Mr. Roch Wamytan ( President of the UC-FLNKS and Nationalists Group at the Congress of New Caledonia )
Monsieur le Président du Comité spécial de décolonisation,
Mesdames et Messieurs les membres du Comité spécial de décolonisation,
Mesdames et Messieurs les représentants des territoires non autonomes,
Mesdames et Messieurs,
Permettez-moi tout d’abord de remercier chaleureusement le
gouvernement et le peuple du Nicaragua pour l’accueil chaleureux qui
nous est fait à l’occasion de ce séminaire régional des Caraïbes. Je
voudrais aussi saluer spécialement le président de la république Daniel
Ortega dont la renommée dépasse de loin les frontières de son propre
pays. En effet l’histoire de son pays et de ses habitants, liée
profondément à la révolution sandiniste, nous est parvenue à nous aussi
peuple océanien mélanésien de l’autre rive du pacifique à la recherche
de notre destin.
Je voudrais de même remercier les membres
du comité spécial des 24 ainsi que son président Mr Xavier Lasso
Mendoza pour l’invitation qui m’a été faite, à participer à ce séminaire
en tant qu’expert exerçant depuis mai 2014 la présidence d’un groupe
politique indépendantiste, le groupe UC-FLNKS et Nationalistes, au sein
du congrès, assemblée délibérante du territoire non autonome de la
Nouvelle Calédonie.
Introduction
Comme l’indique le document A/AC.109/2015/17 de l’Assemblée générale de février 2015, ce séminaire a pour objet de permettre au Comité spécial de recueillir les points de vue des représentants des territoires non autonomes, d’experts, de membres de la société civile et d’autres parties prenantes au processus de décolonisation, qui pourraient l’aider à déterminer les politiques et les modalités pratiques susceptibles d’être retenues dans le processus de décolonisation des Nations Unies. Les débats prévus dans le cadre du séminaire permettront au Comité spécial d’analyser et d’évaluer, de façon réaliste et au cas par cas, la situation dans les territoires non autonomes ainsi que les moyens par lesquels le système des Nations Unies et l’ensemble de la communauté internationale pourraient améliorer les programmes d’assistance aux territoires. Ainsi les contributions des participants serviront de base aux débats que le Comité spécial tiendra à sa session de fond, qui aura lieu à New York en juin 2015, en vue de soumettre à l’Assemblée générale des propositions concernant la réalisation des objectifs de la troisième Décennie internationale de l’élimination du colonialisme.
Le thème proposé pour ce séminaire avec l’ordre du jour correspondant est : « la mise en œuvre de la troisième Décennie internationale de l’élimination du colonialisme: les 70 ans de l’Organisation des Nations Unies: bilan du programme de décolonisation».
En tant qu’acteur et observateur de la vie politique et institutionnelle de la Nouvelle Calédonie depuis ces trente dernières années, je vais m’en tenir au chapitre IV en chiffre romain, paragraphe 2, petit a, du document de l’assemblée générale précité c’est-à-dire le point de vue d’un responsable politique originaire des « territoires non autonomes de la région du pacifique » et plus particulièrement de la Nouvelle Calédonie, exerçant les fonctions de membre de l’assemblée délibérante depuis 1989, mais ayant aussi été président de cette institution entre 2011 et 2014 de même que vice-président et président de notre mouvement de libération, le Front de libération nationale kanak et socialiste ,le FLNKS entre 1990 et 2001. Ce fut d’ailleurs en tant que président du FLNKS que je signai l’accord de Nouméa en 1998, un accord tripartite entre le gouvernement français, la représentation locale des non indépendantistes et le FLNKS représentant le peuple kanak colonisé à majorité indépendantiste. Je ne doute pas que mes propos pourraient susciter la réflexion pour les territoires non autonomes des Caraïbes et des autres régions. Le point de vue critique que je vais soumettre aux débats du séminaire portera essentiellement sur le chapitre IV en chiffre romain, paragraphe 1, point petit a,b,c et d. du document de l’assemblée générale précité précisant notamment le rôle de la puissance administrante française dans la mise en œuvre des principes et recommandations des Nations Unies concernant la décolonisation du territoire non autonome de la Nouvelle Calédonie dans le cadre de la troisième décennie internationale de l’élimination du colonialisme, 2011-2020. Je vais me concentrer plus particulièrement sur le rôle de la France, puissance administrante dans le processus de décolonisation de la Nouvelle Calédonie. Je n’aborderai pas la construction de l’autonomie du pays, déjà développée par le vice-président du gouvernement de la Nouvelle Calédonie hier après-midi. De même je laisserai le soin à Michaël Forrest de préciser dans la discussion la part du FLNKS dans l’avancée de l’autonomie du pays.
Bref rappel historique
La Nouvelle Calédonie est réinscrite sur la liste des territoires non autonomes de l’ONU depuis 1986. En 1988 ont été signés avec la puissance administrante et les forces non indépendantistes locales, les accords dits de Matignon et Oudinot. En 1998 est signé l’accord de Nouméa pour une période courant de 1999 à 2014 année d’un possible déclenchement du référendum d’autodétermination, sous réserve que le Congrés, assemblée délibérante du pays, à l’issue des élections générales de mai 2014 le décide à une majorité des 3/5ième des conseillers soit 33 sur 54 membres de l’assemblée. Comme ce ne fut pas le cas, l’Etat Français est tenu d’organiser le référendum d’autodétermination dénommé consultation référendaire dans l’accord de Nouméa en 2018. Si le résultat est négatif, un second référendum aura lieu en 2020 et un troisième en 2022.
Dans la suite de longues et difficiles luttes de revendication jalonnant l’histoire du peuple kanak depuis la prise de possession par la France en 1853, l’accord de Nouméa en 1998 a fixé le calendrier dans lequel les mesures de rééquilibrage, maitre mots des accords politiques de 1988 et 1998, allaient être finalisées pour donner corps au processus de décolonisation et d’émancipation devant déboucher sur l’acte d’autodétermination. La période 2018-2022 doit en principe voir le pays accéder par référendum à son indépendance après une longue période de maturité depuis le premier accord politique dit de Nainvilles les roches en 1983. On peut constater d’ailleurs que le calendrier de ce processus cadre parfaitement avec celui de la troisième décennie pour l’éradication du colonialisme fixé par les Nations Unies : 2011-2020.
La puissance administrante dans le processus de décolonisation
Il est donc intéressant et utile d’analyser la politique de la puissance administrante française en Nouvelle Calédonie dans le cadre de ces deux schémas qui s’imposent à elle. D’une part dans la mise en œuvre de la troisième décennie de l’éradication du colonialisme en tant que puissance souveraine administrant le territoire non autonome de la Nouvelle Calédonie et notamment le chapitre IV, paragraphe 1 points petit a,b,c et d de l’ordre du jour (acte authentique d’autodétermination en toute liberté, information sur les statuts politiques à venir, initiative politique devant être à l’abri de toute intimidation et sans ingérence extérieure, campagne d’information politique adaptée et impartiale à mener). D’autre part pour le second schéma, dans le rôle de la puissance administrante au niveau de la mise en application des dispositions de l’accord de Nouméa et notamment la préparation de l’acte d’autodétermination de 2018. Il convient de rappeler d’ailleurs que la France est signataire de cet accord qui relève aussi bien de sa politique interne, qu’externe puisque la Nouvelle Calédonie fait partie de la liste ONU des territoires non autonomes et qu’une des dispositions de cet accord précise que le processus d’émancipation sera porté à la connaissance de l’ONU.
Il convient ainsi de considérer dans quelle mesure la puissance administrante respecte ses engagements nationaux et internationaux en ce qui concerne le processus de décolonisation de la Nouvelle Calédonie. Prépare-t-elle ce Territoire non autonome à sa décolonisation et à un acte d’autodétermination pleinement libre, transparent et donc acceptable ou met-elle en place toutes les conditions pour que ce Territoire non autonome demeure au sein de son ensemble ultramarin au nom des intérêts supérieurs de la nation et de sa place dans le monde ? Joue-t-elle franc jeu dans la mise en œuvre du processus de décolonisation et d’émancipation ou pose-t-elle des obstacles permanents freinant ce processus ?
Les Obstacles et freins au processus de décolonisation ou : Ligne rouge de l’indépendance interdite
Il s’agit là de questions tout à fait légitimes que peut se poser tout militant de la cause indépendantiste lorsque l’on entend les discours des plus hauts responsables politiques français ou que l’on constate les systèmes mis en place pour contrer les velléités d’indépendance de certains peuples colonisés. Car il faut bien constater une chose rappelée dans les interventions d’hier et notamment celle de Serguei, Cherniasky, notant qu’ avec la situation internationale qui s’est détériorée entrainant le chaos dans les relations internationales, ajouter à cela la montée du terrorisme depuis le 11 septembre 2001, la mentalité coloniale des anciennes puissances a ressurgie sous des formes plus ou moins rampantes, pour continuer à conforter leur domination coloniale. Et cela complique le travail du C24 et impacte les territoires non autonomes dans leur lutte d’émancipation. La Nouvelle Calédonie n’échappe pas à cette nouvelle donne.
S’agissant ainsi des territoires ultramarins français, le Président français François Hollande lors de sa tournée des « dernières colonies » françaises avait une constante dans ses discours : «La France est présente de partout dans le monde, un pays où le soleil ne se couche jamais, la France est un pays d’Océanie, de l’Océan indien, de l’Amérique, de l’Atlantique, des Caraïbes ». Mais dans l’Océan pacifique, la France a refusé que la Polynésie Française soit sur la liste des pays à décoloniser, dans l’Océan indien la partition des Comores a été réalisée avec une occupation de Mayotte jugée illégale au regard du droit international. Dans l’Océan atlantique et les Caraïbes les « veilles colonies » restent département français à statut inchangé, il n’y a pas de consultation sur une possible indépendance mais les transferts de population vers la France métropolitaine sont importantes. Parfois sous couvert de démocratie, nous pouvons déceler des manœuvres d’un Etat tentant d’assurer sa domination tout en faisant bonne figure devant la communauté internationale.
Les responsables indépendantistes que nous sommes avons quoi d’être inquiets au vu de cette situation en outre-mer français et eu égard aux déclarations de certains responsables politiques français de haut niveau à l’instar du président François Hollande lors de son dernier voyage en Nouvelle Calédonie en novembre 2014 affirmant dans son discours au centre Culturel Tjibaou que les intérêts supérieurs de la France se situent aussi dans le pacifique.
La question qui se pose alors est de savoir si la France peut défendre seule ses intérêts dans le pacifique ou a-t-elle besoin nécessairement de ses trois territoires ultramarins dont la Nouvelle Calédonie et la Polynésie Française inscrits tout deux sur la liste ONU des territoires non autonomes et de Wallis et Futuna collectivité française du pacifique non-inscrite sur la liste ONU ? La réponse est donnée par la politique française menée à l’heure actuelle, c’est à dire se servir de ses territoires ultramarins du pacifique comme cheval de Troie ou de « faire valoir » de sa présence dans cette zone Asie-Pacifique que le président américain Barak OBAMA qualifiait récemment de « nouveau centre de la croissance mondiale ». Cela sans compter par ailleurs ce que les superficies de ces trois territoires peuvent apporter à la puissance administrante en terme de superficie de la zone économique exclusive, la portant tout simplement au second rang de puissance maritime mondiale. Quel pays puissant dans le monde actuel refuserait ou ferait la fine bouche devant une telle aubaine de disposer de territoires sous forme de porte-avions dans une zone passée de zone oubliée à zone de la croissance mondiale.
a)- Les moyens mis en œuvre pour freiner le processus de décolonisation : moyens sentimentaux
L’histoire des décolonisations nous a appris en conséquence que lorsqu’un Etat colonisateur souhaite absolument garder des territoires colonisés au nom de ses intérêts supérieurs, il décrète l’indépendance comme ligne rouge interdite et il y met les moyens. Il tente tout d’abord d’amadouer le peuple en le prenant par les sentiments : la France nourricière, patrie des droits de l’homme, la mère patrie protectrice de ses enfants dans un monde de plus en plus difficile et cruel, la France porteuse des valeurs républicaines qui éclairent les peuples, la France attachée définitivement à ses territoires par des liens de sang, celui versé par les soldats kanak sur les fronts européens durant les deux conflits mondiaux. La grande guerre de 14-18 est souvent rappelée en cette année du centenaire. Cette guerre qui a vu plus de 1000 soldats kanak combattre en France ou dans les Dardanelles, 380 ne sont jamais revenus. Même scénario durant la seconde guerre mondiale de 39-45. Encore le même scénario en ce moment ou des centaines de jeunes kanak sont engagés sur les théâtres d’opérations extérieures où se trouvent impliquées les forces armées françaises : Liban, Afrique, Bosnie, Kosovo,Afghanistan, certains y ont aussi laissés leur vie.
b)-Moyens technique, financier.
A côté de ces moyens sentimentaux, la puissance administrante agit sur le registre technique et financier pour rendre ces territoires complétement dépendants des subsides métropolitains et européens. Une masse d’argent est transférée par l’Etat pour la prise en charge des compétences de souveraineté, avec le paiement des salaires des fonctionnaires d’Etat qui sont pratiquement doublés par rapport au salaire de la métropole. Par ailleurs l’aide à certains secteurs dont le logement social et autres investissement productifs au pays via des fonds métropolitains défiscalisés vient gonfler exagérément ces transferts. Cela donne une conséquence pouvant se résumer ainsi : trop d’argent, mal réparti (25% de la population vit au-dessous du seuil de pauvreté) et in fine un pays où tout est chère, vivant sous perfusion permanente devenant pratiquement incapable d’assurer son autonomie financière sans l’aide de la puissance administrante, à moins de réformes drastiques dont a parlé le vice-président du gouvernement hier.
c)- moyens inavouables
Enfin l’utilisation des moyens inavouables sur lesquels toute une littérature existe, je veux parler des manœuvres de déstabilisation et de l’immigration ou la transmigration de ses ressortissants nationaux vers les territoires ultramarins fussent-ils ou non sur la liste des pays à décoloniser.
Manœuvre, déstabilisation
Les peuples qui ont été colonisés et ceux qui demeurent encore sous tutelle coloniale connaissent bien ou ont appris à les connaitre ces manœuvres de déstabilisation mettant en œuvre un principe vieux comme le monde du : « diviser pour régner ». L’ouvrage de stratégie militaire « l’art de la guerre » du chinois « Sun TZU » ou de son vrai nom « SUN UN au 6ième siècle avant JC en parlait déjà. Les instruments de domination coloniale sont ainsi identifiés : déstabilisation, tension, et la peur. Cette peur que présentait hier dans son exposé Mr Daniel Manfred Malcolm en parlant d’elle comme l’ennemie implacable des leaders anti colonialistes et des peuples colonisés.
Le FLNKS, notre mouvement de libération nationale, le peuple kanak, ainsi que tous ses alliés indépendantistes, de même d’ailleurs que les non indépendantistes subissent et doivent faire face, depuis des décennies, à ces types de stratégies en Nouvelle Calédonie. Récemment encore le mouvement indépendantiste a subi des tentatives de division qui ne sont que des manœuvres supplémentaires parmi toutes celles déjà subies en plus des assassinats de leurs leaders. En effet, combien de nos leaders ont été assassinés pour que le processus de décolonisation soit enrayé et que notre pays n’accède jamais l’indépendance ? Combien de nos leaders ont été sujets à des éliminations politiques, des pressions et des tentatives de retournement et de corruption
Nous sommes parfaitement conscients que ces stratégies existent et nous savons identifier les commanditaires derrière les petites mains à la manœuvre ou au-delà des propos lénifiant de certains responsables affirmant que l’Etat est un arbitre impartial et équidistant et qu’in fine ce seront les calédoniens qui décideront de leur destin par référendum. Les partis de droite s’y mettent aussi en cherchant à faire croire que l’Etat « dit socialiste » comme ils le prétendent est pour l’indépendance, alors que tous ne servent qu’un seul et même objectif : maintenir la ligne rouge de l’indépendance interdite.
L’immigration
L’autre moyen de défendre les intérêts supérieurs de la nation est par le moyen démocratique, un homme, une voix et si la balance est en faveur du peuple colonisé, quoi de plus simple que de faire venir du monde de France et leur donner le droit de vote. L’histoire de la Nouvelle Calédonie est une longue histoire de flux de migrations organisés par la puissance administrante. Ce flux en provenance de la Métropole s’est accéléré avec l’irruption des kanak sur la scène politique locale entre 1953 et 1956 au moment où ils obtenaient le droit de vote et donc à terme de pouvoir s’autodéterminer librement. A l’indépendance de l’Algérie en 1962, le général De Gaulle ne sachant quoi en faire du million de réfugiés français a facilité leur installation en Guyane et en Nouvelle Calédonie où disait-il n’y avait rien et que tout était à faire. Ainsi toute initiative est bonne et justifiée pour favoriser l’implantation de populations extérieures afin de noyer le peuple kanak démographiquement et d’empêcher l’indépendance du pays. Dans ce contexte, la « démocratie », entre autres, par le vote devient une arme mortelle contre le peuple colonisé.
Les stratégies de colonie de peuplement et de partition de pays sont ainsi bien connues car elles ont été expérimentées en Algérie dans les années cinquante et au Vanuatu (ex Nouvelles Hébrides) à la fin des années soixante-dix. Elles ont échouées dans ces deux ex colonies. En revanche, elles ont réussi aux îles Comores avec l’île de Mayotte et le contentieux avec la France est toujours en cours. Ainsi, on peut se demander si en Nouvelle-Calédonie, en plus de la colonie de peuplement, la partition, malgré son interdiction dans l’Accord de Nouméa, n’est pas un « plan bis » au travers des projets de « fédéralisme interne ».
A partir de la situation actuelle on peut faire l’hypothèse d’un montage en cours par le biais de manœuvres de division entre la « province Nord » et la « province Sud ». Une des manœuvres étant, à l’aube de la fin de l’Accord de Nouméa, de provoquer des conflits, des confrontations violentes. A titre de rappel, un des scénarios prévu par Alain Christnacht, l’un des négociateurs de l’Etat français au moment des discussions en 1998 était, dans ce cas, la reprise en main par l’Etat. A l’approche de la sortie de l’accord de Nouméa des tentatives de déstabilisation ne sont pas à exclure en Nouvelle Calédonie. Ce serait des remakes comme cela s’est passé aux Comores, avec le barbouzard français Bob Denard pour favoriser la partition de ce nouveau territoire indépendant. Ou encore la mission de la DGSE (service secret français) en opération commanditée par le ministre de la défense Eugène Hernu en 1985, aboutissant à l’explosion du Rainbow Warrior en Nouvelle Zélande, navire amiral de l’organisation écologiste Green Peace prêt à appareiller pour l’atoll de Mururoa afin de protester contre les essais nucléaires français.
c)-Modèle de la France Afrique
Par ailleurs dans le cadre de la préparation du référendum d’autodétermination qui doit se tenir à partir de 2018, la puissance administrante, suivant en cela les principes de l’ONU et les dispositions de l’accord de Nouméa, prépare la question qui sera posée à la population. Cette question portera sur le transfert des compétences régaliennes (ordre public et sécurité, justice, monnaie et crédit, relations extérieures et défense, la citoyenneté et la nationalité). Pour cela, en fonction d’une décision prise par le comité des signataires de l’accord de Nouméa en octobre 2014 à Paris, la puissance administrative organise des comités de pilotage thématiques en Nouvelle Calédonie. Dans ce cadre, les indépendantistes ont souhaité que des experts des Nations Unies puissent venir aider à la réflexion sur l’exercice de ces compétences dites régaliennes.
A ce stade, nous ne recevons que des missionnaires français qui nous orientent vers la mise en place d’un système calqué sur le modèle de celui de la Françafrique. Pour seul exemple, je citerai la proposition des missionnaires de l’Etat durant le Comité de pilotage « Monnaie et crédit » retenant parmi 4 options de monnaie nationale, leur option préférentielle du système du Franc CFA. Faut-il rappeler que beaucoup d’experts et spécialistes de l’Afrique dénonce ce système et l’accuse d’être responsable de l’appauvrissement de l’Afrique. Comment la puissance administrante peut-elle prétendre être équidistante alors qu’elle souhaite garder la mainmise sur les compétences régaliennes en instaurant un système de type Françafrique organisant des faux transferts ou des compétences soit disant partagées. Ce système aboutit dans tous les cas à de fausses indépendances. Le projet défendu par les indépendantistes est celui d’un pays totalement indépendant et souverain qui se construira en interdépendance dans sa région Asie pacifique, au moyen d’outils créés à cette effet comme le Groupe du Fer de Lance Mélanésien. Nous avons par ailleurs de jeunes kanak et calédoniens diplômés, des spécialistes expérimentés, qui réfléchissent à ces questions et sont loin de favoriser un système du copier-coller qui a montré ses limites.
d)-Le droit de vote, les critères et les listes électorales
Il s’agit d’un problème fondamental puisque certains parlent de la bataille sur le corps électoral comme la mère des batailles, permettant l’exercice du droit à l’autodétermination des peuples colonisés. Les puissances coloniales ont joué et rejoué sur cette problématique au gré de leurs intérêts. En Nouvelle Calédonie il s’agit d’un problème récurrent depuis que le droit de vote a été accordé au peuple colonisé en 1953. Les différents accords politiques de 1983, 1988 et 1998 ont buté sur cette question du corps électoral qui a d’ailleurs été une des causes de l’assassinat de Jean Marie Tjibaou. A l’approche du référendum d’autodétermination de 2018, cette question n’a pas manqué de ressurgir avec les mêmes manœuvres servies et resservies depuis 60 ans. D’où les démarches effectuées par le FLNKS auprès du C24 depuis le séminaire régional de 2013 en Equateur dans l’objectif d’informer le comité sur l’évolution de la situation. C’est d’ailleurs sur cette problématique que les membres du comité ont effectué la mission de visite en Nouvelle Calédonie dans le courant du mois de mars 2014. Ce dossier divise la Nouvelle Calédonie à l’approche de la sortie de l’accord de Nouméa et il nous semble encore une fois que la puissance administrante, compétente en droit électoral, se déresponsabilise en renvoyant l’issue des problèmes à l’appareil judiciaire ou à une solution politique consensuelle, à charge aux indépendantistes et non indépendantistes de la trouver entre eux.
C’est ainsi que suite au comité des signataires d’octobre 2014 à Paris, il a été décidé d’opérer une modification de la loi organique de1999 devant porter sur la composition des commissions administratives spéciales chargées de l’établissement et de la révision des listes électorales spéciales pour les élections provinciales et pour la consultation sur l’accession du pays à la pleine souveraineté, ainsi que sur la consultation elle-même. Après l’examen de l’avant-projet par le Congrès et suite à un rejet du texte par la majorité non indépendantiste, il a été décidé de tenir un comité des signataires extraordinaire à Paris le 5 juin prochain pour tenter de trouver un compromis politique. Le nœud du problème réside dans l’inscription sur la liste référendaire de tous les natifs de Nouvelle Calédonie en plus des kanak de statut coutumier et des personnes ayant participé au référendum de ratification de l’accord de Nouméa en 1998 qui seraient inscrits d’office. Les non indépendantistes souhaitent inscrire tous les natifs, pour sa part, le FLNKS souhaite s’en tenir qu’aux deux catégories de personnes citées : celles de statut coutumier et celles de la liste référendaire de ratification de 1998.
Le Congrès de la Nouvelle-Calédonie, dont les élus sont majoritairement non-indépendantistes, a émis un avis défavorable sur cette proposition de modification de la loi organique.
Au cœur de cet avis défavorable se trouvent deux points clef pour les non-indépendantistes, à savoir les inscriptions automatiques sur la liste spéciale pour la consultation sur l’accession du pays à la pleine souveraineté, et la demande de modification de l’article 188 de la loi organique qui définit le corps électoral pour les élections provinciales, base de la notion de citoyenneté calédonienne.
Le projet de modification de la loi organique en l’état actuel ne prévoit que l’inscription automatique sur la liste électorale pour la consultation des électeurs de statut civil coutumier, qui sont donc tous kanak, et celle des électeurs ayant participé à la consultation du 8 novembre 1998 approuvant l’Accord de Nouméa. Les autres catégories d’électeurs doivent faire une démarche individuelle pour être inscrits sur cette liste et peuvent voter s’ils remplissent les conditions requises à l’article 218 de la loi organique.
Comme rappelé ci-dessus, les partis non-indépendantistes réclament l’inscription automatique de tous les natifs de Nouvelle-Calédonie. Le Groupe UC-FLNKS et Nationalistes s’oppose à cette demande car l’inscription automatique de tous les natifs reviendrait à inscrire automatiquement pour cette consultation d’autodétermination toutes les personnes issues de la colonie de peuplement. Rappelons que l’Etat français a fait de la Nouvelle-Calédonie une colonie de peuplement dans le but de rendre les Kanak minoritaires dans leur propre pays. Rappelons aussi que le peuple kanak, seul peuple autochtone et colonisé de Nouvelle-Calédonie, réclame un référendum d’autodétermination depuis qu’il revendique l’indépendance, c’est-à-dire depuis 40ans. A cette date le peuple kanak n’était pas encore complètement submergé par l’immigration en provenance essentiellement de la Métropole.
Accepter aujourd’hui l’automaticité sans garde fous, équivaut à se jeter dans un piège de plus afin de rendre « démocratiquement » les Kanak minoritaires, l’automaticité ayant pour but, entre autre de masquer les fraudes d’inscriptions sur les listes électorales et ce dans la droite ligne des fraudes lors de l’établissement et de la révision des listes électorales provinciales, que nous avons dénoncé devant les instances de l’ONU à plusieurs reprises., L’alibi de l’automaticité justifié par le fait que le temps presse n’est pas acceptable car c’est une manœuvre voulue alors même que ces listes se devaient d’être mises en route dès la signature de l’Accord de Nouméa en 1998 il y a 17 ans !
Profitant de la venue sur le territoire d’une mission de l’Assemblée nationale menée par son président Claude Bartolone, les partis politiques non-indépendantistes ont manifesté devant le Haut-commissariat de la République française en Nouvelle-Calédonie, le vendredi 24 avril 2015, pour « réaffirmer leur volonté de rester français, dire « non à l’indépendance » » et exiger l’inscription automatique de tous les natifs sur la liste spéciale pour la consultation. Suite à cette manifestation, le gouvernement français a proposé la tenue d’un Comité des signataires extraordinaire le 5 mai 2015 à Paris dont l’ordre du jour porterait uniquement sur l’inscription automatique des natifs.
Dans plusieurs communiqués (datés du 22 et 27 avril et du 5 mai) que nous avons également transmis au secrétariat du comité, notre groupe politique a donné ses positions sur la question de l’inscription automatique et sur le Comité des signataires extraordinaire. Ses positions politiques sont celles que nous avons précédemment exprimées lors des commissions et de la séance publique du Congrès sur le projet de modification de la loi organique, en mars dernier.
Sur l’inscription automatique pour la consultation sur l’accession du pays à la pleine souveraineté : le Groupe UC-FLNKS et Nationalistes souhaite que, seules les personnes ayant ou ayant eu le statut coutumier, de même que les électeurs ayant participé à la consultation du 8 novembre 1998 approuvant l’Accord de Nouméa, puissent être inscrits automatiquement. Nous considérons en effet qu’il existe un contentieux et des fraudes sur la composition actuelle de la liste spéciale des élections provinciales et que, de ce fait, l’inscription automatique de tous les natifs n’est pas envisageable, et que celle des natifs, sur la base de leur inscription sur la liste spéciale pour les élections provinciales, est hautement problématique du fait du contentieux susmentionné. Notre position est simplement d’exiger le respect et l’application des critères des corps électoraux pour l’établissement des listes électorales spéciales, par tous les partenaires de l’Accord de Nouméa, y compris l’Etat qui de son côté doit s’engager à définir le périmètre de ce qu’on désigne par centre des intérêts matériels et moraux désigné par CIMM
Nous affirmons ne pas être opposés au principe d’un Comité des signataires extraordinaire, à condition que l’ordre du jour porte également sur l’établissement sincère (c’est-à-dire le « toilettage ») de la liste spéciale pour les élections provinciales et, de plus, nous avons demandé au représentant de l’Etat en Nouvelle-Calédonie qu’il soit de même traité de l’implication du Comité de décolonisation de l’ONU dans l’organisation de la consultation sur l’accession du pays à la pleine souveraineté. Nous avons souligné au de l’Etat que notre participation au Comité des signataires extraordinaire aura pour but de réaffirmer et faire valoir nos positions. De plus, nous renvoyons l’Etat face à ses propres responsabilités qui ont abouties aux dérives que nous subissons et qui opposent actuellement les Calédoniens sur ces questions. N’oublions pas que l’Etat seul est souverain s’agissant des élections et de la législation régissant l’établissement des listes électorales.
L’histoire des décolonisations a montré la nécessaire vigilance dont nous devons faire preuve lorsqu’on voit ce dont a été capable le système colonial par rapport au droit de vote et aux élections : exclusion des indigènes du droit de vote, double collège, colonie de peuplement, vrais faux référendum coloniaux, trucage des listes, etc. C’est avec tout cela en tête que le mouvement indépendantiste ira défendre ses positions à Paris.
Tout ce qui s’est passé autour de la question des listes électorales et de la loi organique n’est qu’une preuve de plus que seul l’Etat est réellement décideur lorsqu’il est question d’enjeux aussi cruciaux pour l’avenir de notre pays. En effet, il est difficile de comprendre qu'au 21ème siècle des hommes et des femmes, citoyens de leur pays, par rapport à leur avenir institutionnel, ne possèdent que le pouvoir de donner un avis sur des textes non préparés par eux et dont la décision va, une fois de plus, dépendre de parlementaires, qui ne sont pas citoyens de la Nouvelle-Calédonie, ne vivent pas ici, et ne connaissent pas notre pays. Cela porte le nom de « colonisation » et ce mode de gouvernance facilite les fraudes et multiplie les obstacles sur le processus de décolonisation.
Conclusion
A l’issue de cette analyse, j’ai tenté de démontrer qu’au-delà du vernis démocratique se cachent des pratiques expérimentées de tout temps par les puissances coloniales pour assurer leur domination au nom des intérêts supérieurs de leurs nations respectives. Notre puissance coloniale ou puissance administrante, la France, n’échappe pas à ces genres de pratiques, comme s’il s’agit d’une malédiction qui frappe ces grandes puissances vis-à-vis des peuples qu’elles ont colonisés. Il y a en cela quelque chose d’effrayant ! Mais restons optimistes car peut-être un jour des chercheurs trouveront la solution à l’instar du grand économiste français Thomas Piketty qui vient de révolutionner la compréhension de l’inégalité en démontrant dans son dernier ouvrage « le Capital au XXIème siècle » que : « l’évolution historique de l’accumulation du capital conduisait à l’enrichissement exagéré de ceux qui sont déjà riches ». Paradoxalement la London School of économics, l’école de l’establishment du capitalisme mondial vient de l’accueillir comme professeur à mi-temps !
Que faire alors Monsieur le président pour fermer définitivement cette parenthèse de l’histoire qu’est le colonialisme? Changer l’attitude de ces grandes puissances ou les mécanismes qui conduisent à de telles attitudes est horriblement difficile, il nous reste alors l’ONU et comme le disait le représentant de l’Algérie hier, l’ONU demeure le seul refuge pour les peuples colonisés. Nous partageons donc entièrement les propositions qui ont été faites depuis hier et en ce qui nous concerne, la mise en œuvre des recommandations de la mission de visite du C24 l’an dernier en Nouvelle Calédonie. Ces recommandations doivent constituer notre feuille de route. Il conviendra de pérenniser ces visites dans les territoires autonomes afin de sensibiliser les populations sur les possibilités offertes par l’ONU et les aider à exorciser cette peur entretenue à petit feu par les forces coloniales. Par ailleurs l’idée de mette en place un sous-comité par territoire est nécessaire à plus d’un titre. De même l’envoi d’experts de l’ONU et une grande implication du C24 pour aider la Nouvelle Calédonie à réfléchir sur le transfert des compétences régaliennes dans le cadre de la préparation du référendum, nous semble capital dans le processus de décolonisation en cours. Bien évidemment un dialogue permanent et constructif avec la puissance administrante reste un passage obligé. Je vous remercie.
Comme l’indique le document A/AC.109/2015/17 de l’Assemblée générale de février 2015, ce séminaire a pour objet de permettre au Comité spécial de recueillir les points de vue des représentants des territoires non autonomes, d’experts, de membres de la société civile et d’autres parties prenantes au processus de décolonisation, qui pourraient l’aider à déterminer les politiques et les modalités pratiques susceptibles d’être retenues dans le processus de décolonisation des Nations Unies. Les débats prévus dans le cadre du séminaire permettront au Comité spécial d’analyser et d’évaluer, de façon réaliste et au cas par cas, la situation dans les territoires non autonomes ainsi que les moyens par lesquels le système des Nations Unies et l’ensemble de la communauté internationale pourraient améliorer les programmes d’assistance aux territoires. Ainsi les contributions des participants serviront de base aux débats que le Comité spécial tiendra à sa session de fond, qui aura lieu à New York en juin 2015, en vue de soumettre à l’Assemblée générale des propositions concernant la réalisation des objectifs de la troisième Décennie internationale de l’élimination du colonialisme.
Le thème proposé pour ce séminaire avec l’ordre du jour correspondant est : « la mise en œuvre de la troisième Décennie internationale de l’élimination du colonialisme: les 70 ans de l’Organisation des Nations Unies: bilan du programme de décolonisation».
En tant qu’acteur et observateur de la vie politique et institutionnelle de la Nouvelle Calédonie depuis ces trente dernières années, je vais m’en tenir au chapitre IV en chiffre romain, paragraphe 2, petit a, du document de l’assemblée générale précité c’est-à-dire le point de vue d’un responsable politique originaire des « territoires non autonomes de la région du pacifique » et plus particulièrement de la Nouvelle Calédonie, exerçant les fonctions de membre de l’assemblée délibérante depuis 1989, mais ayant aussi été président de cette institution entre 2011 et 2014 de même que vice-président et président de notre mouvement de libération, le Front de libération nationale kanak et socialiste ,le FLNKS entre 1990 et 2001. Ce fut d’ailleurs en tant que président du FLNKS que je signai l’accord de Nouméa en 1998, un accord tripartite entre le gouvernement français, la représentation locale des non indépendantistes et le FLNKS représentant le peuple kanak colonisé à majorité indépendantiste. Je ne doute pas que mes propos pourraient susciter la réflexion pour les territoires non autonomes des Caraïbes et des autres régions. Le point de vue critique que je vais soumettre aux débats du séminaire portera essentiellement sur le chapitre IV en chiffre romain, paragraphe 1, point petit a,b,c et d. du document de l’assemblée générale précité précisant notamment le rôle de la puissance administrante française dans la mise en œuvre des principes et recommandations des Nations Unies concernant la décolonisation du territoire non autonome de la Nouvelle Calédonie dans le cadre de la troisième décennie internationale de l’élimination du colonialisme, 2011-2020. Je vais me concentrer plus particulièrement sur le rôle de la France, puissance administrante dans le processus de décolonisation de la Nouvelle Calédonie. Je n’aborderai pas la construction de l’autonomie du pays, déjà développée par le vice-président du gouvernement de la Nouvelle Calédonie hier après-midi. De même je laisserai le soin à Michaël Forrest de préciser dans la discussion la part du FLNKS dans l’avancée de l’autonomie du pays.
Bref rappel historique
La Nouvelle Calédonie est réinscrite sur la liste des territoires non autonomes de l’ONU depuis 1986. En 1988 ont été signés avec la puissance administrante et les forces non indépendantistes locales, les accords dits de Matignon et Oudinot. En 1998 est signé l’accord de Nouméa pour une période courant de 1999 à 2014 année d’un possible déclenchement du référendum d’autodétermination, sous réserve que le Congrés, assemblée délibérante du pays, à l’issue des élections générales de mai 2014 le décide à une majorité des 3/5ième des conseillers soit 33 sur 54 membres de l’assemblée. Comme ce ne fut pas le cas, l’Etat Français est tenu d’organiser le référendum d’autodétermination dénommé consultation référendaire dans l’accord de Nouméa en 2018. Si le résultat est négatif, un second référendum aura lieu en 2020 et un troisième en 2022.
Dans la suite de longues et difficiles luttes de revendication jalonnant l’histoire du peuple kanak depuis la prise de possession par la France en 1853, l’accord de Nouméa en 1998 a fixé le calendrier dans lequel les mesures de rééquilibrage, maitre mots des accords politiques de 1988 et 1998, allaient être finalisées pour donner corps au processus de décolonisation et d’émancipation devant déboucher sur l’acte d’autodétermination. La période 2018-2022 doit en principe voir le pays accéder par référendum à son indépendance après une longue période de maturité depuis le premier accord politique dit de Nainvilles les roches en 1983. On peut constater d’ailleurs que le calendrier de ce processus cadre parfaitement avec celui de la troisième décennie pour l’éradication du colonialisme fixé par les Nations Unies : 2011-2020.
La puissance administrante dans le processus de décolonisation
Il est donc intéressant et utile d’analyser la politique de la puissance administrante française en Nouvelle Calédonie dans le cadre de ces deux schémas qui s’imposent à elle. D’une part dans la mise en œuvre de la troisième décennie de l’éradication du colonialisme en tant que puissance souveraine administrant le territoire non autonome de la Nouvelle Calédonie et notamment le chapitre IV, paragraphe 1 points petit a,b,c et d de l’ordre du jour (acte authentique d’autodétermination en toute liberté, information sur les statuts politiques à venir, initiative politique devant être à l’abri de toute intimidation et sans ingérence extérieure, campagne d’information politique adaptée et impartiale à mener). D’autre part pour le second schéma, dans le rôle de la puissance administrante au niveau de la mise en application des dispositions de l’accord de Nouméa et notamment la préparation de l’acte d’autodétermination de 2018. Il convient de rappeler d’ailleurs que la France est signataire de cet accord qui relève aussi bien de sa politique interne, qu’externe puisque la Nouvelle Calédonie fait partie de la liste ONU des territoires non autonomes et qu’une des dispositions de cet accord précise que le processus d’émancipation sera porté à la connaissance de l’ONU.
Il convient ainsi de considérer dans quelle mesure la puissance administrante respecte ses engagements nationaux et internationaux en ce qui concerne le processus de décolonisation de la Nouvelle Calédonie. Prépare-t-elle ce Territoire non autonome à sa décolonisation et à un acte d’autodétermination pleinement libre, transparent et donc acceptable ou met-elle en place toutes les conditions pour que ce Territoire non autonome demeure au sein de son ensemble ultramarin au nom des intérêts supérieurs de la nation et de sa place dans le monde ? Joue-t-elle franc jeu dans la mise en œuvre du processus de décolonisation et d’émancipation ou pose-t-elle des obstacles permanents freinant ce processus ?
Les Obstacles et freins au processus de décolonisation ou : Ligne rouge de l’indépendance interdite
Il s’agit là de questions tout à fait légitimes que peut se poser tout militant de la cause indépendantiste lorsque l’on entend les discours des plus hauts responsables politiques français ou que l’on constate les systèmes mis en place pour contrer les velléités d’indépendance de certains peuples colonisés. Car il faut bien constater une chose rappelée dans les interventions d’hier et notamment celle de Serguei, Cherniasky, notant qu’ avec la situation internationale qui s’est détériorée entrainant le chaos dans les relations internationales, ajouter à cela la montée du terrorisme depuis le 11 septembre 2001, la mentalité coloniale des anciennes puissances a ressurgie sous des formes plus ou moins rampantes, pour continuer à conforter leur domination coloniale. Et cela complique le travail du C24 et impacte les territoires non autonomes dans leur lutte d’émancipation. La Nouvelle Calédonie n’échappe pas à cette nouvelle donne.
S’agissant ainsi des territoires ultramarins français, le Président français François Hollande lors de sa tournée des « dernières colonies » françaises avait une constante dans ses discours : «La France est présente de partout dans le monde, un pays où le soleil ne se couche jamais, la France est un pays d’Océanie, de l’Océan indien, de l’Amérique, de l’Atlantique, des Caraïbes ». Mais dans l’Océan pacifique, la France a refusé que la Polynésie Française soit sur la liste des pays à décoloniser, dans l’Océan indien la partition des Comores a été réalisée avec une occupation de Mayotte jugée illégale au regard du droit international. Dans l’Océan atlantique et les Caraïbes les « veilles colonies » restent département français à statut inchangé, il n’y a pas de consultation sur une possible indépendance mais les transferts de population vers la France métropolitaine sont importantes. Parfois sous couvert de démocratie, nous pouvons déceler des manœuvres d’un Etat tentant d’assurer sa domination tout en faisant bonne figure devant la communauté internationale.
Les responsables indépendantistes que nous sommes avons quoi d’être inquiets au vu de cette situation en outre-mer français et eu égard aux déclarations de certains responsables politiques français de haut niveau à l’instar du président François Hollande lors de son dernier voyage en Nouvelle Calédonie en novembre 2014 affirmant dans son discours au centre Culturel Tjibaou que les intérêts supérieurs de la France se situent aussi dans le pacifique.
La question qui se pose alors est de savoir si la France peut défendre seule ses intérêts dans le pacifique ou a-t-elle besoin nécessairement de ses trois territoires ultramarins dont la Nouvelle Calédonie et la Polynésie Française inscrits tout deux sur la liste ONU des territoires non autonomes et de Wallis et Futuna collectivité française du pacifique non-inscrite sur la liste ONU ? La réponse est donnée par la politique française menée à l’heure actuelle, c’est à dire se servir de ses territoires ultramarins du pacifique comme cheval de Troie ou de « faire valoir » de sa présence dans cette zone Asie-Pacifique que le président américain Barak OBAMA qualifiait récemment de « nouveau centre de la croissance mondiale ». Cela sans compter par ailleurs ce que les superficies de ces trois territoires peuvent apporter à la puissance administrante en terme de superficie de la zone économique exclusive, la portant tout simplement au second rang de puissance maritime mondiale. Quel pays puissant dans le monde actuel refuserait ou ferait la fine bouche devant une telle aubaine de disposer de territoires sous forme de porte-avions dans une zone passée de zone oubliée à zone de la croissance mondiale.
a)- Les moyens mis en œuvre pour freiner le processus de décolonisation : moyens sentimentaux
L’histoire des décolonisations nous a appris en conséquence que lorsqu’un Etat colonisateur souhaite absolument garder des territoires colonisés au nom de ses intérêts supérieurs, il décrète l’indépendance comme ligne rouge interdite et il y met les moyens. Il tente tout d’abord d’amadouer le peuple en le prenant par les sentiments : la France nourricière, patrie des droits de l’homme, la mère patrie protectrice de ses enfants dans un monde de plus en plus difficile et cruel, la France porteuse des valeurs républicaines qui éclairent les peuples, la France attachée définitivement à ses territoires par des liens de sang, celui versé par les soldats kanak sur les fronts européens durant les deux conflits mondiaux. La grande guerre de 14-18 est souvent rappelée en cette année du centenaire. Cette guerre qui a vu plus de 1000 soldats kanak combattre en France ou dans les Dardanelles, 380 ne sont jamais revenus. Même scénario durant la seconde guerre mondiale de 39-45. Encore le même scénario en ce moment ou des centaines de jeunes kanak sont engagés sur les théâtres d’opérations extérieures où se trouvent impliquées les forces armées françaises : Liban, Afrique, Bosnie, Kosovo,Afghanistan, certains y ont aussi laissés leur vie.
b)-Moyens technique, financier.
A côté de ces moyens sentimentaux, la puissance administrante agit sur le registre technique et financier pour rendre ces territoires complétement dépendants des subsides métropolitains et européens. Une masse d’argent est transférée par l’Etat pour la prise en charge des compétences de souveraineté, avec le paiement des salaires des fonctionnaires d’Etat qui sont pratiquement doublés par rapport au salaire de la métropole. Par ailleurs l’aide à certains secteurs dont le logement social et autres investissement productifs au pays via des fonds métropolitains défiscalisés vient gonfler exagérément ces transferts. Cela donne une conséquence pouvant se résumer ainsi : trop d’argent, mal réparti (25% de la population vit au-dessous du seuil de pauvreté) et in fine un pays où tout est chère, vivant sous perfusion permanente devenant pratiquement incapable d’assurer son autonomie financière sans l’aide de la puissance administrante, à moins de réformes drastiques dont a parlé le vice-président du gouvernement hier.
c)- moyens inavouables
Enfin l’utilisation des moyens inavouables sur lesquels toute une littérature existe, je veux parler des manœuvres de déstabilisation et de l’immigration ou la transmigration de ses ressortissants nationaux vers les territoires ultramarins fussent-ils ou non sur la liste des pays à décoloniser.
Manœuvre, déstabilisation
Les peuples qui ont été colonisés et ceux qui demeurent encore sous tutelle coloniale connaissent bien ou ont appris à les connaitre ces manœuvres de déstabilisation mettant en œuvre un principe vieux comme le monde du : « diviser pour régner ». L’ouvrage de stratégie militaire « l’art de la guerre » du chinois « Sun TZU » ou de son vrai nom « SUN UN au 6ième siècle avant JC en parlait déjà. Les instruments de domination coloniale sont ainsi identifiés : déstabilisation, tension, et la peur. Cette peur que présentait hier dans son exposé Mr Daniel Manfred Malcolm en parlant d’elle comme l’ennemie implacable des leaders anti colonialistes et des peuples colonisés.
Le FLNKS, notre mouvement de libération nationale, le peuple kanak, ainsi que tous ses alliés indépendantistes, de même d’ailleurs que les non indépendantistes subissent et doivent faire face, depuis des décennies, à ces types de stratégies en Nouvelle Calédonie. Récemment encore le mouvement indépendantiste a subi des tentatives de division qui ne sont que des manœuvres supplémentaires parmi toutes celles déjà subies en plus des assassinats de leurs leaders. En effet, combien de nos leaders ont été assassinés pour que le processus de décolonisation soit enrayé et que notre pays n’accède jamais l’indépendance ? Combien de nos leaders ont été sujets à des éliminations politiques, des pressions et des tentatives de retournement et de corruption
Nous sommes parfaitement conscients que ces stratégies existent et nous savons identifier les commanditaires derrière les petites mains à la manœuvre ou au-delà des propos lénifiant de certains responsables affirmant que l’Etat est un arbitre impartial et équidistant et qu’in fine ce seront les calédoniens qui décideront de leur destin par référendum. Les partis de droite s’y mettent aussi en cherchant à faire croire que l’Etat « dit socialiste » comme ils le prétendent est pour l’indépendance, alors que tous ne servent qu’un seul et même objectif : maintenir la ligne rouge de l’indépendance interdite.
L’immigration
L’autre moyen de défendre les intérêts supérieurs de la nation est par le moyen démocratique, un homme, une voix et si la balance est en faveur du peuple colonisé, quoi de plus simple que de faire venir du monde de France et leur donner le droit de vote. L’histoire de la Nouvelle Calédonie est une longue histoire de flux de migrations organisés par la puissance administrante. Ce flux en provenance de la Métropole s’est accéléré avec l’irruption des kanak sur la scène politique locale entre 1953 et 1956 au moment où ils obtenaient le droit de vote et donc à terme de pouvoir s’autodéterminer librement. A l’indépendance de l’Algérie en 1962, le général De Gaulle ne sachant quoi en faire du million de réfugiés français a facilité leur installation en Guyane et en Nouvelle Calédonie où disait-il n’y avait rien et que tout était à faire. Ainsi toute initiative est bonne et justifiée pour favoriser l’implantation de populations extérieures afin de noyer le peuple kanak démographiquement et d’empêcher l’indépendance du pays. Dans ce contexte, la « démocratie », entre autres, par le vote devient une arme mortelle contre le peuple colonisé.
Les stratégies de colonie de peuplement et de partition de pays sont ainsi bien connues car elles ont été expérimentées en Algérie dans les années cinquante et au Vanuatu (ex Nouvelles Hébrides) à la fin des années soixante-dix. Elles ont échouées dans ces deux ex colonies. En revanche, elles ont réussi aux îles Comores avec l’île de Mayotte et le contentieux avec la France est toujours en cours. Ainsi, on peut se demander si en Nouvelle-Calédonie, en plus de la colonie de peuplement, la partition, malgré son interdiction dans l’Accord de Nouméa, n’est pas un « plan bis » au travers des projets de « fédéralisme interne ».
A partir de la situation actuelle on peut faire l’hypothèse d’un montage en cours par le biais de manœuvres de division entre la « province Nord » et la « province Sud ». Une des manœuvres étant, à l’aube de la fin de l’Accord de Nouméa, de provoquer des conflits, des confrontations violentes. A titre de rappel, un des scénarios prévu par Alain Christnacht, l’un des négociateurs de l’Etat français au moment des discussions en 1998 était, dans ce cas, la reprise en main par l’Etat. A l’approche de la sortie de l’accord de Nouméa des tentatives de déstabilisation ne sont pas à exclure en Nouvelle Calédonie. Ce serait des remakes comme cela s’est passé aux Comores, avec le barbouzard français Bob Denard pour favoriser la partition de ce nouveau territoire indépendant. Ou encore la mission de la DGSE (service secret français) en opération commanditée par le ministre de la défense Eugène Hernu en 1985, aboutissant à l’explosion du Rainbow Warrior en Nouvelle Zélande, navire amiral de l’organisation écologiste Green Peace prêt à appareiller pour l’atoll de Mururoa afin de protester contre les essais nucléaires français.
c)-Modèle de la France Afrique
Par ailleurs dans le cadre de la préparation du référendum d’autodétermination qui doit se tenir à partir de 2018, la puissance administrante, suivant en cela les principes de l’ONU et les dispositions de l’accord de Nouméa, prépare la question qui sera posée à la population. Cette question portera sur le transfert des compétences régaliennes (ordre public et sécurité, justice, monnaie et crédit, relations extérieures et défense, la citoyenneté et la nationalité). Pour cela, en fonction d’une décision prise par le comité des signataires de l’accord de Nouméa en octobre 2014 à Paris, la puissance administrative organise des comités de pilotage thématiques en Nouvelle Calédonie. Dans ce cadre, les indépendantistes ont souhaité que des experts des Nations Unies puissent venir aider à la réflexion sur l’exercice de ces compétences dites régaliennes.
A ce stade, nous ne recevons que des missionnaires français qui nous orientent vers la mise en place d’un système calqué sur le modèle de celui de la Françafrique. Pour seul exemple, je citerai la proposition des missionnaires de l’Etat durant le Comité de pilotage « Monnaie et crédit » retenant parmi 4 options de monnaie nationale, leur option préférentielle du système du Franc CFA. Faut-il rappeler que beaucoup d’experts et spécialistes de l’Afrique dénonce ce système et l’accuse d’être responsable de l’appauvrissement de l’Afrique. Comment la puissance administrante peut-elle prétendre être équidistante alors qu’elle souhaite garder la mainmise sur les compétences régaliennes en instaurant un système de type Françafrique organisant des faux transferts ou des compétences soit disant partagées. Ce système aboutit dans tous les cas à de fausses indépendances. Le projet défendu par les indépendantistes est celui d’un pays totalement indépendant et souverain qui se construira en interdépendance dans sa région Asie pacifique, au moyen d’outils créés à cette effet comme le Groupe du Fer de Lance Mélanésien. Nous avons par ailleurs de jeunes kanak et calédoniens diplômés, des spécialistes expérimentés, qui réfléchissent à ces questions et sont loin de favoriser un système du copier-coller qui a montré ses limites.
d)-Le droit de vote, les critères et les listes électorales
Il s’agit d’un problème fondamental puisque certains parlent de la bataille sur le corps électoral comme la mère des batailles, permettant l’exercice du droit à l’autodétermination des peuples colonisés. Les puissances coloniales ont joué et rejoué sur cette problématique au gré de leurs intérêts. En Nouvelle Calédonie il s’agit d’un problème récurrent depuis que le droit de vote a été accordé au peuple colonisé en 1953. Les différents accords politiques de 1983, 1988 et 1998 ont buté sur cette question du corps électoral qui a d’ailleurs été une des causes de l’assassinat de Jean Marie Tjibaou. A l’approche du référendum d’autodétermination de 2018, cette question n’a pas manqué de ressurgir avec les mêmes manœuvres servies et resservies depuis 60 ans. D’où les démarches effectuées par le FLNKS auprès du C24 depuis le séminaire régional de 2013 en Equateur dans l’objectif d’informer le comité sur l’évolution de la situation. C’est d’ailleurs sur cette problématique que les membres du comité ont effectué la mission de visite en Nouvelle Calédonie dans le courant du mois de mars 2014. Ce dossier divise la Nouvelle Calédonie à l’approche de la sortie de l’accord de Nouméa et il nous semble encore une fois que la puissance administrante, compétente en droit électoral, se déresponsabilise en renvoyant l’issue des problèmes à l’appareil judiciaire ou à une solution politique consensuelle, à charge aux indépendantistes et non indépendantistes de la trouver entre eux.
C’est ainsi que suite au comité des signataires d’octobre 2014 à Paris, il a été décidé d’opérer une modification de la loi organique de1999 devant porter sur la composition des commissions administratives spéciales chargées de l’établissement et de la révision des listes électorales spéciales pour les élections provinciales et pour la consultation sur l’accession du pays à la pleine souveraineté, ainsi que sur la consultation elle-même. Après l’examen de l’avant-projet par le Congrès et suite à un rejet du texte par la majorité non indépendantiste, il a été décidé de tenir un comité des signataires extraordinaire à Paris le 5 juin prochain pour tenter de trouver un compromis politique. Le nœud du problème réside dans l’inscription sur la liste référendaire de tous les natifs de Nouvelle Calédonie en plus des kanak de statut coutumier et des personnes ayant participé au référendum de ratification de l’accord de Nouméa en 1998 qui seraient inscrits d’office. Les non indépendantistes souhaitent inscrire tous les natifs, pour sa part, le FLNKS souhaite s’en tenir qu’aux deux catégories de personnes citées : celles de statut coutumier et celles de la liste référendaire de ratification de 1998.
Le Congrès de la Nouvelle-Calédonie, dont les élus sont majoritairement non-indépendantistes, a émis un avis défavorable sur cette proposition de modification de la loi organique.
Au cœur de cet avis défavorable se trouvent deux points clef pour les non-indépendantistes, à savoir les inscriptions automatiques sur la liste spéciale pour la consultation sur l’accession du pays à la pleine souveraineté, et la demande de modification de l’article 188 de la loi organique qui définit le corps électoral pour les élections provinciales, base de la notion de citoyenneté calédonienne.
Le projet de modification de la loi organique en l’état actuel ne prévoit que l’inscription automatique sur la liste électorale pour la consultation des électeurs de statut civil coutumier, qui sont donc tous kanak, et celle des électeurs ayant participé à la consultation du 8 novembre 1998 approuvant l’Accord de Nouméa. Les autres catégories d’électeurs doivent faire une démarche individuelle pour être inscrits sur cette liste et peuvent voter s’ils remplissent les conditions requises à l’article 218 de la loi organique.
Comme rappelé ci-dessus, les partis non-indépendantistes réclament l’inscription automatique de tous les natifs de Nouvelle-Calédonie. Le Groupe UC-FLNKS et Nationalistes s’oppose à cette demande car l’inscription automatique de tous les natifs reviendrait à inscrire automatiquement pour cette consultation d’autodétermination toutes les personnes issues de la colonie de peuplement. Rappelons que l’Etat français a fait de la Nouvelle-Calédonie une colonie de peuplement dans le but de rendre les Kanak minoritaires dans leur propre pays. Rappelons aussi que le peuple kanak, seul peuple autochtone et colonisé de Nouvelle-Calédonie, réclame un référendum d’autodétermination depuis qu’il revendique l’indépendance, c’est-à-dire depuis 40ans. A cette date le peuple kanak n’était pas encore complètement submergé par l’immigration en provenance essentiellement de la Métropole.
Accepter aujourd’hui l’automaticité sans garde fous, équivaut à se jeter dans un piège de plus afin de rendre « démocratiquement » les Kanak minoritaires, l’automaticité ayant pour but, entre autre de masquer les fraudes d’inscriptions sur les listes électorales et ce dans la droite ligne des fraudes lors de l’établissement et de la révision des listes électorales provinciales, que nous avons dénoncé devant les instances de l’ONU à plusieurs reprises., L’alibi de l’automaticité justifié par le fait que le temps presse n’est pas acceptable car c’est une manœuvre voulue alors même que ces listes se devaient d’être mises en route dès la signature de l’Accord de Nouméa en 1998 il y a 17 ans !
Profitant de la venue sur le territoire d’une mission de l’Assemblée nationale menée par son président Claude Bartolone, les partis politiques non-indépendantistes ont manifesté devant le Haut-commissariat de la République française en Nouvelle-Calédonie, le vendredi 24 avril 2015, pour « réaffirmer leur volonté de rester français, dire « non à l’indépendance » » et exiger l’inscription automatique de tous les natifs sur la liste spéciale pour la consultation. Suite à cette manifestation, le gouvernement français a proposé la tenue d’un Comité des signataires extraordinaire le 5 mai 2015 à Paris dont l’ordre du jour porterait uniquement sur l’inscription automatique des natifs.
Dans plusieurs communiqués (datés du 22 et 27 avril et du 5 mai) que nous avons également transmis au secrétariat du comité, notre groupe politique a donné ses positions sur la question de l’inscription automatique et sur le Comité des signataires extraordinaire. Ses positions politiques sont celles que nous avons précédemment exprimées lors des commissions et de la séance publique du Congrès sur le projet de modification de la loi organique, en mars dernier.
Sur l’inscription automatique pour la consultation sur l’accession du pays à la pleine souveraineté : le Groupe UC-FLNKS et Nationalistes souhaite que, seules les personnes ayant ou ayant eu le statut coutumier, de même que les électeurs ayant participé à la consultation du 8 novembre 1998 approuvant l’Accord de Nouméa, puissent être inscrits automatiquement. Nous considérons en effet qu’il existe un contentieux et des fraudes sur la composition actuelle de la liste spéciale des élections provinciales et que, de ce fait, l’inscription automatique de tous les natifs n’est pas envisageable, et que celle des natifs, sur la base de leur inscription sur la liste spéciale pour les élections provinciales, est hautement problématique du fait du contentieux susmentionné. Notre position est simplement d’exiger le respect et l’application des critères des corps électoraux pour l’établissement des listes électorales spéciales, par tous les partenaires de l’Accord de Nouméa, y compris l’Etat qui de son côté doit s’engager à définir le périmètre de ce qu’on désigne par centre des intérêts matériels et moraux désigné par CIMM
Nous affirmons ne pas être opposés au principe d’un Comité des signataires extraordinaire, à condition que l’ordre du jour porte également sur l’établissement sincère (c’est-à-dire le « toilettage ») de la liste spéciale pour les élections provinciales et, de plus, nous avons demandé au représentant de l’Etat en Nouvelle-Calédonie qu’il soit de même traité de l’implication du Comité de décolonisation de l’ONU dans l’organisation de la consultation sur l’accession du pays à la pleine souveraineté. Nous avons souligné au de l’Etat que notre participation au Comité des signataires extraordinaire aura pour but de réaffirmer et faire valoir nos positions. De plus, nous renvoyons l’Etat face à ses propres responsabilités qui ont abouties aux dérives que nous subissons et qui opposent actuellement les Calédoniens sur ces questions. N’oublions pas que l’Etat seul est souverain s’agissant des élections et de la législation régissant l’établissement des listes électorales.
L’histoire des décolonisations a montré la nécessaire vigilance dont nous devons faire preuve lorsqu’on voit ce dont a été capable le système colonial par rapport au droit de vote et aux élections : exclusion des indigènes du droit de vote, double collège, colonie de peuplement, vrais faux référendum coloniaux, trucage des listes, etc. C’est avec tout cela en tête que le mouvement indépendantiste ira défendre ses positions à Paris.
Tout ce qui s’est passé autour de la question des listes électorales et de la loi organique n’est qu’une preuve de plus que seul l’Etat est réellement décideur lorsqu’il est question d’enjeux aussi cruciaux pour l’avenir de notre pays. En effet, il est difficile de comprendre qu'au 21ème siècle des hommes et des femmes, citoyens de leur pays, par rapport à leur avenir institutionnel, ne possèdent que le pouvoir de donner un avis sur des textes non préparés par eux et dont la décision va, une fois de plus, dépendre de parlementaires, qui ne sont pas citoyens de la Nouvelle-Calédonie, ne vivent pas ici, et ne connaissent pas notre pays. Cela porte le nom de « colonisation » et ce mode de gouvernance facilite les fraudes et multiplie les obstacles sur le processus de décolonisation.
Conclusion
A l’issue de cette analyse, j’ai tenté de démontrer qu’au-delà du vernis démocratique se cachent des pratiques expérimentées de tout temps par les puissances coloniales pour assurer leur domination au nom des intérêts supérieurs de leurs nations respectives. Notre puissance coloniale ou puissance administrante, la France, n’échappe pas à ces genres de pratiques, comme s’il s’agit d’une malédiction qui frappe ces grandes puissances vis-à-vis des peuples qu’elles ont colonisés. Il y a en cela quelque chose d’effrayant ! Mais restons optimistes car peut-être un jour des chercheurs trouveront la solution à l’instar du grand économiste français Thomas Piketty qui vient de révolutionner la compréhension de l’inégalité en démontrant dans son dernier ouvrage « le Capital au XXIème siècle » que : « l’évolution historique de l’accumulation du capital conduisait à l’enrichissement exagéré de ceux qui sont déjà riches ». Paradoxalement la London School of économics, l’école de l’establishment du capitalisme mondial vient de l’accueillir comme professeur à mi-temps !
Que faire alors Monsieur le président pour fermer définitivement cette parenthèse de l’histoire qu’est le colonialisme? Changer l’attitude de ces grandes puissances ou les mécanismes qui conduisent à de telles attitudes est horriblement difficile, il nous reste alors l’ONU et comme le disait le représentant de l’Algérie hier, l’ONU demeure le seul refuge pour les peuples colonisés. Nous partageons donc entièrement les propositions qui ont été faites depuis hier et en ce qui nous concerne, la mise en œuvre des recommandations de la mission de visite du C24 l’an dernier en Nouvelle Calédonie. Ces recommandations doivent constituer notre feuille de route. Il conviendra de pérenniser ces visites dans les territoires autonomes afin de sensibiliser les populations sur les possibilités offertes par l’ONU et les aider à exorciser cette peur entretenue à petit feu par les forces coloniales. Par ailleurs l’idée de mette en place un sous-comité par territoire est nécessaire à plus d’un titre. De même l’envoi d’experts de l’ONU et une grande implication du C24 pour aider la Nouvelle Calédonie à réfléchir sur le transfert des compétences régaliennes dans le cadre de la préparation du référendum, nous semble capital dans le processus de décolonisation en cours. Bien évidemment un dialogue permanent et constructif avec la puissance administrante reste un passage obligé. Je vous remercie.
Convention Center, Holiday Inn, Managua, Nicaragua,
mercredi 20 mai 2015 15h30
FLG/Roch Wamytan