Finances.
L’Institut d’émission d’outre-mer, dans son rapport annuel publié
jeudi, a mis en évidence la diminution des transferts. Même du temps de
leur augmentation, avant 2011, ils perdaient déjà de leur importance
dans l’économie locale.
Le croisement des deux courbes est un effet purement
graphique, qui résulte du choix des échelles. La forme des courbes est
l’élément le plus significatif.
Les
versements de l’État en Nouvelle-Calédonie perdent de leur importance.
En valeur, la diminution est à la fois récente et minime (courbe rouge,
ci-contre). Mais si l’on parle de leur poids dans l’économie locale
(courbe grise), la chute est une affaire de long terme. C’est l’un des
enseignements de « Nouvelle-Calédonie 2016 », la synthèse annuelle de
l’Institut d’émission d’outre-mer, publiée jeudi. L’année 2011 a marqué
la fin d’une longue période d’augmentation rapide des versements. Au
cours de la décennie précédente, leur croissance moyenne s’est établie à
plus de 3 % par an. Entre 2011 et 2015, au gré des fluctuations,
l’évolution annuelle moyenne tombe à -1, 7 %. Pourquoi un tel
retournement ? Jean-David Naudet, directeur de l’IEOM à Nouméa, avance
une piste attendue : au tournant de la décennie 2010, le climat des
finances publiques s’est largement dégradé.
CRISE financière et RGPP
La crise financière de 2007-2008 a eu « un impact très défavorable
sur la croissance jusqu’en 2012 ». En conséquence, le déficit public
s’est envolé à plus de 7 % du PIB en 2009, dit l’Insee. Depuis, les
gouvernements successifs n’ont eu de cesse de tenter de repasser sous
les 3 %, la limite fixée par l’Union européenne (lire ci-dessous). En
trois mots, Bercy a « serré la vis ». Et encore, par rapport aux
collectivités métropolitaines, « la Nouvelle-Calédonie a largement
échappé à ces restrictions », rappelait Thierry Lataste, le
haut-commissaire, le 7 novembre. En effet, quelle que soit la force de
la contrainte que représente la dette nationale, l’État l’applique de
façon différenciée. Il procède à des arbitrages, et le rapport de force
politique entre en jeu.
Si la crise peut expliquer les déficits et donc l’austérité, la
volonté de réduire les dépenses publiques était légèrement antérieure,
estime Jean-David Naudet. L’arrivée de Nicolas Sarkozy à la présidence
de la République, en 2007, avait marqué le passage dans une nouvelle
phase. L’une des mesures emblématiques de son début de quinquennat, la
révision générale des politiques publiques (RGPP), était entièrement
conçue dans cet esprit.
Il faut toutefois noter, comme le montre la trajectoire de la courbe
grise, que le poids des versements de l’État dans l’économie
calédonienne n’a pas attendu l’arrivée de la crise ni de la RGPP pour
s’amenuiser.
La pente descendante
Du temps où les versements bondissaient de 3 % par an, leur
importance dans le produit intérieur brut local diminuait déjà d’environ
0,5 point par an. Cette évolution tient évidemment au dynamisme de la
croissance, qui s’envolait régulièrement au-dessus des 5 % par an. En 16
ans, la part des versements dans le PIB est ainsi passée de 20 à 12 %.
Faut-il s’habituer à voir le montant des versements suivre la pente
descendante ? À moyen-terme, probablement. « Les contraintes budgétaires
resteront fortes, estime Jean-David Naudet. Mais pour 2016, même si les
données ne sont pas totalement consolidées, on peut s’attendre à un
rebond de 1 % », tempère aussitôt le banquier central. Et 2017 devrait
suivre la même tendance. Le nouveau cycle de contrats de développement y
sera pour quelque chose. Les 53 policiers et gendarmes promis le 5
novembre par Bernard Cazeneuve, alors ministre de l’Intérieur, se
verront également dans les comptes. Un bel exemple d’arbitrage. «
Plusieurs dizaines d’embauches de fonctionnaires de l’État en
Nouvelle-Calédonie, on n’avait pas vu ça depuis longtemps, note le
banquier central. L’effet sur la dépense globale se fera sentir ».
Repères
La mesure des versements
Dans le graphique ci-dessus, comme dans l’article, la mesure utilisée
est celle des versements net. Les versements bruts, qui s’élevaient à
153,1 milliards de francs en 2016, comprennent la totalité des dépenses :
salaires, retraites, dotations de fonctionnement, investissement,
interventions, solde des militaires, etc. On obtient le montant des
versements nets, 117 milliards, en y retirant les retraites et les
salaires versés par la Nouvelle-Calédonie aux Calédoniens qui vivent
ailleurs en France.
À la source
« Nouvelle-Calédonie 2016 », la synthèse annuelle de l’Institut d’émission d’outre-mer, est en libre accès sur son site web, www.ieom.fr
117 milliards de francs.
Le montant net des versements de l’État en
Nouvelle-Calédonie en 2015. En 2016, le nombre devrait remonter aux
alentours de 119 milliards, estime l’IEOM.
A Paris, les restrictions budegtaires vont se poursuivre
Dans la droite ligne de son prédécesseur, Emmanuel Macron a fixé
comme objectif prioritaire la réduction du déficit budgétaire de l’Etat.
Comme tant d’autres, les dépenses en Nouvelle-Calédonie pourraient en
faire les frais.
Le début du quinquennat sera placé sous le signe de l’austérité. Les
déclarations du candidat puis président Macron pouvaient le laisser
penser. Les propos de Bruno Le Maire, publiés samedi dans Le Figaro, ne
laissent désormais que peu de place au doute. Le ministre de l’Économie,
a annoncé qu'il fallait prendre « immédiatement » des « décisions
difficiles » pour respecter la règle - commune à tous les pays membres
de la zone euro - qui impose un déficit inférieur à 3 % du PIB.
Cette annonce ne fait que confirmer les intentions affichées le 13
juin par le Premier ministre. « Si nous sommes au-dessus [de 2,8 % de
déficit en 2017], il va y avoir toute une série de mesures », avait
déclaré Edouard Philippe, faisant référence à un engagement pris par le
gouvernement précédent.
L’exécutif s’apprête donc à suivre les recommandations de la
Commission européenne, qui, en mai, s’inquiétait une fois de plus de la
trajectoire du déficit français. A contrario, les avertissements de
certains économistes du Fonds monétaire international, qui estiment que
les politiques d’austérité mettent en danger la croissance et l’emploi à
court comme à long-terme, resteront lettre morte. Il faut donc
s’attendre à un programme pluriannuel de réduction de la dépense
publique. Le montant des versements en Nouvelle-Calédonie pourrait s’en
ressentir.