Cette fois, les dés sont jetés. Mercredi 14
janvier au soir, Artur Mas, le président de la Generalitat, le
gouvernement régional catalan, a annoncé qu'il convoquait de nouvelles
élections pour renouveler le parlement régional. Ce scrutin aura lieu le
27 septembre. Mais il ne s'agira pas seulement d'élire des députés
régionaux, ce qui se jouera lors de ces élections, ce sera
l'indépendance de la Catalogne ou son maintien dans l'Espagne.
Débat entre indépendantistes
Artur
Mas a donc décidé, après la fin de non-recevoir du gouvernement
espagnol suite au référendum du 9 novembre dernier, de convoquer des
« élections plébiscitaires », autrement dit des élections dont le
principal enjeu sera l'indépendance. Pour cela, il devait parvenir à un
accord avec l'autre parti indépendantiste, la Gauche Républicaine
Catalane (ERC) d'Oriol Junqueras sur un comportement commun en cas de
victoire du camp souverainiste. Longtemps, les discussions ont été
difficiles et se sont enlisées (Oriol Junqueras s'en est même escusé ce
mercredi soir). Artur Mas souhaitait une liste unitaire « apolitique »,
Oriol Junqueras voulait un accord avec des listes séparées. C'est cette
dernière position qui l'a emporté finalement.
« feuille de route » commune
Les
partis indépendantistes partiront donc en ordre dispersés, mais avec
une « feuille de route commune » qui sera intégrée aux programmes
électoraux. L'électeur pourra ainsi aisément distinguer les partis qui
s'engagent pour l'indépendance et les autres. Des indépendants, issus
des associations à l'origine de la votation du 9 novembre, seront
intégrés dans les diverses listes politiques. Ces élections seront un
nouveau référendum, mais cette fois plus efficace, car le gouvernement
catalan issu des urnes du 27 septembre aura pour mission de négocier
l'indépendance de la région avec Madrid.
Pourquoi le 27 avril ?
Le
choix d'une date tardive n'est pas le fruit du hasard. L'Espagne va
renouveler son parlement en novembre, sans doute. Le cabinet de Mariano
Rajoy devrait chuter, car son parti, le Parti Populaire (PP) est mal en
point dans les sondages et n'est plus en mesure de constituer une
majorité. Durant la campagne espagnole, qui suivra l'élection catalane,
les partis « centraux » devront se déterminer en cas de succès des
indépendantistes sur leur comportement vis-à-vis de Barcelone. A priori,
l'affaiblissement du PP devrait conduire à des discussions plus faciles
entre les deux partis. Avancer les élections catalanes eût été un
risque : celui d'un blocage avec Madrid et, finalement, de l'enlisement
du mouvement. De plus, les indépendantistes ne sont pas au mieux
actuellement dans les sondages, pas question donc de miser sur une
campagne éclair...
Election polarisée et l'énigme Podemos
Si
la campagne officielle va débuter le 10 septembre, la veille de la
« Diada », la « fête nationale catalane » qui commémore la prise de
Barcelone par les Bourbons le 11 septembre 1714, la campagne va en
réalité commencer beaucoup plus tôt. Il y a sans doute fort à parier que
ces élections seront dans toutes les têtes lors des élections
municipales de mars. Après le 9 novembre, le mouvement indépendantiste
s'est déchiré et les sondages ont vu la faveur pour l'indépendance
fléchir. Parallèlement, le mouvement Citoyens (Ciutadans), très
unitariste, a commencé à se renforcer, devenant le point de ralliement
de ceux qui s'opposent à l'indépendance. Les élections s'annoncent donc
très polarisées. Avec une incertitude : le mouvement issu des
« indignés », Podemos, hostile à l'indépendance mais qui est donné en
tête au niveau espagnol, tirera-t-il son épingle du jeu dans une
élection plébiscitaire où il se retrouvera avec le PP et Ciutadans et où il aura du mal à imposer ses thèmes. Mais ce sera une des clés du scrutin.