D'ici cinq ans, les habitants de Bougainville décideront s'ils
veulent être indépendants ou s'ils préfèrent rester au sein de la
Papouasie-Nouvelle-Guinée.
C'est
ce qui est prévu par les accords de paix de 2001, conclus entre les
rebelles bougainvillais et le gouvernement de Port-Moresby à l'issue
d'un conflit sanglant. L'utilisation des ressources minières de l'île
est le principal déclencheur des violences. Encore aujourd'hui, la mine
de Panguna est au cœur de l'avenir politique du pays.
Historique du conflit
Les
revendications sécessionnistes des Bougainvillais remontent aux années
1960, avant même l'indépendance de la Papouasie-Nouvelle-Guinée. Le
mécontentement des habitants de Bougainville s'est encore intensifié
quelques années plus tard, avec la construction de la mine de Panguna.
En 1967, le groupe minier australien Rio Tinto signe un accord avec le
gouvernement australien, alors puissance coloniale. La production a
commencé cinq ans plus tard.
Ciaran O'Faircheallaigh,
chercheur à l'université Griffith, s'est rendu à Bougainville dans les
années 1970 pour étudier les conséquences de l'accord :
«
La plupart des habitants ne voulaient pas de la mine, elle leur a été
imposée par l'administration coloniale à travers une loi, l'accord de
cuivre de Bougainville, et ils n'ont pas eu leur mot à dire. À plusieurs
reprises, l'administration coloniale a dû faire appel à la police
anti-émeute pour réprimer l'opposition à la mine. C'est une partie
essentielle de l'histoire, et c'est même essentiel par rapport à ce qui
se passe ces derniers temps. »
Si l'opposition à
la mine est si forte depuis le début, c'est notamment parce que cela
engendre des pertes de terrains. Des habitants ont été relogés dans des
endroits où ils ne pouvaient plus cultiver leurs légumes. D'autres ont
empiété sur les terres coutumières de leurs voisins.
Terrains perdus, rivières polluées
Alors
que les Bougainvillais perdaient leur ressource principale, les
propriétaires de la mine se frottaient les mains. L'exploitation de la
mine d'or et de cuivre de Panguna marchait si bien que Rio Tinto a
amorti son investissement en seulement deux ans et demi.
En
plus de ne verser que de minimes compensations aux habitants,
l'exploitant de la mine a ravagé l'environnement. À l'époque, les
compagnies minières avaient le droit de déverser leurs déchets dans la
rivière. 50 millions de tonnes ont alors été tout simplement versées
dans la nature. En l'espace de deux ans, les rivières des alentours de
la mine étaient biologiquement mortes.
Le
ressentiment de la population, qui voyait les bénéfices de cette
exploitation dangereuse partir à Port-Moresby, n'a cessé de grandir,
comme le rapporte Anthony Regan, avocat et conseiller de l'actuel
gouvernement de Bougainville :
« Pendant les
années 1980, une nouvelle génération de propriétaires de la zone où la
mine a été construite devenait adulte. Eux n'avaient pas reçu de
compensation pour la perte de leurs terres et la mine ne leur donnait
pas de travail. Les Bougainvillais n'occupaient que 30% des postes, qui
ont été réduits de 10 000 lors de la construction de la mine à 3 500
lors de son exploitation. »
La situation a dégénéré et la mine a fermé en 1989. Elle n'a jamais rouvert, jusqu'à présent.
Pendant
des années, l'île a été le théâtre d'un conflit sanglant autour de
l'indépendance, avec la mine de Panguna en arrière-plan.
bougainville a besoin de l'argent des mines
Après
sept ans de négociations, l'implication de la Nouvelle-Zélande, de
l'Australie et des Nations unies, un accord de paix a été signé en 2001.
Bougainville bénéficie depuis d'une large autonomie, y compris dans le
secteur minier, souligne Ciaran O'Faircheallaigh :
«
Compte tenu de l'histoire, la mine était bien sûr une question très
sensible. L'accord de paix autorise Bougainville à prendre le contrôle
du secteur minier dès que le gouvernement local a la capacité de le
faire. La province vient en fait de terminer ce processus de prise en
charge des questions minières, ça a été fait en mars dernier. C'est
unique en Papouasie-Nouvelle-Guinée, dans toutes les autres régions,
c'est le gouvernement national qui a le contrôle sur les mines. »
Maintenant
qu'il a tous les pouvoirs en la matière, le gouvernement de
Bougainville va-t-il relancer la mine de Panguna ? Une question
inévitable, explique Anthony Regan :
« Il y a un
consensus à Bougainville parmi les dirigeants et la grande majorité des
habitants : ce sera très difficile d'avoir soit l'indépendance soit
l'autonomie réelle sans l'exploitation minière. Le budget de la province
est d'environ 150 millions de dollars aujourd'hui, alors que les
recettes n'atteignent que 12 millions de dollars. Bougainville dépend
des aides extérieures. Le cacao, qui est la principale industrie de
l'île, ne génère que 80 000 dollars par an, donc même en augmentant les
taxes sur sa production, ça ne suffira pas à garantir l'autonomie
financière de Bougainville. »