PARTI TRAVAILLISTE

KANAKY

mardi 26 janvier 2016

Nickel Nouvelle- Calédonie, Kanaky : Démocratie ajournée



gouvernanceL’envergure des chantiers et les défis technologiques que constituent la mise au point du procédé HPAL pour VNC et du procédé de fusion par lit fluidisé utilisé dans les cimenteries pour KNS, ne sont pas les seules raisons expliquant les contre-performances industrielles. Ces dernières sont malheureusement confortées par l’irresponsabilité et l’immaturité de la classe politique propre au microcosme calédonien. Le nickel est en fait bien plus important pour la Nouvelle-Calédonie qu’elle ne l’est en réalité pour l’économie mondiale du nickel. L’accès à la ressource minière ne peut se départir de la revendication foncière, la souveraineté partagée des guerres de légitimité. Les rapports de force sont exacerbés et rendent donc impossible la mise en place d’un schéma industriel concerté, efficace et cohérent au niveau du territoire. Le manque de culture industrielle des collectivités publiques, l’esprit partisan qui gouverne les institutions, l’instrumentalisation des groupes de pression, ont tour à tour rendu la tâche techniquement difficile pour les industriels. Le libéralisme subventionné de l’économie locale, l’incapacité de la société civile à contrôler l’action de ses représentants, son manque de compréhension et de dialogue, sont autant d’écueils que la Nouvelle-Calédonie n’a pas su éviter par manque d’esprit démocratique que la République française n’a jamais vraiment su faire sienne, ni insuffler à ses dépendances ultramarines. Aussi, du Nord au Sud de la grande terre calédonienne, même si le contenu idéologique diffère sensiblement, même si les légitimités s’opposent de manière péremptoires, les méthodes de gouvernance des collectivités publiques sont strictement les mêmes. Et si les promesses de transparence et de concertation restent lettre morte, c’est parce que l’Etat, le Gouvernement et les Provinces n’ont tout simplement pas les moyens de faire valoir leurs orientations stratégiques en matière de nickel – si tant est bien sûr qu’ils soient encore en mesure d’en définir une.

La montée au capital des collectivités publiques dans SLN. Un tel objectif défendu par les collectivités publiques met en œuvre des moyens qui ont pour effet collatéral de déstabiliser une entreprise, qui malgré ses carences, est à la fois le premier employeur et contribuable du territoire. Or s’il appartient aux multinationales étrangères de continuer ou pas à soutenir financièrement leurs filiales calédoniennes, il est de la responsabilité des collectivités publiques de soutenir SLN. La Nouvelle-Calédonie détient 34% du capital de l’entreprise et les trois provinces rêvent bien sûr de devenir majoritaire (1) pour percevoir encore plus de dividendes et (2) pour prendre le contrôle de son domaine minier à des fins mercantiles. Mais en aucun cas, ces dernières semblent être disposées à jouer leur rôle d’actionnaire. Pourtant, fortes de leur minorité de blocage, les collectivités publiques disposent déjà des moyens qui leur auraient permis, par exemple, de s’opposer à la distribution de 90 milliards de dividendes en 2012-13. Les trois provinces auraient très bien pu favoriser l’investissement et faire le choix de l’accroissement de compétitivité. Mais elles ont préféré satisfaire des besoins immédiats et inavouables. Du Nord au Sud en passant par les Iles, qu’ils soient indépendantistes ou pas, les exécutifs provinciaux ont préféré continuer à se servir et à servir les intérêts discrets du clientélisme qui les portent et les maintiennent au pouvoir. Oscillant entre complicité malveillante et irresponsabilité désobligeante, elles ont préféré renflouer les caisses de leurs sociétés d’économie mixte largement déficitaires plutôt que d’investir dans leur outil de production. Ceci ne les a cependant pas empêchés de dénoncer l’irresponsabilité de l’actionnaire principal qu’est Eramet. Aujourd’hui encore, les parlementaires calédoniens en appellent conjointement au Chef de l’Etat pour que ce dernier s’assure qu’Eramet joue bien son rôle d’actionnaire. Il est clair qu’au-delà de ce qu’il véhicule comme démagogie, ce déni de responsabilité n’augure rien de bon pour la survie et la compétitivité de l’entreprise si la Nouvelle-Calédonie devait un jour monter à 50,1%. Dieu nous en garde, d’autant que même si cela était encore possible, la prise de majorité du capital de SLN par STCPI ne réglera pas le vrai problème qui est celui de la compétitivité et d’une société qui détient 53% de la surface minière concédée du territoire et génère quelques 2400 emplois directs. La montée au capital de 34% à 50,1% ne procurerai donc pas plus de dividendes au territoire et lui imposerait au contraire les obligations d’un actionnaire responsable et solvable, obligations que les provinces ne sont visiblement pas prêtes à assumer. Mais en dépit des pressions politiques ces dernières ne peuvent ni contraindre juridiquement Eramet à procéder à l’option d’échange, ni espérer voir l’Etat acheter ces actions pour les leur transférer. Bien sûr, certain vous diront qu’un accord « gagnant-gagnant » entre SLN et SMSP fait partie de la solution. Mais il s’agit d’un faux-semblant tout autant que d’une posture politique. Cela permet tout au plus de passer l’éponge lorsque le vulgaire calcul politique et les propos intransigeants qui l’accompagne ont exacerbé au-delà du raisonnable la lutte fratricide pour le contrôle de la ressource minière. Il s’agit d’un vœu pieu car les antagonismes sont continuellement exacerbés par l’instrumentalisation des syndicats fortement politisés et des organisations environnementales tout simplement partisanes, mais aussi par la récente nomination d’André Dang à la tête de STCPI. Même si la vieille dame aide l’intrigante à fournir du petit minerai à l’usine de POSCO, ce qui est le cas, même si cette dernière peut se fournir aux Philippines, ce qui est plus délicat vis-à-vis de POSCO, le contrat commercial entre les deux co-entreprises est à la faveur du partenaire coréen. Et même si la filière offshore est apparemment plus profitable dans sa globalité que la transformation locale de minerai riche et l’exportation brute de minerai pauvre, c’est bien au profit de POSCO puisqu’en dépit des 51% de SMSP la majorité des profits de l’usine ne revient pas – et ne reviendra pas – en Nouvelle-Calédonie. Il s’agit donc un puits sans fond !

L’arrêt des exportations de minerai « brut ». Le traitement de cette question par les institutions calédoniennes (Provinces, Congrès et Gouvernement), atteint les summums de la mal-gouvernance et est digne d’un sitcom dont les républiques bananières ont pourtant le secret. L’arbitraire, la censure et l’opacité sont à leur comble lorsque le Gouvernement refuse d’accéder aux demandes d’autorisation de minerai latéritique vers la Chine sous prétexte que l’australien Queensland Nickel est prêt à acheter l’ensemble du minerai, alors qu’il est de notoriété publique – maintes fois réaffirmée sur Calédonickel – que l’opérateur australien rencontre de sérieuses difficultés et qu’il n’est donc pas opportun de priver les petits mineurs d’une filière de remplacement pour des latérites fatales que le territoire ne peut pas traiter et doit évacuer. Dans ce dossier, le Gouvernement a été tout sauf impartial. S’agissant de la Corée, il en est de même. Il force les petits mineurs et SLN à fournir l’usine offshore au détriment de leurs propres exportations, ce qui revient in fine à limiter la concurrence existante avec le Japon, tout en accroissant l’avantage compétitif de POSCO. D’une part, à teneurs égales le petit minerai fourni donne lieu à des pénalités plus importantes pour les livraisons en Corée qu’au Japon et d’autres part, au lieu de distribuer l’intégralité des bénéfices, POSCO contraint sa filiale à réinvestir une partie substantielle des profits tirés du traitement du minerai calédonien dans l’outil de production en Corée. Le Gouvernement est allé à l’encontre des avis du Congrès qu’il a pourtant lui-même saisi sur la question. Or conformément aux dispositions en vigueur, les exportations de minerai vers la Corée sont réglementées, au même titre que les autres destinations. Le schéma ne fait en effet pas de distinction entre le brut par nature et destination, car dans tous les cas il s’agit bien d’exportations de minerai et non de métal produit localement. Pourtant, pour des raisons purement politiques, le Gouvernement s’est prononcé pour l’arrêt des exportations de minerai autres que ceux destinés à l’usine offshore. Pour quelle raison ? La soi-disant « rente métallurgique » qui n’existe pas, « l’usine pays » de POSCO qui retourne juste ce qu’il faut de dividendes pour compenser les pertes de la mine, ou encore le fait que les exportations de minerai augmentent sensiblement alors qu’elles sont surtout le fait de la Corée et de la Chine par l’intermédiaire de Nickel Mining Company (NMC)? Forcer les mineurs à fournir l’usine de POSCO en les empêchant d’exporter au Japon ne repose sur aucun critère économique objectif (art R132-7-1) du code minier. D’ailleurs, les fondements mêmes du « cas par cas » invoqué sont purement arbitraires et ne répondent à aucune logique économique d’intérêt général. Si la société Maï Kouaoua Mines a finalement et immédiatement reçu l’aval du Gouvernement pour exporter son minerai en Chine et au Japon, cela provient simplement du fait qu’elle dispose du soutien politique de l’Union Calédonienne sans qui la coalition UNI-CE n’a pas de majorité. Il en est de même pour NMC qui fut autorisée à doubler ses volumes d’exportation de minerai vers la Corée. Mais il est vrai que l’autorisation de passer de 1,8 à 3,7 millions de tonnes par an sur une longue durée permet de faire perdurer l’illusion du partenariat « gagnant-gagnant » et évite de monter les limites du partenariat. En effet, une clause résolutoire au contrat prévoit qu’en cas de non-respect de l’obligation de fournir le minerai, il peut être mis fin au partenariat : SMSP se verrait dans l’obligation de céder sa participation de 51% dans SNNC et de récupérer les 100% de NMC possédant les vieilles mines épuisées et polluantes. Pour continuer à se voiler la face, la Nouvelle-Calédonie devra donc continuer à fournir du minerai à POSCO.
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