PARTI TRAVAILLISTE
KANAKY
Tests de performance
Les
élus du Congrès réunis en session extraordinaire ont livré leurs
interprétations du schéma minier en répondant aux questions concernant
les exportations de minerai. Il appartient désormais au président du
gouvernement de prendre les décisions qui s’imposent – à défaut de
pouvoir reconnaître publiquement que c’est sur une interprétation
erronée du schéma minier qu’il a bloqué pendant deux mois et demi les
demandes d’autorisation d’exportation vers la Chine et le Japon. Un
refus, ou une esquive, constituerait sans aucun doute un déni de
démocratie. Non seulement le Congrès est l’assemblée délibérante de la
Nouvelle-Calédonie, mais l’exécutif du territoire est un gouvernement
collégial, élu par le Congrès et responsable devant lui. Non seulement
le président est tenu par les interprétations du Congrès, mais il a
personnellement demandé l’éclairage démocratique de ce dernier sur
l’interprétation du schéma de mise en valeur des richesses minières.
Tout expliquer, sans rien révéler. Il est toutefois
navrant de voir que c’est la loi du nombre plutôt que celle du sens qui
s’impose à l’exécutif. Les élus du Congrès se sont effectivement
exprimés sur les questions posées par le Haut-commissaire, mais sur le
fond les lignes n’ont malheureusement pas bougé. Malgré les échanges, la
dialectique n’a pas évolué d’un iota : thèse, anti thèse, sans
synthèse. Chaque coalition est restée sur ses positions, et à l’issue
d’un débat interminable les partisans des exportations ont finalement et
fort heureusement imposés in-extremis leurs vues par le nombre.
Pourtant, même après la session extraordinaire, chacun des partis est
resté sur ses positions initiales. Pour ou contre les exportations, le
dogme a prévalu, l’idéologie a survécu, les motifs d’oppositions
frontales sont restés intacts et la lecture des communiqués faisant
suite aux votes démontre que la stratégie nickel réclamée par tous n’est
pas prête de voir le jour. Le débat démocratique qui a eu lieu reste
donc un simulacre, au mieux un euphémisme pour un mode de gouvernance
propre à l’affrontement d’intérêts sans grand espoir de compromis. Des
vestiges de l’Ancien régime démontrent sans aucun doute le manque de
maturité de nos institutions républicaines. Quant aux explications de
textes, elles consistent à tempérer, à cacher, à noyer l’information.
Elles ont recours à la multiplication des clichés officiels et de
redites, et ce afin de tenter de faire naître l’oubli. Liberté
d’expression, éthique journalistique… On peut simplement s’étonner que
la demande de consultation à domicile organisée par le président du
gouvernement afin d’autoriser NMC à doubler les volumes d’exportation de
minerais à destination de la Corée n’ait pas fait la une des supports
médiatiques. Il s’agit pourtant d’une autorisation d’exportation
annuelle portant sur une durée, des volumes et des teneurs bien
supérieurs aux minerais latéritiques qui devraient être destinés à la
Chine au cours des 18 prochains mois.
Au-delà des autorisations. Si l’interprétation
fournie par les élus n’était pas nécessaire, elle se révèle pour autant
fort utile. On regrettera toutefois que la session extraordinaire n’ait
pas permis à l’ensemble des représentants de mesurer l’urgence et la
gravité de la situation dans laquelle se trouve les sociétés minières et
métallurgiques – et leurs sous-traitants. Depuis la fin 2014, la
demande chinoise se contracte, et sa stratégie industrielle et
commerciale a fait naître un surplus de l’offre sur la demande. Au cours
du quatrième trimestre 2015 nous devrions bien sûr assister à une
légère hausse du prix du nickel due à une nette réduction de la
production des Philippines en période de mousson. Mais les chinois
excellent désormais dans l’art de maintenir les prix au plus bas afin de
reconstituer des stocks élevés. Ils diminuent depuis le début 2014 leur
production de fonte de nickel et maintiennent l’importation à bas prix
de nickel métal. Cette surproduction des capacités extérieures devrait
continuer à maintenir le cours du nickel au-dessous du prix d’équilibre
des deux tiers des unités de production. Dans ces conditions, et comme
je l’avais annoncé il y a maintenant un an, malgré le doublement de la
production minière depuis l’entrée en vigueur du schéma, les sociétés
calédoniennes vont générer des pertes colossales plaçant les
collectivités publiques dans une situation extrêmement difficile. Pas de
dividendes de la part de SLN, quelques reliquats en provenance de STCPI
et SNNC, mais pas suffisamment pour que SPMSC et SMSP puissent assurer
seuls le service de la dette au cours des prochaines années. Contraint
de vendre des actifs, Glencore a depuis suspendu la reconstruction du
second four de KNS qui ne pourra pas atteindre sa capacité nominale
comme prévu en 2017. Eramet a depuis annoncé la suspension de la
construction de la centrale de SLN, ce qui ne lui permettra pas de
gagner en compétitivité. VNC n’atteindra certainement pas les objectifs
de rentabilité fixés par sa maison mère et saura tirer les enseignements
de sa mésaventure calédonienne. En sous-capacité chronique due au
manque crucial d’investissements productifs, NMC générera une perte
nette de plusieurs milliards de francs, probablement autour de 4
milliards. Cette dernière ne restera dans les limites des découverts
accordés par les banques que grâce aux nouvelles avances de trésorerie
consenties par POSCO. Faute de n’avoir pu fixer les orientations en
temps voulu, les élus calédoniens de la nouvelle génération pourront au
moins constater le fait que le devenir industriel de la
Nouvelle-Calédonie est désormais pris en main par les multinationales.
Il en va de leurs survies et de la sauvegarde de leurs intérêts.
[i]
La production minière calédonienne est passée de 92 845 tonnes de
nickel contenu dans du minerai en 2009 à 178 080 tonnes en 2014. Malgré
les attentes, sur la même période, la production locale de nickel
métal n’a progressé que de 52 132 à 82 754 tonnes. Dans le même
intervalle, les exportations minières (Japon, Corée et Australie) sont
passées de 48 561 à 70 328 tonnes de nickel contenu.