Quand la Guyane s'inspire de la Kanaky
Propos recueillis par Clément Billardello
Samedi 08 septembre 2018
La prochaine journée de soutien au référendum sera organisée le 4 octobre (Bernard Dordonne)
Cette semaine, deux sondages publiés en
Nouvelle-Calédonie annonçaient une défaite des indépendantistes lors du
référendum d'autodétermination, qui aura lieu le 4 novembre dans
l'archipel. Le Mouvement de décolonisation et d'émancipation sociale
(MDES) a organisé à Cayenne, mardi 4 septembre (1) , une soirée débat
dédiée au référendum sur l'accession de la Nouvelle-Calédonie à la
pleine souveraineté. À deux mois, jour pour jour, de cette consultation,
une journée internationale de soutien à l'indépendance de la Kanaky (2)
a en effet été mise en place dans les pays que d'aucuns considèrent
sous tutelle de la France (Martinique, Guadeloupe, Corse, etc.). La
prochaine journée est programmée le 4 octobre. Réactions.
Nora Stephenson, militante : « Pas réplicable à 100% »
. «
Il faut que nous soutenions la Kanaky, car elle est dans la même
situation de colonisation que nous. Aujourd'hui, ils se gèrent seuls, il
leur reste à accéder à leur entière souveraineté. Il faut que cet
exemple nous montre que c'est possible. Pour moi, chaque peuple doit se
gérer lui-même. Les choses ne sont jamais réplicables à 100%, mais nous
pouvons utiliser ce qui a marché chez eux pour que ça puisse marcher
chez nous. Nous pouvons trouver aussi d'autres stratégies plus adaptées à
notre pays. Je retiens ce que disait le film (3) vu ce soir, « la terre
ne nous appartient pas, c'est nous qui lui appartenons » . »
Marcel Fevre, Cayennais : « Utiliser les textes de loi »
«
La Nouvelle-Calédonie a subi la même histoire que nous, mais sur une
période beaucoup plus courte. Ce que j'ai appris ce soir, c'est qu'il y a
pas mal de parallèles à faire avec la Guyane : avant les accords de
Matignon (1988), l'État était propriétaire de plus de 76% des terres. En
Guyane, l'État possède 90% des terres. [...] C'est dommage, il faut
toujours de la violence pour faire changer les choses, alors qu'il y a
des textes de lois. Pourquoi n'utiliserions-nous pas ces textes ? Nous
prendrions des avocats et nous mettrions la France face à ses
contradictions. On est pas obligés de tirer un coup de feu. Mais si ça
continue comme ça... »
Armand Achille, membre du MDES : « La violence politique peut s'exprimer »
«
Avec notre organisation, cela fait des décénnies que nous avons des
relations avec la Kanaky et avec le Front libération national kanak et
socialiste (FLNKS). Nous n'avons pas de jugement de valeur moral sur le
recours à la force armée. Mais si les discussions n'aboutissent pas, à
un moment donné, la violence politique va malheureusement s'exprimer.
Mais ce n'est pas notre souhait. Aucun être humain ne veut être violent
vis-à-vis de la personne en face de lui pour accéder à la souveraineté.
Nelson Mandela disait : « C'est l'oppresseur qui choisit les armes de
l'opprimé » . »
Metre Lapacas, 27 ans, étudiant kanak : « S'approprier ses ressources »
«
En tant que Kanak, expatrié, je sentais comme un devoir de venir voir
ce qui se disait autour de l'indépendance de mon Territoire. La
particularité de nos deux pays, avec la Guyane, c'est qu'il y a beaucoup
de ressources et qu'elles sont des bases de développement. Par exemple,
la province Nord, indépendandiste, s'est basée sur l'exploitation de
massifs miniers de nickel pour engranger des recettes. Ils ont
privilégié la transformation locale qui a permis de revendre le produit
transformé plus cher, donc ça a généré plus d'emplois. En Guyane, ce ne
sont pas des projets comme Montagne d'or qui vont permettre le
développement. Les Kanaks se sont approprié les ressources et les outils
de transformation. Ils sont aujourd'hui propriétaires de mines et
d'usines qui sont en dehors de la Nouvelle-Calédonie. Mais c'est un
modèle propre à la Nouvelle-Calédonie. »
Jean-Victor Castor, secrétaire général du MDES : « La même histoire coloniale »
«
Ce que la Kanaky inspire, c'est le combat pour le droit à
l'autodétermination, à notre émancipation politique. On se reconnaît
dans leur combat. J'espère que nos peuples comprennent que c'est quelque
chose d'inéluctable et que c'est un processus presque naturel. Nous
sommes des colonies, donc sous la tutelle française. Nous sommes des
territoires avec des richesses dans nos sous-sols et sur nos terres.
Nous partageons aussi la même histoire coloniale avec la volonté de
peuplement par le bagne, chez eux et chez nous. »
(1) Le 4 septembre 1774, James Cook, navigateur, découvrait la Nouvelle-Calédonie.
(2) Nom donné à la Nouvelle- Calédonie par les indépendantistes depuis les années 1970.