PARTI TRAVAILLISTE

KANAKY

jeudi 20 décembre 2018

Décolonisation Le référendum calédonien acte-t-il un renouveau indépendantiste mondial ?

Profitant de la rencontre d’une délégation du FLNKS à Matignon, le FLNKS a convié des mouvements indépendantistes de Guadeloupe, Martinique et Guyane à une rencontre pour relancer « une dynamique de lutte entre militants des dernières colonies françaises ».

Vendredi dernier, le premier ministre Edouard Philippe réunissait le Comité des signataires de l'accord de Nouméa afin d’acter la date des prochaines élections provinciales sur le Caillou (le 12 mai 2019) et la suite de l’application de l’accord de Nouméa. Entre « front loyaliste » (réunion des Républicains calédoniens et le Rassemblement-LR) et  indépendantistes, dont les quatre composantes se présenteront unies au scrutin prochain, « il y a des interprétations différentes sur la lecture de la fin de l'accord », a euphémisé la ministre des Outre-mer Annick Girardin. Les premiers réclament la réouverture du corps électoral provincial, restreint aux personnes présentes sur le Caillou depuis au moins novembre 1998. Ils estiment que le processus est allé au bout : «Les deuxième et troisième référendums n'ont plus lieu d'être », a lâché Thierry Santa, du Rassemblement LR. Mais forts d’une progression certaine lors du référendum du 4 novembre (43,3% pour le oui à l’indépendance, quand les sondages leur promettaient 35% dans le meilleur des cas), les indépendantistes du Front de libération nationale kanak et socialiste (FLNKS) veulent aller au bout du processus qui prévoit deux nouveaux référendums. Car au bout, ils entrevoient la possibilité d’une « souveraineté pleine et entière ».
C’est cette perspective qui outre les Kanak, donne matière à mobilisation des indépendantistes des anciennes colonies françaises. Lundi, le leader du FLNKS Roch Wamytan avait convié plusieurs représentants indépendantistes de Guyane, Martinique et Guadeloupe afin de réactiver une « nécessaire dynamique de lutte entre militants des dernières colonies françaises ». Le référendum a donné « un nouveau souffle aux mouvements de décolonisation », expliquait Roch Wamytan. En Kanaky-Nouvelle-Calédonie, « l’Etat avait capitalisé sur l’extinction du mouvement kanak, ils ont perdu ». Et c’est dans l’ensemble des possessions françaises que se lève « l’espoir que la porte de la liberté s’ouvre », lance le leader calédonien.

« Combler un non-sens historique »

Le résultat du travail politique kanak a ravivé « une fierté, une envie d’être plus combatifs », estime Luc Reinette, représentant du Fos pou Konstwui Nasion Gwadloup (Force pour reconstruire la Guadeloupe). C’est « un exemple », approuvait Germain Beautin, de l’Union pour la liberté en Guadeloupe, évoquant notamment le travail de fourmi des Kanak pour « peser sur la constitution des listes électorales ». Serge Glaude, du Collectif des patriotes guadeloupéens, espère, pour la Guadeloupe comme pour les autres territoires, une réinscription sur la liste des territoires non autonomes des Nations unies. La Nouvelle-Calédonie, inscrite en 1946 comme Saint-Pierre-et-Miquelon, La Réunion, la Martinique, la Guyane française, en a été retirée « d’un trait de plume » en 1947 comme les autres territoires, lâche le vieux militant. Mais seul le Caillou a été réinscrit en 1986, ce qui a indéniablement pesé dans le processus en cours. « La France doit accepter que nous soyons réinscrits sur cette liste des pays à décoloniser ! », pour selon lui « combler un non-sens historique ».
Puisqu’elle est reconnue pour l’un d’entre eux par l’Organisation des Nations unies, cette demande devrait fédérer tous les indépendantistes des anciennes colonies françaises, estime Garcin Malsa, du Mouvement des démocrates et écologistes pour une Martinique souveraine (Modemas), pour qui « développer nos liens est un impératif absolu pour obliger l’Etat » à reconnaître cette revendication comme « légitime ». « Quelle que soit la dénomination qu’on nous donne, département, collectivité, territoire, nous vivons la même colonisation, les mêmes méthodes, le même mépris, relance Serge Glaude. Pour être entendus nous devons globaliser notre lutte de décolonisation. »
Les participants, qui reprenaient langue après une longue période (ils ne s’étaient pas rencontrés officiellement depuis le début des années 2000), ont prévu d’établir « une plateforme commune face au même colonisateur français ». Pourraient y figurer la définition d’un processus de décolonisation passant par référendum comme en Nouvelle-Calédonie, la question des réparations liées à l’esclavage, aux différentes formes d’exploitation (des hommes, du sol, du milieu maritime…), d’éventuelles évolutions institutionnelles, même si « cela nous laisse peu d’espoir », au vu des expériences d’autonomie dans lesquelles « le colonisateur garde la main », lâchent les militants… «Tout recommence aujourd’hui», s’enthousiasmait Luc Reinette, en actant un prochain rendez-vous une fois travaillée « l’unification de nos forces au(x) pays ».