L’enjeu des terres rares
Le groupe UPLD* s’est exprimé mardi au 
sujet de la proposition de résolution, portée par le Tahoera’a de Gaston
 Flosse, pour élargir la compétence minière du pays aux « matières 
premières stratégiques ». Pour le groupe souverainiste, ce débat n’a pas
 sa place à Paris mais à New York, devant l’ONU.
Pour Oscar Temaru, « ces ressources nous appartiennent. Nous n’avons pas besoin de la France pour (les) exploiter. »
L’information avait été révélée par Tahiti infos la semaine 
dernière. Le président de l’Assemblée de Polynésie française, Marcel 
Tuihani, a déposé le 21 octobre dernier une proposition de résolution 
demandant à l’Etat la modification de la loi statutaire pour donner 
pleine compétence à la collectivité sur l’exploitation minière dans les 
profondeurs océaniques de sa zone économique exclusive (ZEE) - lire les 
repères. Une décision « tardive et hypocrite », selon les 
indépendantistes, dont le leader, Oscar Temaru, traite même les 
autonomistes de « collabos » au service de la France pour avoir cédé ces
 compétences.
L’élargissement des compétences polynésiennes que 
souhaite aujourd’hui le Tahoera’a (parti autonomiste de Gaston Flosse) 
ne pourra avoir lieu qu’à l’issue d’une modification de la loi 
organique. Tel est l’enjeu de la demande portée par la proposition de 
résolution soumise par Marcel Tuihani.
Profit. Le
 texte demande la modification de la loi organique polynésienne et de 
deux articles du code minier national : « Les Polynésiens doivent 
pouvoir appréhender les potentialités de leur zone économique exclusive 
dans toute leur dimension scientifique […] Les ressources présentes dans
 la ZEE doivent en priorité servir au développement économique de la 
collectivité. La Polynésie française doit pouvoir tirer profit, le 
moment venu, de l’exploitation de ces gisements », y est-il exposé.
Cette
 proposition de résolution est loin d’être en mesure de faire 
l’unanimité à l’Assemblée. Le texte devait être présenté pour avis ce 
vendredi en commission des Institutions. Hasard du calendrier ? Son 
évocation a été reportée sine die à la demande de l’élue Tapura Virginie
 Bruant. Le gouvernement Fritch pourrait ne pas souhaiter la voir 
adoptée par la représentation polynésienne pour ménager ses relations 
avec Paris. Une telle position pose problème pour l’avenir de ce texte 
alors que les élus pro-Fritch ne devraient plus tarder à disposer de la 
majorité absolue dans l’hémicycle.
Incohérence. Pour
 des raisons bien différentes, le soutien de cette proposition de 
résolution semble précaire à l’UPLD, l’union de partis présidée par 
Oscar Temaru. Le groupe souverainiste a réagi mardi à ce qu’il juge une 
ambition nouvelle du Tahoera’a, en constatant le soudain intérêt du 
parti autonomiste pour cette question des gisements minéraux sous-marins
 de la ZEE polynésienne. L’UPLD parle d’incohérence : « La compétence 
statutaire en matière d’exploitation des gisements de ressources dites 
stratégiques a délibérément été abandonnée par le gouvernement 
polynésien dès la réforme de 1996 et confirmée par la révision 
statutaire de 2004 », précise le parti souverainiste en ne manquant pas 
de souligner qu’à chaque fois, Gaston Flosse était aux manettes.
«
 Je ne suis pas d’accord pour demander à l’Etat de nous rendre ce qui 
nous appartient », explique en outre le leader indépendantiste Oscar 
Temaru. Pour lui, comme pour Antony Géros et Richard Tuheivava qui se 
sont exprimés, l’Etat français ne veut pas reconnaître le processus de 
décolonisation engagé en mai 2013 par les Nations unies en Polynésie 
française. « Lorsque les questions polynésiennes sont abordées à l’ONU, 
la France se lève et va fumer une clope », a assuré Antony Géros. « Nous
 avons une ressource minière qui est estimée entre 10 et 15 milliards de
 dollars au kilomètre carré : comment a-t-on pu renoncer à ça d’un 
revers de la main ? s’interroge Oscar Temaru. C’est une trahison en 
complète violation du droit de souveraineté du Pays. Ce n’est pas à 
Paris ni à Bruxelles mais à New York qu’il faut aller régler ça. »
*
 L’Union pour la démocratie (UPLD) est une coalition de partis 
politiques de gauche et indépendantiste. Sa composante principale est le
 Tavini Huiraatira d’Oscar Temaru.
L’essentiel
Le
 leader indépendantiste Oscar Temaru a fustigé la position de l’Etat 
français sur la question des terres rares, ces ressources sous-marines 
qui ne peuvent être exploitées que par la France. L’ancien président de 
la Polynésie française a affirmé, mardi à Papeete, que l’Etat menait « 
une politique de viol du droit du peuple maohi à la souveraineté ».
Repères
Une chasse gardée nébuleuse
Diverses
 études constatent depuis une trentaine d’années la présence abondante 
de minerais rares sur les fonds marins polynésiens. Mais le statut de 
2004 restreint la compétence du Pays en matière d’exploitation minière. 
Il ne lui accorde aucune compétence sur l’exploitation des matières 
premières dites « stratégiques ». Or la liste de ces ressources minières
 « stratégiques » est vague. Elle est fixée par décret et peut être 
modifiée à tout moment par le gouvernement français, ce qui en fait une 
chasse gardée nébuleuse de l’Etat français.
Pas de réprésentant à la COP21
L’UPLD,
 pourtant sensible aux questions environnementales, a assuré qu’elle 
n’enverrait aucun représentant à la COP21. « La Polynésie ne fait pas 
partie des 21 joueurs : c’est la France qui va parler au nom de la 
Polynésie, François Hollande qui n’a jamais mis les pieds en Polynésie 
», a conclu Antony Géros.