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dimanche 20 décembre 2015

Bravo Mr TALAMONI : A l'Assemblée, Mr le Président fait son discours en langue Corse.

La langue corse en vedette à l’Assemblée de l’île


LE MONDE | Gilles Simeoni et Jean-Guy Talamoni, célèbrent la victoire des nationalistes aux élections en Corse, dimanche 13 décembre 2015.  
Gilles Simeoni et Jean-Guy Talamoni, célèbrent la victoire des nationalistes aux élections en Corse, dimanche 13 décembre 2015. PASCAL POCHARD CASABIANCA / AFP

Silence mûrement réfléchi à Matignon, effervescence exaltée mais un brin contrite en Corse : la large victoire des nationalistes, dimanche 13 décembre, n’a pas été saluée également à Paris et sur l’île. « On a parlé toute la soirée de douze régions, en oubliant la nôtre ; et nous n’avons reçu aucun coup de fil, ni de François Hollande ni de Manuel Valls », relève le nationaliste Gilles Simeoni, grand gagnant des élections territoriales. Le premier ministre a téléphoné à chacune des têtes de listes socialistes, aux trois candidats de droite ayant fait échec au Front national avec l’aide du PS, mais négligé le maire de Bastia, qui, l’an passé, avait pourtant emporté sa ville avec l’appui des forces de gauche. Gilles Simeoni devrait, sauf coup de théâtre, présider jeudi 17 décembre l’« exécutif » corse, le mini-gouvernement de l’île, tandis que l’indépendantiste Jean-Guy Talamoni prendra les rênes de l’Assemblée locale.

Cornes de brume, drapeaux et bandere, klaxons… D’avis de connaisseur, on n’avait pas entendu foule aussi bruyante « depuis la victoire de Bastia à la coupe de France de foot en 1981 » que ce dimanche. Des candidats portés en triomphe sur les épaules ; U Culombu, A Palatina, les vieux chants de révolte du XVIIIsiècle ressuscités dans les années 1980, emmêlés avec Mi ne vogu (« Je m’en vais »), le hit de la campagne de Gilles Simeoni, un tube de Vitalba qu’écoutent en boucle dans les bars et les boîtes les jeunes de l’île…
Deux générations de « natios » se sont assises ensemble dans une rue bastiaise pour écouter la harangue du pionnier, Edmond Simeoni, 81 ans, père du nationalisme et… du candidat. Dans la soirée, les ont rejoints ceux que les « clans » – le nom corse du « système » – ont fini par lasser. « Pè a Storia » (« Pour l’histoire »), titre le lendemain Corse-Matin. « C’est simple : depuis dimanche on a l’impression que tout le monde ici est nationaliste », dit en souriant un Ajaccien. François Hollande avait pourtant mis un soin particulier à traiter l’île comme un ensemble de 320 000 habitants sans spécificité ni histoire : banalisation, c’est le viatique de sa politique « corse ».

« En français, pour la presse »

Paris n’a pas salué l’annonce du dépôt des armes du Front de libération nationale de la Corse (FLNC), à l’été 2014. Pas davantage commenté la victoire de Gilles Simeoni deux mois plus tôt à Bastia – première ville française de plus de 45 000 habitants gouvernée par les nationalistes.
« Un sujet sur lequel nous serons intraitables : il n’y a pas de prisonniers politiques corses, il n’y a pas de préalable », a commenté en privé Manuel Valls
La « révolution de velours » s’est poursuivie loin des projecteurs parisiens jusqu’au feu d’artifice final : pour la première fois, une région française (dotée depuis 1992 et 2002 de « super-pouvoirs ») sera dirigée par une force politique inscrivant à son programme et sur ses tracts l’amnistie des prisonniers politiques, comme en 1981. « Un sujet sur lequel nous serons intraitables : il n’y a pas de prisonniers politiques corses, il n’y a pas de préalable », a commenté en privé Manuel Valls, mardi soir, à Paris, se contentant d’acter que les Corses avaient voulu choisir « l’avenir » plutôt que les « droite et gauche locales qui ont failli ».
Dans l’Hémicycle, où le corse est souvent réservé aux piques ou aux dictons intraduisibles, Gilles Simeoni alternera jeudi les deux langues : « A mon habitude. » Lorsque, en avril 2004, doyen de l’Assemblée, son père avait improvisé vingt minutes d’un discours resté dans la légende, il l’avait déclamé, lui, « pour le plus gros en français ». Autre avocat, autre tribun, Jean-Guy Talamoni prononcera le sien entièrement en corse. Plus qu’un symbole pour cet élu qui a expliqué, dès dimanche soir, que « le contrat de mandature ne porte pas sur l’indépendance » mais rêve de « co-officialité de la langue » et de « citoyenneté corse ». « On distribuera le discours en français, pour la presse », rassure-t-il.

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