Profitant
de la rencontre d’une délégation du FLNKS à Matignon, le FLNKS a convié
des mouvements indépendantistes de Guadeloupe, Martinique et Guyane à
une rencontre pour relancer « une dynamique de lutte entre militants des
dernières colonies françaises ».
Vendredi
dernier, le premier ministre Edouard Philippe réunissait le Comité des
signataires de l'accord de Nouméa afin d’acter la date des prochaines
élections provinciales sur le Caillou (le 12 mai 2019) et la suite de
l’application de l’accord de Nouméa. Entre « front loyaliste » (réunion
des Républicains calédoniens et le Rassemblement-LR) et
indépendantistes, dont les quatre composantes se présenteront unies au
scrutin prochain, « il y a des interprétations différentes sur la
lecture de la fin de l'accord », a euphémisé la ministre des Outre-mer
Annick Girardin. Les premiers réclament la réouverture du corps
électoral provincial, restreint aux personnes présentes sur le Caillou
depuis au moins novembre 1998. Ils estiment que le processus est allé au
bout : «Les deuxième et troisième référendums n'ont plus lieu d'être »,
a lâché Thierry Santa, du Rassemblement LR. Mais forts d’une
progression certaine lors du référendum du 4 novembre (43,3% pour le oui
à l’indépendance, quand les sondages leur promettaient 35% dans le
meilleur des cas), les indépendantistes du Front de libération nationale
kanak et socialiste (FLNKS) veulent aller au bout du processus qui
prévoit deux nouveaux référendums. Car au bout, ils entrevoient la
possibilité d’une « souveraineté pleine et entière ».
C’est cette perspective qui outre les Kanak, donne matière à
mobilisation des indépendantistes des anciennes colonies françaises.
Lundi, le leader du FLNKS Roch Wamytan avait convié plusieurs
représentants indépendantistes de Guyane, Martinique et Guadeloupe afin
de réactiver une « nécessaire dynamique de lutte entre militants des
dernières colonies françaises ». Le référendum a donné « un nouveau
souffle aux mouvements de décolonisation », expliquait Roch Wamytan. En
Kanaky-Nouvelle-Calédonie, « l’Etat avait capitalisé sur l’extinction du
mouvement kanak, ils ont perdu ». Et c’est dans l’ensemble des
possessions françaises que se lève « l’espoir que la porte de la liberté
s’ouvre », lance le leader calédonien.
« Combler un non-sens historique »
Le résultat du travail politique kanak a ravivé « une fierté, une
envie d’être plus combatifs », estime Luc Reinette, représentant du Fos
pou Konstwui Nasion Gwadloup (Force pour reconstruire la Guadeloupe).
C’est « un exemple », approuvait Germain Beautin, de l’Union pour la
liberté en Guadeloupe, évoquant notamment le travail de fourmi des Kanak
pour « peser sur la constitution des listes électorales ». Serge
Glaude, du Collectif des patriotes guadeloupéens, espère, pour la
Guadeloupe comme pour les autres territoires, une réinscription sur la
liste des territoires non autonomes des Nations unies. La
Nouvelle-Calédonie, inscrite en 1946 comme Saint-Pierre-et-Miquelon, La
Réunion, la Martinique, la Guyane française, en a été retirée « d’un
trait de plume » en 1947 comme les autres territoires, lâche le vieux
militant. Mais seul le Caillou a été réinscrit en 1986, ce qui a
indéniablement pesé dans le processus en cours. « La France doit
accepter que nous soyons réinscrits sur cette liste des pays à
décoloniser ! », pour selon lui « combler un non-sens historique ».
Puisqu’elle est reconnue pour l’un d’entre eux par l’Organisation des
Nations unies, cette demande devrait fédérer tous les indépendantistes
des anciennes colonies françaises, estime Garcin Malsa, du Mouvement des
démocrates et écologistes pour une Martinique souveraine (Modemas),
pour qui « développer nos liens est un impératif absolu pour obliger
l’Etat » à reconnaître cette revendication comme « légitime ». « Quelle
que soit la dénomination qu’on nous donne, département, collectivité,
territoire, nous vivons la même colonisation, les mêmes méthodes, le
même mépris, relance Serge Glaude. Pour être entendus nous devons
globaliser notre lutte de décolonisation. »
Les participants, qui reprenaient langue après une longue période
(ils ne s’étaient pas rencontrés officiellement depuis le début des
années 2000), ont prévu d’établir « une plateforme commune face au même
colonisateur français ». Pourraient y figurer la définition d’un
processus de décolonisation passant par référendum comme en
Nouvelle-Calédonie, la question des réparations liées à l’esclavage, aux
différentes formes d’exploitation (des hommes, du sol, du milieu
maritime…), d’éventuelles évolutions institutionnelles, même si « cela
nous laisse peu d’espoir », au vu des expériences d’autonomie dans
lesquelles « le colonisateur garde la main », lâchent les militants…
«Tout recommence aujourd’hui», s’enthousiasmait Luc Reinette, en actant
un prochain rendez-vous une fois travaillée « l’unification de nos
forces au(x) pays ».