Le seul consensus qui s’est dégagé entre les partis politiques présents autour du haut-commissaire, c’est la réticence, voire le refus d’une démarche générale de réinscription de l’ensemble des personnes remplissant les conditions pour participer au référendum. A la fois pour des raisons pratiques, symbolique, mais aussi politiques. Il y aurait forcément des « pertes en ligne », d’un côté comme de l’autre.