Les sénateurs ont adopté, lundi 29 juin, par 343 voix pour et une contre, le projet de loi organique « relatif à la consultation sur l’accession de la Nouvelle-Calédonie à la pleine souveraineté ».
Ce texte modifie une autre loi organique, du 19 mars 1999, afin - entre
autres - de faciliter les inscriptions sur la liste électorale spéciale
en vue du référendum sur l’indédendance de l’archipel.
Sur le
Caillou, jadis seule colonie de peuplement de l’empire français avec
l’Algérie, le périmètre du corps électoral est une question à haute
tension, en partie à la source des affrontements entre Kanaks et
Caldoches des années 1980.
Bien que le territoire soit en paix
depuis les accords de Matignon (1988), le sujet demeure explosif et
provoque régulièrement des étincelles. Les dernières en date ont jailli
le 26 mars, lorsque les élus non indépendantistes du Congrès (29 sur 54)
sont parvenus à mettre en sourdine leurs habituelles querelles pour
s’opposer en bloc à un avant-projet de loi du gouvernement.
Traitant de l’automaticité de l’inscription sur la liste
référendaire, le texte prévoyait d’en faire bénéficier les personnes
ayant le statut civil coutumier – dont ne relèvent que des Kanaks – et
celles ayant déjà participé au référendum sur l’accord de Nouméa
en 1998. Tous les autres électeurs devaient faire de fastidieuses
démarches pour prouver qu’ils étaient arrivés en Nouvelle-Calédonie
avant décembre 1994, comme le prévoit l’accord de Nouméa.
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Abasourdie, la droite ne comprend pas que Paris n’ait pas aussi prévu
l’inscription automatique de tous les natifs du pays. En conseil des
ministres, le texte est pourtant adopté tel quel le 8 avril. Les partis
les plus droitiers, proches du parti Les Républicains (LR), dénoncent « le trucage des listes par l’Etat socialiste, qui prépare une marche forcée vers l’indépendance ».
« Il ne nous reste plus que la rue »
Les
esprits s’échauffent et le 24 avril, au premier jour d’une visite
officielle prévue de longue date, le président de l’Assemblée nationale,
Claude Bartolone, est accueilli à Nouméa par 8 000 manifestants,
bleu-blanc-rouge de pied en cap, qui fustigent « le largage programmé de la Nouvelle-Calédonie ». « Il ne nous reste plus que la rue », va même jusqu’à déclarer le sénateur (LR) Pierre Frogier, tandis que le député UDI Philippe Gomès prône, lui, la discussion.
Surpris par l’ampleur de la manifestation et la violence de certains
slogans, Claude Bartolone comprend que la situation peut vite dégénérer
et somme, entre quat’z-yeux, M. Frogier, de baisser d’un ton. Il propose
la tenue rapide à Matignon d’un comité extraordinaire des signataires
de l’accord de Nouméa, entièrement dévolu au corps électoral. Bien qu’à
Nouméa cette rencontre se prépare dans la discorde, non-indépendantistes
et indépendantistes parviennent contre toute attente à s’entendre le
5 juin, après un marathon de négociations et un discours offensif de
Manuel Valls exhortant les partenaires calédoniens à aboutir.
« L’esprit des accords de Matignon »
« On a fait une avancée substantielle sur un sujet essentiel »,
estime Philippe Gomès, tandis que l’indépendantiste Gérard Reignier,
secrétaire général de l’Union calédonienne (UC, parti du Front de
libération nationale kanak et socialiste) note que « les partenaires ont décidé de cheminer ensemble même si ça peut encore bloquer ». Manuel Valls, qui a promis de s’engager « personnellement » dans le dossier calédonien, se félicite que « l’esprit des accords de Matignon souffle encore ».
Outre
le corps électoral référendaire, les dirigeants calédoniens ont réussi à
arrêter une méthode de travail et un calendrier sur les critères
d’inscription sur les listes des élections provinciales, au centre
d’empoignades depuis 1998. Les dispositions adoptées, lundi, par les
sénateurs prévoient l’inscription automatique pour le référendum des
natifs, sous certaines conditions, ainsi qu’une réorganisation des
commissions administratives, chargées de la mise à jour des listes, afin
que leurs décisions ne soient plus contestables.
« C'est un moment important pour la Nouvelle-Calédonie, a déclaré, lundi, la ministre des outre-mer, George Pau-Langevin. Il
reste beaucoup de travail pour parvenir à un accord global, mais le
gouvernement est aux côtés des partenaires pour que ce territoire soit
assuré d'un avenir pacifié. » Pour que ce projet de loi organique
puisse entrer en vigueur, il faut à présent qu'il soit voté dans les
mêmes termes par l'Assemblée nationale. Le gouvernement a demandé la
procédure accélérée, c'est-à-dire une seule lecture par chambre.