Thomas
Sankara (1949-1987) reste une figure adulée en Afrique. Un leader du
panafricanisme, mais surtout un homme d’Etat charismatique et doué d’une
intégrité à toute épreuve. Son engagement marxiste était-il pour autant
une raison de le renverser et de l’assassiner ?
J’avoue
ma profonde sympathie pour cet homme et m’intéresse à son histoire. Je
lis et relis Thomas Sankara parle, une compilation de ses discours et
entretiens, réalisés durant son mandat de président du Burkina Faso
(ancienne Haute-Volta), “le pays des Hommes Intègres” dont il était
justement le meilleur représentant. [1]
Sa
chute et son assassinat brutal n’avaient provoqué paradoxalement que de
peu de remous à l’époque, alors que les Burkinabés et le monde entier
savaient qui était le coupable. Un rêve d’émancipation s’en était allé
au profit d’un réalignement du Burkina Faso dans le cercle des Etats
africains alliés de la France, des Etats-Unis et de “l’impérialisme” aux
yeux des révolutionnaires marxistes.
Dans
sa biographie disponible sur Wikipedia, le coupable de sa mort est
clairement désigné : “Le 15 octobre 1987, Thomas Sankara fut assassiné
lors d’un coup d’État organisé par celui qui était considéré comme son
frère, Blaise Compaoré. Plusieurs jours plus tard, il fut déclaré «
décédé de mort naturelle » par un médecin militaire.” Je me souviens
d’un documentaire consacré à Thomas Sankara diffusé sur la chaîne Public
Sénat dans lequel, Blaise Compaoré, devenu le nouveau chef du régime,
tirait un trait définitif sur l’ère Sankara ; l’homme avait un regard
sombre et qui semblait cacher beaucoup de choses inavouables.
Dans
sa propre biographie sur Wikipedia, Blaise Compaoré, toujours chef de
l’Etat burkinabé, y est clairement désigné comme celui qui a “assassiné
son prédécesseur et ami Thomas Sankara pour avoir trahi l’esprit de la
révolution”. On ne peut être plus explicite et personne n’est venu
jusqu’à présent démentir cette grave accusation.
En
lisant le dernier numéro de Courrier International (n°926), je découvre
son supplément d’été consacré aux “Drôles de couples” politiques et du
show-bizz en général. Dans la catégorie des couples “infernaux”, le
journaliste burkinabé Ernest Diallo du Journal de Jeudi de Ouagadougou
revient dans un article sur le couple présidentiel Blaise et Chantal
Compaoré : Chantal Terrasson des Fougères, fille d’une éminente figure
politique ivoirienne, aurait été utilisée par le président ivoirien
Félix Houphouët-Boigny (grand ami de la France) pour “appâter” le jeune
capitaine et second de Thomas Sankara. Une tactique du président
ivoirien visant, d’après le journaliste, à “infiltrer” le régime du
fougueux et révolutionnaire Sankara par une alliance matrimoniale qui
scellerait les intérêts de la Côte-d’Ivoire et du Burkina Faso, dès lors
que ce pays sera présidé par Blaise Compaoré.
Aujourd’hui,
je vois et entends la “réconciliation” proclamée entre Blaise Compaoré
et Laurent Gbagbo, l’actuel président (par intérim avant l’élection
présidentielle de novembre prochain) de la Côte-d’Ivoire. Les deux
hommes s’étaient fâchés durant la dernière guerre civile ivoirienne. Et
je ne peux pas ne pas repenser à cette alliance matrimoniale et
d’intérêts faite entre ces deux pays, avec certainement l’approbation de
la France, au détriment de la vie de Thomas Sankara et de l’avenir du
peuple burkinabé.
Notes :
[1]
Michel PRAIRIE, Thomas Sankara parle. La révolution au Burkina Faso
(1983-1987), 2007, Pathfinder Books, New York, 480 pages, 26 euros.
Source : http://www.mediapart.fr
31 juillet 2008