L’avenir de la France dans l’industrie minière, selon Emmanuel Macron
En déplacement en Guyane en fin de semaine dernière, Emmanuel Macron, le ministre de l’Economie, a visité le projet minier d’or le plus important à ce jour en France. Ce dernier est mené par une junior canadienne Columbus Gold.
Le projet de Columbus Gold est-il un bon exemple du renouveau minier de la France ?
Oui
! Il participe pleinement au renouveau minier de la France. A travers
la refonte du code minier, qui fait l’objet d’une large consultation, et
le travail sur la mine responsable, nous voulons redonner des
perspectives à cette activité.
D’abord, en
disant clairement que la France métropolitaine et l’outre-mer ont un
avenir minier. Il y a énormément de minerais exploitables, et nous avons
eu une tradition et une culture forte en la matière.
Ensuite,
pour réussir, il faut être aux standards internationaux et du moment.
Cela signifie que nous devons être au niveau des meilleurs en termes de
productivité et de professionnalisme. Cela veut dire aussi qu’il nous
faut respecter les normes environnementales et les exigences sociales,
notamment le respect des personnes, des formations, etc.
Avec
le projet Columbus Gold, nous sommes face à un industriel de niveau
mondial qui a une grande expertise, que ce soit sur le continent
américain ou de manière plus accessoire en Europe. Il sait exploiter aux
meilleurs standards, et a la capacité d’investir massivement sur un
site en exploitation primaire. Cet industriel est l’un des fers de lance
de la mine responsable.
Quels sont les autres ?
Les
exploitants français dans l’Hexagone et en Guyane. En Guyane, il y a
une vingtaine d’artisans, qui se concentrent sur une exploitation
alluvionnaire, compte tenu du coût de l’exploitation de l’or primaire.
Il faut les aider sur le plan environnemental, social, sur le plan de
l’investissement, car ils sont au cœur de ce renouveau minier. Ces
orpailleurs légaux ont aussi un rôle fort à jouer, notamment parce qu’il
y a un taux de retour social et économique direct pour la région : ils
sont le visage entrepreneurial de ce secteur aurifère.
Pour les soutenir concrètement, nous devons d’abord mieux les aider sur le plan financier : les banques commerciales
sont totalement absentes et la banque publique d’investissement (BPI)
n’est pas assez là. Je veux que celle-ci renforce sa présence en Guyane
et en particulier ses interventions dans ce secteur. Nous devons
également simplifier et accélérer l’instruction des permis miniers.
C’est pour moi l’un des enjeux du code minier. Actuellement, les
demandeurs attendent trop longtemps.
En quoi consiste aujourd’hui la stratégie minière du pays ?
Cette
stratégie demande un examen très approfondi. Nous en avons les premiers
éléments grâce au BRGM [bureau de recherches géologiques et minières,
ndlr] sur les différents minerais et sur les potentiels d’exploitation :
ils sont réels, on peut créer de la valeur. Mais cela n’est pas de
nature à répondre à la totalité des besoins français ni à faire de la
France un pays qui puisse concurrencer les grands pays miniers.
En
revanche, il y a une richesse sous le territoire français, notamment de
l’or, en France métropolitaine et en outre-mer. Compte tenu des enjeux
économiques qui sont les nôtres, nous ferions une erreur profonde en ne
l’exploitant pas. Il faut donc lever le tabou qui laisse penser qu’on ne
pourrait plus exploiter le sous-sol de notre pays. Notre imaginaire
reste marqué par la mine du XIXème siècle. En réalité, nous avons la
capacité d’exploiter de manière durable et responsable sur le plan
environnemental et social.
C’est tout
l’enjeu des prochains mois. Il s’agit d’une perspective de
développement, qui n’est pas destinée à transformer le visage de
l’économie française mais à le compléter et à le renforcer. C’est
pourquoi elle fait partie de notre stratégie économique et de notre
stratégie de filières.
Peut-on dire qu’aujourd’hui, la France est en train de rouvrir ses mines ?
Oui.
On peut dire que la France va rouvrir de nouvelles mines. Pas les
mêmes, pas forcément dans les mêmes secteurs, car ce ne sont pas
forcément les mêmes enjeux et ce sont de nouveaux investissements. Mais
la France a décidé de reconquérir le sujet minier et de se redonner un
avenir dans ce domaine.
Les Guyanais ne semblent pas opposés à l’exploitation du sous-sol de la région. En métropole, c’est une autre histoire...
En
France, il y a eu une véritable culture minière jusqu’aux années 1980.
Elle était forte dans certaines régions, la Lorraine, le
Nord-Pas-de-Calais, le Sud aussi. Ces régions ont conservé une forte sensibilité
en la matière, beaucoup plus grande que d’autres. Comment l’expliquer ?
D’abord, parce qu’elles sont souvent dans l’incompréhension vis-à-vis
des explications hasardeuses ou des approximations qui leur sont
données, parfois par les industriels eux-mêmes. Il peut également y
avoir des sensibilités locales, liées notamment à la question du
« retour », en particulier lorsque les perspectives d’emplois sont trop
faibles ou qu’elles ne sont pas suffisamment claires.
Enfin,
il y a une sensibilité environnementale. Elle est forte en France et
cela suppose de l’objectiver. Nous devons admettre que le « risque zéro
ex ante », n’existe pas. Etre exigeant sur le plan environnemental, cela
veut donc dire avoir un débat démocratique et technique avant
d’autoriser un projet. Cela veut dire aussi sélectionner des experts indépendants,
chose pour laquelle nous avons eu une faiblesse en France sur plusieurs
projets, et faire des évaluations. Il nous faut remplacer la culture de
la polémique par celle de l’évaluation objective. Il faut être
exigeant, c’est le principe du code minier et de la charte, c’est la
raison d’être des enquêtes et des études indépendantes.
Certes,
ce dispositif d’évaluation est plus lourd qu’au XIXème ou au XXème
siècles. Mais nous vivons dans un autre univers : personne ne souhaite
se retrouver, dans 20 ou 30 ans, avec des réserves d’eau disparues et
des nuisances en tout genre. Nous devons évidemment en tenir compte pour
construire l’avenir minier de notre territoire. Enfin, il nous revient
de veiller au retour pour les populations locales, pour qu’elles
profitent des emplois, des investissements et de l’activité générés par
l’exploitation. J’ai la conviction qu’on peut combiner l’ambition
économique et les exigences environnementale et sociale.
Considérez-vous qu’il y a toujours un risque d’approvisionnement en matières premières en France, en particulier en métaux stratégiques ?
Non.
Il est vrai qu’à un moment donné, la stratégie de certains pays a été
d’accumuler des matières premières, ce qui en a fait monter le cours. Le
ralentissement des émergents, et en particulier celui de la Chine ces
derniers temps, a fait redescendre le cours de ces matières premières et
en a réduit les aspects critiques. Je pense par exemple au cuivre. On
pouvait craindre un début de tension : celui-ci n’a pas eu lieu.
Toutefois,
les pouvoirs publics ont le devoir d’anticiper. Notre stratégie se
fonde sur trois axes. D’abord, nous mutualisons le risque
d’approvisionnement, c’est à dire que nous multiplions les pays sources
pour ne pas être dépendant d’un seul pays ou d’une seule source. Le
deuxième axe concerne les métaux rares et plus critiques qui dépendent
parfois d’un ou deux pays seulement. On connaît la sensibilité de
l’uranium : nous avons là une vraie stratégie avec notre opérateur
Areva. Il en est de même pour le nickel avec un opérateur comme Eramet.
Le troisième axe vise à nous réorganiser pour sécuriser certains métaux.
Notre dépendance relative à la Russie nous a amenés à réorganiser nos
filières industrielles pour la réduire. Nous pourrions constituer des
productions de synthèse qui permettent de réduire la dépendance au
titane notamment, qui est critique pour la filière aéronautique.
La chute des cours des matières premières change-t-elle la donne ?
Nous
sommes extrêmement attentifs à ce sujet. Avec deux approches : à
travers la stratégie minière, d’une part, et à travers celle des plans
industriels. La première est transversale. La seconde se fonde sur une
logique filière par filière, afin de ne pas nous retrouver dépendants de
certains approvisionnements. La chute des cours du pétrole a permis de
diminuer la pression sur quelques secteurs mais n’a pas changé le fait
que la stratégie industrielle doit être anticipée.