Au moins 69
personnes ont été arrêtées et poursuivies depuis le 9 janvier 2015 pour «
apologie du terrorisme », infraction dont la définition reste vague. Le
risque est grand que ces arrestations violent la liberté d’expression.
Des dizaines de personnes ont été
arrêtées et poursuivies pour « apologie du terrorisme ». Le risque est
grand que ces arrestations violent la liberté d’expression.
Toutes ces arrestations ont été
effectuées, visiblement, sur la base de propos tenus à la suite des
attentats meurtriers commis à Paris contre le magazine Charlie Hebdo, un
supermarché casher et des agents de la force publique, le mercredi 7 et
le vendredi 9 janvier.
Au cours de la semaine qui vient de
s’écouler, les dirigeants mondiaux ainsi que des millions de femmes et
d’hommes du monde entier ont défendu la liberté d’expression d’une voix
haute et forte.
La
façon dont les autorités françaises réagissent à la suite de ces
assassinats constitue un test décisif de leur volonté de faire respecter
les mêmes droits pour tous. »
John Dalhuisen
Directeur du programme Europe et Asie centrale d’Amnesty International
Directeur du programme Europe et Asie centrale d’Amnesty International
AU NOM DE LA LOI CONTRE LE TERRORISME
Les arrestations et les procédures
judiciaires sont les premières à se dérouler en vertu de la loi de
novembre 2014 contre le terrorisme. Elles s’appuient sur un article du
Code pénal en vertu duquel la « provocation » ou « l’apologie » d’actes
terroristes sont désormais passibles d’une peine d’emprisonnement
pouvant aller jusqu’à cinq ans et d’une amende de 45 000 euros, la peine
étant de sept ans maximum et l’amende s’élevant à 100 000 euros si
l’infraction est commise sur « un service de communication au public en
ligne ».
La « provocation » ou « l’apologie »
d’un acte terroriste étaient déjà des infractions en France mais, depuis
la loi de novembre 2014, ces faits ne sont plus réprimés par la loi sur
la liberté de la presse, mais par le Code pénal. Cela permet aux
autorités d’accélérer la procédure, ce qui s’est produit pour plusieurs
des affaires récentes.
L’Etat est le premier garant du respect des droits et des libertés. Interpellez François Hollande. SIGNEZ
Outre le cas très médiatique du
comédien Dieudonné M’bala M’bala, on peut citer le cas d’un homme qui
hurle en pleine rue « Je suis fier d’être musulman, je n’aime pas
Charlie, ils ont eu raison de faire ça », ou bien celui d’un homme
arrêté pour conduite en état d’ivresse qui aurait crié aux policiers «
Il devrait y en avoir plus, des Kouachi. J’espère que vous serez les
prochains ».
Un homme de 21 ans, interpellé dans
un tramway pour défaut de titre de transport, aurait lancé aux
contrôleurs « Les frères Kouachi, c’est que le début, j’aurais dû être
avec eux pour tuer plus de monde ». Il a été condamné à 10 mois
d’emprisonnement.
Nombre de poursuites ont déjà entraîné des condamnations, en vertu d’une procédure accélérée.
Les arrestations, les comparutions et
les peines font suite à une circulaire émise le lundi 12 janvier par
Christiane Taubira, la ministre de la Justice, et faisant savoir aux
procureurs que « les propos ou agissements répréhensibles, haineux ou
méprisants, proférés ou commis en raison de l’appartenance à une
religion doivent être combattus et poursuivis avec la plus grande
vigueur. »
LA LIBERTÉ D'EXPRESSION NE DOIT PAS ÊTRE RÉSERVÉE A CERTAINS
Les États sont tenus, en vertu du
droit international relatif aux droits humains, d’interdire tout appel à
la haine nationale, raciale ou religieuse qui constitue une incitation à
la discrimination, à l’hostilité ou à la violence. Mais les infractions
définies de manière vague, comme « l’apologie du terrorisme », risquent
de criminaliser des propos ou diverses formes d’expression qui, tout en
étant indéniablement choquants pour de nombreuses personnes, ne vont
pas jusqu’à constituer une incitation à la violence ou à la
discrimination.
Les traités internationaux sur la
prévention du terrorisme prévoient la criminalisation de l’incitation à
commettre un acte terroriste. Cependant, une notion comme « l’apologie
du terrorisme » risque d’être utilisée pour criminaliser des propos
tenus sans l’élément intentionnel nécessaire à la définition d’une
infraction et sans qu’ils soient directement susceptibles de provoquer
des violences de ce type.
Certains des cas récemment signalés
en France ont peut-être dépassé le seuil au-delà duquel il devient
légitime d’engager des poursuites, en dépit de la liberté d’expression.
Mais d’autres cas ne remplissent pas ces conditions, même si les paroles
prononcées sont révoltantes.
La
liberté d’expression ne doit pas être réservée à certains. L’heure
n’est pas à l’ouverture de procédures inspirées par des réactions à
chaud, mais bien plutôt à la mise en place de mesures réfléchies qui
protègent des vies et respectent les droits de tous »
John Dalhuisen
http://www.amnesty.fr/Nos-campagnes/Liberte-expression/Actualites/France-la-liberte-expression-epreuve-13947