PARTI TRAVAILLISTE

KANAKY

mercredi 16 mai 2018

QUELQUES REFLEXIONS SUR LES PERSPECTIVES D’EMANCIPATION


Une précision terminologique préalable: le terme « émancipation » emprunté à l’accord de Nouméa est utilisé ici dans le sens d’indépendance, conformément à la déclaration 1514 des Nations-Unies. Une interprétation qui n’est évidemment pas partagée par les partis de droite pour qui l’émancipation doit être comprise   « au sein de la République française » et dont on peut se demander aujourd’hui… si elle n’est pas non plus celle de certains dirigeants du FLNKS. 

I)                   Constat :
Nous sommes à la fin de l’accord de Nouméa et à six mois d’une importante consultation sur le devenir de la Nouvelle-Calédonie. Le mouvement indépendantiste est extrêmement divisé et de surcroît, le concept de mouvement de libération nationale est désormais purement et simplement abandonné. Le FLNKS  dont discours et pratique politiques sont caractérisés par la confusion sur les objectif à atteindre, s’inscrit en effet de moins en moins dans une logique de « libération » du peuple colonisé. Il semblerait en effet qu’il s’aligne, sans le dire explicitement, sur la doctrine  qui conduit à abandonner la logique d’indépendance au profit d’une simple reconnaissance d’une identité kanak ouvrant des droits particuliers (statut coutumier) au sein d’un peuple calédonien.  Une approche qui conduit évidemment à la marginalisation.
Si la droite est elle aussi divisée, elle l’est moins que le FLNKS sur les fondamentaux, sans doute parce qu’elle a compris que son  idéologie « franco-française » est vitale pour maintenir ses avantages acquis.  Malgré ces divisons, une seule composante parvient quand même à faire descendre près de 10 000 personnes dans la rue un vendredi midi à l’occasion de la visite du président de la République. Ils auraient été au moins deux fois plus si C.E y avait participé.  Le lendemain la « DUS » et le « comité 150 ans après » rassemblent à peine 25 « vieux militants » au Mwa Ka pour rendre hommage aux 19 d’Ouvéa. Plus inquiétant cette manifestation « confidentielle » se déroule dans l’indifférence totale des kanak qui passent devant les banderoles sans même s’arrêter.

Que s’est-il passé pour en arriver là ?
Après 165 ans de colonisation, lentement mais surement, la dialectique « assimilation/émancipation » est mise à l’épreuve des faits et le phénomène d’intégration fait son œuvre, notamment au travers des valeurs inculquées par le système éducatif, le monde de l’entreprise et des institutions, présentés  comme un « modèle » sociétal universel et implicitement accepté par bon nombre de Kanak pour qui la promotion sociale semble désormais constituer l’alpha et l’oméga  d’un projet individuel. (Pour un exemple caricatural exprimant ce courant de pensée : Jacques Wadrawane ou Jules Hmaloko).
En outre un inévitable  phénomène de lassitude d’entendre toujours les mêmes slogans stéréotypés depuis les « top 84 » « top 88 », ou encore  « top 98 »…qui ont bercé toute une génération, pour en arriver trente-cinq ans après,  à un incertain « 2018… c’est possible », pas très motivant pour les militants !
Certains expliquent que le rééquilibrage a porté ses fruits, que le pouvoir politique est désormais partagé (collégialité au gouvernement et deux provinces dirigées par les kanak …) qu’il faut maintenant « accueillir ceux qui arrivent car il s’agit de nos frères » (Elie Poigoune), que l’indépendance serait un concept lié aux décolonisations  des années soixante qui n’a plus lieu d’être puisque, les Kanak ne représentant plus que 39% de la population et ne constituent donc qu’une « communauté » parmi les autres au sein d’un « peuple calédonien », ils n’ont donc pas d’autre choix, que de s’intégrer « pour leur bien »  (P.Gomès).
Ce raisonnement, qui ne semble pas être véritablement remis en cause par les dirigeants du FLNKS (Cf : les déclarations de D.Goa ou de D.Poidialiwane ) est lourd de conséquences puisque les kanak, sans consignes politiques claires, sont pour bon nombre d’entre eux convaincus que cette évolution est inéluctable  et qu’il faut, tant bien que mal, s’adapter à cette réalité (Fatalisme ambiant dans les tribus renforcé par un recours important au cannabis).  Les mouvements indépendantistes qui ne sont pas dans le FLNKS  tente de maintenir « la flamme »  idéologique avec une rhétorique militante qui ne semble pas susciter un grand enthousiasme dans la population, davantage préoccupée par le quotidien (paiement du loyer, remboursement des prêts,  scolarisation des enfants…. ). Les appels à l’unité de la DUS, comme préalable à l’indépendance, constituent un frein à l’émancipation car le réalisme s’impose, même si le peuple la désire les appareils politiques qui participent aujourd’hui à l’exercice du pouvoir ne conçoivent l’unité qu’à leur profit. 
Il apparait en fait que le FLNKS a sacrifié le projet d’indépendance kanak socialiste contre la gestion de deux provinces où il exerce un pouvoir « sous perfusion »,  ceux  qui parviennent au gouvernement ou au congrès, sont du fait de leur divisions soigneusement entretenues par l’Etat, dans l’incapacité  d’influencer les choix faits au sein de ces institutions, et succombent à un faux consensus, qu’ils acceptent d’ailleurs, pour certains, avec une certaine complaisance.
Les exemples  sont trop nombreux pour être cités ici et je ne rappellerais donc que celui « emblématique » des transferts de compétences. 
Conséquence de cette situation, alors qu’une consultation des électeurs concernés est organisée le 4 novembre prochain. Le « NON » à l’indépendance est donné très largement  gagnant avec 60/65% des suffrages exprimés. 

Que fait le FLNKS ?
Il dit « mobiliser »  son électorat mais prépare en fait l’échéance suivante, celle  des provinciales de 2019. Quel meilleur aveu qu’il ne croit pas à l’hypothèse d’une « possible » victoire et se résigne à une collaboration pour encore un mandat au moins, repoussant une échéance qui, décidemment semble lui faire peur et espérant sans doute poursuivre ainsi jusqu’à une troisième consultation…en 2024 !
La palme de la duplicité revient certainement au PALIKA (UNI ?) qui évoque un « partenariat » avec la France, considérant- comme la droite- que le peuple kanak n’est pas prêt à assumer seul un indépendance, alors que cette préparation est plus ou moins engagée depuis 1988. Ainsi il n’y aurait donc plus de situation coloniale mais une relation d’égal à égal  entre la Nouvelle-Calédonie et la France (Washetine et Poigoune). Mais alors quid du peuple colonisé ?
  Il apparait que les contradictions du  FLNKS entre sa pratique institutionnelle et sa rhétorique indépendantiste sont telles  que le discours est à usage purement interne,  visant essentiellement à maintenir un  électorat lui assurant une certaine pérennité dans son pré carré des provinces Nord et Iles, sans autre réelle ambition. 
Une absence évidente de stratégie pour l’indépendance !
Alors que le PALIKA  et de l’UC sont empêtrés dans la « gestion publique »,  provinciale, font de la figuration au gouvernement et gesticulent au congrès, existe-t-il une stratégie pour l’indépendance ? on peut raisonnablement en douter.
Si le fait d’être dans les institutions constitue une nécessité, cela ne peut constituer une fin en soi. Les institutions devraient être utilisées pour relayer et appliquer les consignes politiques du parti. Mais encore faut-il qu’elles existent !  En pratique rien de tel et il apparait, notamment au gouvernement,  que les élus du FLNKS sont totalement phagocytés par  la pratique dite « consensuelle » qui les conduit à valider les propositions de la majorité de droite.
De ce point de vue la pratique institutionnelle semble avoir purement et simplement anesthésiée des élus qui se revendiquent du  label  FLNKS mais qui sont dépourvus de convictions et poursuivent essentiellement  des ambitions personnelles  (Deux figure emblématiques parmi d’autres avec Jean-Louis D’angleberme ou encore Postic).
Au bilan, un échec flagrant au regard de la recherche d’une émancipation en visant à obtenir l’indépendance.
Plus grave à six mois de la consultation d’autodétermination, le FLNKS évoque  sans grande illusion, un « OUI » c’est possible…. ! qui laisse perplexe et manque singulièrement de conviction, laissant entrevoir la  fatalité que le « NON » va l’emporter.
En outre aucune stratégie ne semble clairement élaborée pour affronter l’après 4 novembre 2018, sinon les élections provinciales de 2019.  Personne n’est dupe et les militants désabusés comprennent  que le 4 novembre étant perdu, la seule perspective porte sur :  comment faire un score honorable aux  provinciales de 2019 ?   
Mais le temps joue contre le peuple Kanak.


II)                Quelles perspectives ?

La venue du président Macron a séduit  aussi bien les non indépendantistes, que les indépendantistes du FLNKS. Pourtant qu’a-t-il annoncé ? Quel geste fort a été fait envers le peuple Kanak ? Rien… L’imposture de la restitution de l’acte de  prise de possession ne peut bien sûr pas être comprise comme l’accès à l’indépendance ainsi que  le prétend Rock Wamytan.
Macron en professionnel du cynisme politique a reproduit-de manière différente- le concept de l’Etat « équidistant », puisqu’il appartient aux calédoniens de décider de leur avenir. Une fausse neutralité puisque dans le même temps, les messages du style « la France serait moins belles sans la Nouvelle-Calédonie » sont suffisamment clairs pour indiquer aux électeurs la préférence de l’Etat. En outre sur le terrain ses services mènent ouvertement une propagande efficace en s’appuyant notamment sur la droite, mais aussi sur les propos  d’Elie Poigoune, largement médiatisés pour convaincre les kanak  que l’indépendance serait une erreur.    
Une telle posture, confortée par l’idée que le maintien du statu quo ante, avec l’évocation d’un axe économique dans  lequel la Nouvelle-Calédonie joue le rôle de point d’appui géopolitique dans lequel elle a tout à gagner, ainsi que promotion du « peuple calédonien », font que tout est mis en œuvre   faire pour basculer vers le « NON » ou l’abstention les kanak qui hésitent encore.

Et après le 4 novembre ? 
Chez les opposants à l’indépendance une tendance assez marquée à vouloir radicaliser leur position une fois le NON acquis avec 65% des suffrages exprimés: descendre le drapeau kanak, faire enlever la NC de la liste des pays à décoloniser, libérer le cops électoral gelé, empêcher la tenue de deux autres consultations…. Et bien sûr profiter de ce nouvel élan pour relancer  l’économie et renforcer l’immigration de métropole avec investisseurs et main d’œuvre  afin d’accroître la marginalisation des Kanak.
Avec Backès une quasi départementalisation qui ne dit pas son nom, d’ailleurs sournoisement engagée par le biais des très nombreuses ordonnances adoptées par l’Etat pour étendre des lois en Nouvelle-Calédonie sans avoir de débats à l’assemblée nationale et au Sénat, avec  Gomès et Néaoutyne une sorte de libre association « en trompe l’œil » avec la France, chez Frogier…il doit encore réfléchir à la manière dont il pourrait faire encore un mandat sans trop se mouiller! Pour les autres, comme « Tous calédoniens » de P.Vittori, ou encore les Brial et Yanno , ils sont à la remorque du plus offrant, en clair ceux qui lui offriront une position  éligible en 2019.
Quant au FLNKS… il est sur « off » et  semble s’acheminer tranquillement vers les provinciales de 2019,  sans autres ambitions et perspectives. 
Alors que le temps joue clairement contre le peuple Kanak qui d’ici 2024,  face à une immigration galopante du fait des résultats de la consultation d’autodétermination et de la relance économique qui va suivre (A.Descombel), ne va plus représenter que 30% de la population.
 Alors qu’il est déjà très compliqué aujourd’hui pour les kanak de faire valoir leurs droits à l’autodétermination,   cela deviendra impossible demain.   

Des perspectives inquiétantes ?
Ce n’est évidemment pas les élections de 2019 qui vont fondamentalement changer la donne, car les grands équilibres qui existent actuellement vont demeurer en s’aggravant, avec le risque d’une marginalisation accrue des indépendantistes,  qui n’auront pas été capables de préserver leurs acquis.  
Ainsi pour sauvegarder l’essentiel la France laissera deux provinces aux mains du FLNKS, (sachant toutefois que  l’encadrement de la province nord est aux mains de métropolitains) qui va continuer de jouer le rôle de supplétif au congrès et au gouvernement. Impossible dans ces conditions de gagner une quelconque indépendance qui, pour le coup, lorsque les kanak ne représenteront plus que 30 % de la population. Paradoxalement, cette « indépendance association », refusée en 1985,    risque d’être demandée dans vingt ans par les européens pour rejoindre les rangs des pays colonisés où les autochtones, ultras minoritaires, ont perdu toute possibilité de jouer un rôle significatif.  L’absence de mouvement de libération nationale digne de ce nom conduira alors les Nations-Unies à valider le peuple calédonien, sur un modèle de peuple Néo-zélandais ou australien.   

Alors que faire…. ?