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vendredi 19 septembre 2014

Victimes du nucléaire : rien de nouveau sous le CIVEN, ou si peu

Roland Oldham, le président de l’association Moruroa e Tatou continue de défendre les dossiers des victimes des essais nucléaires même si les espoirs de la loi Morin sont régulièrement déçus.
Roland Oldham, le président de l’association Moruroa e Tatou continue de défendre les dossiers des victimes des essais nucléaires même si les espoirs de la loi Morin sont régulièrement déçus.
PAPEETE, le 17 septembre 2014. En décembre 2013 une version consolidée de la loi Morin (de janvier 2010) relative à la reconnaissance et à l’indemnisation des victimes des essais nucléaire français était adoptée. Cette loi Morin revisitée devait permettre à tout habitant vivant en Polynésie française durant la période des essais nucléaires de pouvoir, le cas échéant, solliciter une indemnisation en cas de maladie radio-induite. Cette nouvelle version de la loi Morin était enfin supposée donner de l’indépendance au CIVEN (comité d’indemnisation des victimes des essais nucléaires).
Au moment de l’approbation de ce nouveau texte, en décembre 2013, les associations de défense des victimes du nucléaire étaient restées dubitatives. Elles le sont d’autant plus aujourd’hui qu’il a fallu attendre neuf mois pour que le décret d’application de cette nouvelle version de la loi Morin soit signé et publié au Journal Officiel.
Avec au final, ce sentiment que rien ne change. «Tout ça c’est de l’esbroufe, de la littérature stérile. Il n’y a qu’un effet d’annonce pour dire qu’un médecin représentatif des associations de victimes siégera au CIVEN qui devient une autorité administrative indépendante» remarque Roland Oldham, le président de Moruroa e Tatou. La belle affaire ! Le CIVEN compte neuf membres et un seul sera la voix des associations.

Dans les faits, surtout, pour les associations des victimes des essais nucléaires, rien ne change dans la façon du CIVEN d’appréhender les dossiers. «Nous, ce qu’on demande depuis que la loi Morin existe, c’est que le lien de présomption prédomine». En clair : si une personne habitant en Polynésie durant la phase des essais nucléaires développe l’une des 21 maladies radio-induites listées dans la loi, ce lien de causalité doit suffisant être pour réclamer une indemnisation. Or, il est demandé aux victimes ou à leurs descendants de produire des preuves difficiles à trouver : des relevés de dosimétrie particulièrement, «des preuves que nous n’avons pas, car les archives militaires sont classées».
Au final, les chiffres sont là pour attester que le Comité d’indemnisation a très peu rempli la mission pour laquelle il avait été créé. Les données fournies par le ministère de la Défense l’admettent sans détour. Au 1er avril 2014, le CIVEN avait reçu 895 demandes d’indemnisation, 772 dossiers ont été examinés, 14 indemnisations accordées (dont 9 en Polynésie). Pour tenter de contrer ces faibles résultats, les associations de victimes passent donc par la case tribunal et demandent à faire examiner par la justice des dossiers qui ont été refusés par le CIVEN. «Mais dans toutes ces procédures, nous perdons beaucoup de temps. Au final, les années passent et les indemnisations arrivent au compte-gouttes».
Lire le communiqué de l'association Moruroa e Tatou, CLIQUER ICI

Victime des essais nucléaires : une situation difficile à prouver

Quelles sont les méthodes d’évaluation du CIVEN pour appréhender une demande d’indemnisation ? Un début de réponse a été apporté tout récemment, il y a un mois, par le ministère de la Défense répondant à une question écrite posée par un député du Tarn.

«Pour mener à bien sa mission, le CIVEN a élaboré une méthode d'examen s'appuyant sur les méthodologies recommandées par l'agence internationale de l'énergie atomique (AIEA) et l'ensemble de la documentation scientifique disponible relative aux effets de l'exposition aux rayonnements ionisants. Le comité retient comme probabilité de causalité la valeur médiane calculée au moyen de ce logiciel. Une probabilité de causalité supérieure ou égale à 1 % conduit à la décision de retenir la demande. En outre, eu égard à la situation du demandeur au moment des essais nucléaires, aux conditions de son exposition aux rayonnements ionisants et à sa maladie, l'indemnisation est accordée dès lors qu'il peut être établi un lien entre la maladie et l'exposition avec une probabilité supérieure à 1%. Il convient de noter que les dispositifs d'indemnisation étrangers retiennent quant à eux une probabilité de 50%».

Des conditions de calcul favorable aux victimes qui vont à l’encontre pourtant des résultats enregistrés par le CIVEN. Au moment de l’approbation de la loi Morin en 2010, les parlementaires français avaient estimé que 200 000 dossiers de demandes d’indemnisation pourraient être déposés et qu’il pourrait y avoir entre 2000 et 5000 indemnisations accordées. Presque cinq ans plus tard à peine quelques centaines de dossiers ont été retenus et 14 indemnisations seulement ont abouti.