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vendredi 13 novembre 2015

Pour Oscar Temaru, « ces ressources nous appartiennent. Nous n’avons pas besoin de la France pour (les) exploiter. »

L’enjeu des terres rares

Le groupe UPLD* s’est exprimé mardi au sujet de la proposition de résolution, portée par le Tahoera’a de Gaston Flosse, pour élargir la compétence minière du pays aux « matières premières stratégiques ». Pour le groupe souverainiste, ce débat n’a pas sa place à Paris mais à New York, devant l’ONU.

Pour Oscar Temaru, « ces ressources nous appartiennent. Nous n’avons pas besoin de la France pour (les) exploiter. »
Pour Oscar Temaru, « ces ressources nous appartiennent. Nous n’avons pas besoin de la France pour (les) exploiter. »

L’information avait été révélée par Tahiti infos la semaine dernière. Le président de l’Assemblée de Polynésie française, Marcel Tuihani, a déposé le 21 octobre dernier une proposition de résolution demandant à l’Etat la modification de la loi statutaire pour donner pleine compétence à la collectivité sur l’exploitation minière dans les profondeurs océaniques de sa zone économique exclusive (ZEE) - lire les repères. Une décision « tardive et hypocrite », selon les indépendantistes, dont le leader, Oscar Temaru, traite même les autonomistes de « collabos » au service de la France pour avoir cédé ces compétences.
L’élargissement des compétences polynésiennes que souhaite aujourd’hui le Tahoera’a (parti autonomiste de Gaston Flosse) ne pourra avoir lieu qu’à l’issue d’une modification de la loi organique. Tel est l’enjeu de la demande portée par la proposition de résolution soumise par Marcel Tuihani.

Profit. Le texte demande la modification de la loi organique polynésienne et de deux articles du code minier national : « Les Polynésiens doivent pouvoir appréhender les potentialités de leur zone économique exclusive dans toute leur dimension scientifique […] Les ressources présentes dans la ZEE doivent en priorité servir au développement économique de la collectivité. La Polynésie française doit pouvoir tirer profit, le moment venu, de l’exploitation de ces gisements », y est-il exposé.
Cette proposition de résolution est loin d’être en mesure de faire l’unanimité à l’Assemblée. Le texte devait être présenté pour avis ce vendredi en commission des Institutions. Hasard du calendrier ? Son évocation a été reportée sine die à la demande de l’élue Tapura Virginie Bruant. Le gouvernement Fritch pourrait ne pas souhaiter la voir adoptée par la représentation polynésienne pour ménager ses relations avec Paris. Une telle position pose problème pour l’avenir de ce texte alors que les élus pro-Fritch ne devraient plus tarder à disposer de la majorité absolue dans l’hémicycle.

Incohérence. Pour des raisons bien différentes, le soutien de cette proposition de résolution semble précaire à l’UPLD, l’union de partis présidée par Oscar Temaru. Le groupe souverainiste a réagi mardi à ce qu’il juge une ambition nouvelle du Tahoera’a, en constatant le soudain intérêt du parti autonomiste pour cette question des gisements minéraux sous-marins de la ZEE polynésienne. L’UPLD parle d’incohérence : « La compétence statutaire en matière d’exploitation des gisements de ressources dites stratégiques a délibérément été abandonnée par le gouvernement polynésien dès la réforme de 1996 et confirmée par la révision statutaire de 2004 », précise le parti souverainiste en ne manquant pas de souligner qu’à chaque fois, Gaston Flosse était aux manettes.
« Je ne suis pas d’accord pour demander à l’Etat de nous rendre ce qui nous appartient », explique en outre le leader indépendantiste Oscar Temaru. Pour lui, comme pour Antony Géros et Richard Tuheivava qui se sont exprimés, l’Etat français ne veut pas reconnaître le processus de décolonisation engagé en mai 2013 par les Nations unies en Polynésie française. « Lorsque les questions polynésiennes sont abordées à l’ONU, la France se lève et va fumer une clope », a assuré Antony Géros. « Nous avons une ressource minière qui est estimée entre 10 et 15 milliards de dollars au kilomètre carré : comment a-t-on pu renoncer à ça d’un revers de la main ? s’interroge Oscar Temaru. C’est une trahison en complète violation du droit de souveraineté du Pays. Ce n’est pas à Paris ni à Bruxelles mais à New York qu’il faut aller régler ça. »
* L’Union pour la démocratie (UPLD) est une coalition de partis politiques de gauche et indépendantiste. Sa composante principale est le Tavini Huiraatira d’Oscar Temaru.
L’essentiel
Le leader indépendantiste Oscar Temaru a fustigé la position de l’Etat français sur la question des terres rares, ces ressources sous-marines qui ne peuvent être exploitées que par la France. L’ancien président de la Polynésie française a affirmé, mardi à Papeete, que l’Etat menait « une politique de viol du droit du peuple maohi à la souveraineté ».
Repères
 
Une chasse gardée nébuleuse
Diverses études constatent depuis une trentaine d’années la présence abondante de minerais rares sur les fonds marins polynésiens. Mais le statut de 2004 restreint la compétence du Pays en matière d’exploitation minière. Il ne lui accorde aucune compétence sur l’exploitation des matières premières dites « stratégiques ». Or la liste de ces ressources minières « stratégiques » est vague. Elle est fixée par décret et peut être modifiée à tout moment par le gouvernement français, ce qui en fait une chasse gardée nébuleuse de l’Etat français.
Pas de réprésentant à la COP21
L’UPLD, pourtant sensible aux questions environnementales, a assuré qu’elle n’enverrait aucun représentant à la COP21. « La Polynésie ne fait pas partie des 21 joueurs : c’est la France qui va parler au nom de la Polynésie, François Hollande qui n’a jamais mis les pieds en Polynésie », a conclu Antony Géros.