PARTI TRAVAILLISTE

KANAKY

lundi 24 août 2015

Il en est de même pour le nickel avec un opérateur comme Eramet. Le troisième axe vise à nous réorganiser pour sécuriser certains métaux.



L’avenir de la France dans l’industrie minière, selon Emmanuel Macron

Le ministre de l’Economie, Emmanuel Macron (au centre) et le PDG de Columbus Gold, Robert Giustra (à gauche) sur le site du gisement aurifère de Montagne d’Or - Muryel Jacque

En déplacement en Guyane en fin de semaine dernière, Emmanuel Macron, le ministre de l’Economie, a visité le projet minier d’or le plus important à ce jour en France. Ce dernier est mené par une junior canadienne Columbus Gold.


Le projet de Columbus Gold est-il un bon exemple du renouveau minier de la France ?

Oui ! Il participe pleinement au renouveau minier de la France. A travers la refonte du code minier, qui fait l’objet d’une large consultation, et le travail sur la mine responsable, nous voulons redonner des perspectives à cette activité.
D’abord, en disant clairement que la France métropolitaine et l’outre-mer ont un avenir minier. Il y a énormément de minerais exploitables, et nous avons eu une tradition et une culture forte en la matière.
Ensuite, pour réussir, il faut être aux standards internationaux et du moment. Cela signifie que nous devons être au niveau des meilleurs en termes de productivité et de professionnalisme. Cela veut dire aussi qu’il nous faut respecter les normes environnementales et les exigences sociales, notamment le respect des personnes, des formations, etc.
Avec le projet Columbus Gold, nous sommes face à un industriel de niveau mondial qui a une grande expertise, que ce soit sur le continent américain ou de manière plus accessoire en Europe. Il sait exploiter aux meilleurs standards, et a la capacité d’investir massivement sur un site en exploitation primaire. Cet industriel est l’un des fers de lance de la mine responsable.

Quels sont les autres ?

Les exploitants français dans l’Hexagone et en Guyane. En Guyane, il y a une vingtaine d’artisans, qui se concentrent sur une exploitation alluvionnaire, compte tenu du coût de l’exploitation de l’or primaire. Il faut les aider sur le plan environnemental, social, sur le plan de l’investissement, car ils sont au cœur de ce renouveau minier. Ces orpailleurs légaux ont aussi un rôle fort à jouer, notamment parce qu’il y a un taux de retour social et économique direct pour la région : ils sont le visage entrepreneurial de ce secteur aurifère.
Pour les soutenir concrètement, nous devons d’abord mieux les aider sur le plan financier : les banques commerciales sont totalement absentes et la banque publique d’investissement (BPI) n’est pas assez là. Je veux que celle-ci renforce sa présence en Guyane et en particulier ses interventions dans ce secteur. Nous devons également simplifier et accélérer l’instruction des permis miniers. C’est pour moi l’un des enjeux du code minier. Actuellement, les demandeurs attendent trop longtemps.


En quoi consiste aujourd’hui la stratégie minière du pays ?

Cette stratégie demande un examen très approfondi. Nous en avons les premiers éléments grâce au BRGM [bureau de recherches géologiques et minières, ndlr] sur les différents minerais et sur les potentiels d’exploitation : ils sont réels, on peut créer de la valeur. Mais cela n’est pas de nature à répondre à la totalité des besoins français ni à faire de la France un pays qui puisse concurrencer les grands pays miniers.
En revanche, il y a une richesse sous le territoire français, notamment de l’or, en France métropolitaine et en outre-mer. Compte tenu des enjeux économiques qui sont les nôtres, nous ferions une erreur profonde en ne l’exploitant pas. Il faut donc lever le tabou qui laisse penser qu’on ne pourrait plus exploiter le sous-sol de notre pays. Notre imaginaire reste marqué par la mine du XIXème siècle. En réalité, nous avons la capacité d’exploiter de manière durable et responsable sur le plan environnemental et social.
C’est tout l’enjeu des prochains mois. Il s’agit d’une perspective de développement, qui n’est pas destinée à transformer le visage de l’économie française mais à le compléter et à le renforcer. C’est pourquoi elle fait partie de notre stratégie économique et de notre stratégie de filières.


Peut-on dire qu’aujourd’hui, la France est en train de rouvrir ses mines ?

Oui. On peut dire que la France va rouvrir de nouvelles mines. Pas les mêmes, pas forcément dans les mêmes secteurs, car ce ne sont pas forcément les mêmes enjeux et ce sont de nouveaux investissements. Mais la France a décidé de reconquérir le sujet minier et de se redonner un avenir dans ce domaine.


Les Guyanais ne semblent pas opposés à l’exploitation du sous-sol de la région. En métropole, c’est une autre histoire...

En France, il y a eu une véritable culture minière jusqu’aux années 1980. Elle était forte dans certaines régions, la Lorraine, le Nord-Pas-de-Calais, le Sud aussi. Ces régions ont conservé une forte sensibilité en la matière, beaucoup plus grande que d’autres. Comment l’expliquer ? D’abord, parce qu’elles sont souvent dans l’incompréhension vis-à-vis des explications hasardeuses ou des approximations qui leur sont données, parfois par les industriels eux-mêmes. Il peut également y avoir des sensibilités locales, liées notamment à la question du « retour », en particulier lorsque les perspectives d’emplois sont trop faibles ou qu’elles ne sont pas suffisamment claires.
Enfin, il y a une sensibilité environnementale. Elle est forte en France et cela suppose de l’objectiver. Nous devons admettre que le « risque zéro ex ante », n’existe pas. Etre exigeant sur le plan environnemental, cela veut donc dire avoir un débat démocratique et technique avant d’autoriser un projet. Cela veut dire aussi sélectionner des experts indépendants, chose pour laquelle nous avons eu une faiblesse en France sur plusieurs projets, et faire des évaluations. Il nous faut remplacer la culture de la polémique par celle de l’évaluation objective. Il faut être exigeant, c’est le principe du code minier et de la charte, c’est la raison d’être des enquêtes et des études indépendantes.
Certes, ce dispositif d’évaluation est plus lourd qu’au XIXème ou au XXème siècles. Mais nous vivons dans un autre univers : personne ne souhaite se retrouver, dans 20 ou 30 ans, avec des réserves d’eau disparues et des nuisances en tout genre. Nous devons évidemment en tenir compte pour construire l’avenir minier de notre territoire. Enfin, il nous revient de veiller au retour pour les populations locales, pour qu’elles profitent des emplois, des investissements et de l’activité générés par l’exploitation. J’ai la conviction qu’on peut combiner l’ambition économique et les exigences environnementale et sociale.


Considérez-vous qu’il y a toujours un risque d’approvisionnement en matières premières en France, en particulier en métaux stratégiques ?

Non. Il est vrai qu’à un moment donné, la stratégie de certains pays a été d’accumuler des matières premières, ce qui en a fait monter le cours. Le ralentissement des émergents, et en particulier celui de la Chine ces derniers temps, a fait redescendre le cours de ces matières premières et en a réduit les aspects critiques. Je pense par exemple au cuivre. On pouvait craindre un début de tension : celui-ci n’a pas eu lieu.
Toutefois, les pouvoirs publics ont le devoir d’anticiper. Notre stratégie se fonde sur trois axes. D’abord, nous mutualisons le risque d’approvisionnement, c’est à dire que nous multiplions les pays sources pour ne pas être dépendant d’un seul pays ou d’une seule source. Le deuxième axe concerne les métaux rares et plus critiques qui dépendent parfois d’un ou deux pays seulement. On connaît la sensibilité de l’uranium : nous avons là une vraie stratégie avec notre opérateur Areva. Il en est de même pour le nickel avec un opérateur comme Eramet. Le troisième axe vise à nous réorganiser pour sécuriser certains métaux. Notre dépendance relative à la Russie nous a amenés à réorganiser nos filières industrielles pour la réduire. Nous pourrions constituer des productions de synthèse qui permettent de réduire la dépendance au titane notamment, qui est critique pour la filière aéronautique.

La chute des cours des matières premières change-t-elle la donne ?

Nous sommes extrêmement attentifs à ce sujet. Avec deux approches : à travers la stratégie minière, d’une part, et à travers celle des plans industriels. La première est transversale. La seconde se fonde sur une logique filière par filière, afin de ne pas nous retrouver dépendants de certains approvisionnements. La chute des cours du pétrole a permis de diminuer la pression sur quelques secteurs mais n’a pas changé le fait que la stratégie industrielle doit être anticipée.
Muryel Jacque, en Guyane
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