« L’Etat reconnaît la vocation de la Nouvelle-Calédonie à
bénéficier, à la fin de cette période, d’une complète émancipation »,
stipulait l'Accord de Nouméa signé le 5 mai 1998. Une centaine de
personnalités appelle l'Etat à honorer sa parole et à engager « un
processus de décolonisation progressif » afin que que le peuple kanak
accède à sa pleine souveraineté.
«Lorsque la France prend possession de la Grande Terre,
que James Cook avait dénommée ''Nouvelle-Calédonie'', le 24 septembre
1853, elle s’approprie un territoire selon les conditions du droit
international alors reconnu par les nations d’Europe et d’Amérique, elle
n’établit pas des relations de droit avec la population autochtone. Les
traités passés, au cours de l’année 1854 et les années suivantes, avec
les autorités coutumières, ne constituent pas des accords équilibrés
mais, de fait, des actes unilatéraux. […] La colonisation a porté
atteinte à la dignité du peuple kanak qu’elle a privé de son identité.
[…] Il convient de faire mémoire de ces moments difficiles, de
reconnaître les fautes, de restituer au peuple kanak son identité
confisquée, ce qui équivaut pour lui à une reconnaissance de sa
souveraineté. […] La décolonisation est le moyen de refonder un lien
social durable entre les communautés qui vivent aujourd’hui en
Nouvelle-Calédonie, en permettant au peuple kanak d’établir avec la
France des relations nouvelles correspondant aux réalités de notre
temps.» Accord de Nouméa, 5 mai 1998.
Depuis la signature de ce texte il y a vingt ans, la
Nouvelle-Calédonie est entrée dans un processus de décolonisation
progressif dont le seul terme envisagé est l’accession du pays à
l’indépendance et à la pleine souveraineté.
Dans le courant de l’année 2020, le peuple kanak et l’ensemble des
citoyens de la Kanaky-Nouvelle-Calédonie habilités à voter se
prononceront sur le transfert des cinq dernières compétences régaliennes
(monnaie, justice, police, défense, affaires étrangères), sur
l’organisation de la citoyenneté en nationalité et sur l’accès à un
statut international de pleine responsabilité. Leur approbation
équivaudra à la pleine souveraineté de la Nouvelle-Calédonie. Ce choix
leur appartient.
Depuis Nainville-les-Roches en 1983, le peuple kanak a décidé d’ouvrir son droit à l’autodétermination aux «victimes de l’histoire»,
aux descendants de bagnards, de transportés, d’engagés sous contrats
venus du Vietnam ou d’Indonésie, aux populations venues de France, de
Wallis et de Futuna ou d’autres régions du monde, qui sont installées de
longue date et durablement dans le pays et qui y détiennent leurs
intérêts moraux et matériels.
Cette invitation à construire un pays souverain et à former une nation multiculturelle, cette main tendue doit être saisie.
Après l’intervention du président de la République à Alger qualifiant
le colonialisme de crime contre l’humanité, après la remise de l’acte
de prise de possession de la Nouvelle-Calédonie par la France par le
chef de l’Etat au gouvernement calédonien le 5 mai 2018, il appartient
aujourd’hui à l’Etat de prolonger ces actes symboliques hautement
appréciables par des actes en conséquence et de saisir cette opportunité
de réussir sa première décolonisation en douceur. Il en va de l’honneur
et de la grandeur de France, pays de la Déclaration des droits de
l’homme et du citoyen. Il en va d’un avenir dans la paix et la sérénité
en Kanaky-Nouvelle-Calédonie.
La volonté d’indépendance n’est pas une négation de la France mais
l’affirmation d’un peuple, d’une nation. Le mouvement indépendantiste
entend établir avec la France et le peuple français des relations
nouvelles d’égal à égal, de nation souveraine à nation souveraine, dans
le respect mutuel et dans le cadre d’un partenariat librement consenti.
L’histoire récente des rapports de la France et de la
Nouvelle-Calédonie a été marquée par trop d’indécisions, d’occasions
manquées et de paroles non tenues comme l’avait constaté en son temps
Michel Rocard. Ces errements passés ont conduit à des violences que plus
personne ne souhaite revivre aujourd’hui ni en
Kanaky-Nouvelle-Calédonie ni en France.
Les signataires du présent appel, conscients que seule l’indépendance
garantira un avenir de paix, de stabilité et de justice sociale,
apportent leur soutien à la volonté du peuple kanak rejoint par de
nombreux citoyens issus d’autres communautés implantées durablement sur
le territoire, d’accéder à leur complète émancipation et en appellent à
l’Etat afin qu’il honore sa parole : «L’Etat reconnaît la vocation de la Nouvelle-Calédonie à bénéficier, à la fin de cette période, d’une complète émancipation.»
Signataires:
Renata Ada-Ruata, écrivaine ;
Joseph Andras, écrivain ;
Sandra Alvarez de Toledo, éditrice ;
Patrick Amand, écrivain ;
Jean-Michel Baudouin, écrivain, dramaturge, musicien de jazz ;
Patrick Bard, écrivain, photographe ;
Georges Bartoli, photographe ;
Miguel Benasayag, philosophe ;
Alain Bellet, écrivain ;
Alban Bensa, anthropologue ;
Jean Bigot, producteur ;
Alain Bihr, professeur honoraire de sociologie ;
Pascal Blanchard, historien ;
Antoine Blocier, écrivain ;
Dominique Cabrera, réalisatrice, actrice ;
Caroline Caccavale, cinéaste ;
Carlos, dessinateur ;
Patrick Castex, économiste ;
Joseph Cesarini, cinéaste ;
Bernard Chambaz, écrivain ;
Gérald Collas, producteur INA ;
Jean-Louis Comolli, cinéaste, écrivain ;
Annie Comolli, anthropologue ;
Patrick Chamoiseau, écrivain ;
Noëlle Châtelet, universitaire, écrivain ;
Gioia Costa, auteur dramatique ;
Didier Daeninckx, écrivain ;
Jean-Baptiste Delpias, monteur ;
Aristide Demonico, comédien,
Christine Demmer, anthropologue ;
Pascal Dessaint, écrivain ;
Pascal Didier, poète ;
Abdelkader Djemaï, écrivain ;
Annie Ernaux, écrivaine ;
FASTI (Fédération des associations de solidarité avec tous-te-s les immigré-e-s)
Patrick Fort, écrivain
Jean-Claude Gallotta, chorégraphe ;
Thierry Garrel, producteur Arte ;
Tony Gatlif, cinéaste, compositeur ;
François Gèze, éditeur ;
Dominique Grange, chanteuse engagée ;
Claude Guisard, producteur ;
Christine Hamelin, anthropologue université Paris ;
Laurent Heynemann, cinéaste ;
Frédéric Hocquard, maire adjoint ;
Tassadit Imache, auteure ;
François Joly, écrivain ;
Daniel Kupferstein, cinéaste documentariste ;
Mehdi Lallaoui, cinéaste ;
Alain Lance, poète, traducteur ;
Denis Lanoy, metteur en scène ;
Mathilde Larrère, historienne ;
Ginette Lavigne, réalisatrice et monteuse ;
Isabelle Leblic, anthropologue ;
Hervé Le Corre, écrivain ;
Hugues Lepaige, journaliste-réalisateur ;
Michael Lowy, sociologue, ancien chercheur au CNRS ;
Dominique Manotti, écrivaine ;
Gilles Manceron, historien ;
Jean-Paul Manganaro, professeur, traducteur ;
Philippe Martel, professeur des universités émérite (occitan) ;
Roger Martin, écrivain ;
Isabelle Merle, historienne, anthropologue ;
Mourad Merzouki, chorégraphe ;
Marie-José Mondzain, philosophe ;
Edgar Morin, philosophe ;
Gérard Mordillat, écrivain, cinéaste ;
Claire Moyse-Faurie, linguiste ;
François Muratet, écrivain ;
Nicolas Offenstadt, historien ;
Marc Pataut, photographe ;
Colette Piat, romancière,
Luc Quinton, plasticien colleur d’histoires ;
Gilles Del Pappas, écrivain
Pef, dessinateur, écrivain ;
Christian Pierrel, directeur de publication, Fédération des associations de solidarité avec tous-te-s les immigré-e-s ;
Claude Pennetier, chercheur, historien ;
Roland Pfefferkorn, professeur émérite de sociologie ;
Edwy Plenel, journaliste, écrivain ;
Jeanne Puchol, dessinatrice ;
Jean-Luc Raharimanana, écrivain ;
Patrick Raynal, écrivain ;
Severine Roussel, architecte ;
Christian Roux, écrivain, musicien ;
Alain Ruscio, historien ;
Alcine Salangros, militant associatif ;
Jean-Marc Salmon, chercheur en sciences sociales ;
Christine Salomon, anthropologue INSERM ;
Eric Sarner, écrivain ;
Benjamin Stora, historien ;
Gérard Streiff, écrivain ;
Christiane Strullu, chanteuse, militante associative ;
Jacques Tardi, dessinateur ;
Lilian Thuram, champion du monde de football ;
Marcel Trillat, journaliste ;
Marie Jeanne Verny, professeure émérite de langue et littérature occitanes
Damien Vidal, auteur de bande dessinée ;
Catalina Villar, réalisatrice ;
Marina Vlady, comédienne ;
Eric Wittersheim, anthropologue EHESS ;
Philippe Zourgane, architecte ;