La consultation sur l’indépendance de la
Nouvelle-Calédonie semble à portée de main; une loi constitutionnelle de
1998 en prévoit l'organisation au plus tard en novembre 2018.
Mais le défi peut sembler encore lointain, parce que la liste des
électeurs convoqués à ce scrutin tient encore à l’écart des milliers de
Kanak – pourtant les premiers concernés par l’autodétermination puisque
demandeurs…
- La consultation sur l’accès de la Nouvelle Calédonie à l’indépendance semble à portée de main ; une loi constitutionnelle de 1998 en prévoit en effet organisation au plus tard en novembre 2018 ;
- Mais le défi peut sembler encore bien lointain, parce que la
liste des électeurs qui seront convoqués à ce scrutin tient encore à
l’écart des milliers de Kanak - Kanak qui sont pourtant les premiers
concernés par l’autodétermination, puisque demandeurs…
À deux ans de cette échéance politique majeure, l’Aisdpk veut proposer une chronique des étapes et défis qui attendent ce territoire situé à 24 000 km de l’hexagone mais surtout si lointain des préoccupations courantes de la métropole.
D’abord, elle n’aurait pas lieu d’être, si en 1853, le gouvernement français n’avait pas pris possession de ce territoire.
Elle a lieu d'être car, depuis le début, des Kanak n’avaient
pas tracé un chemin de résistance à cette colonisation, d’abord derrière
un premier initiateur, Ataï au 19e siècle, un deuxième,
Noël, en 1917, et plus récemment, dans le cadre des mobilisations des
années 1970 jusqu’à la création du FLNKS et sa mobilisation entre 1984
et 1988[1].
« La décolonisation est toujours un phénomène violent », écrit Frantz Fanon dans le premier chapitre Des damnés de la Terre[2] :
les Kanak comme d’autres peuples en ont déjà assumé toutes les formes :
violence sur soi-même, violence de l’engagement, violence au centuple
de la répression par l’État, déchirements tragiques internes.
Si, en métropole, les noms d’Ataï, de Noël, de Pierre Declercq,
des frères Tjibaou, d’Eloi Machoro et Marcel Nonnaro, des morts de
Gossanah à Ouvea sont oubliés, pour les Kanak, leur évocation peut avoir la puissance d’une espérance toujours vive.
En 1988, à l’issue d’une mobilisation particulièrement
dramatique, le leader du FLNKS Jean Marie Tjibaou et le président du
principal parti anti-indépendantiste de l’époque, le RPCR, Jacques
Lafleur, ont signé les accords de Matignon qui prévoyaient des projets
de développement économique sur une période de dix avant l’organisation
d’un référendum d’autodétermination en 1998.
En 1998, au lieu d’un scrutin, il y eut une nouvelle
signature : celle de l’accord de Nouméa où indépendantistes et
loyalistes acceptaient un transfert progressif de compétences
réglementaires, économiques, sociales de la France vers le gouvernement
territorial néo-calédonien, les compétences régaliennes[3] n’étant transférées qu’à l’issue d’une consultation fixée au plus tard à 2018.
Depuis, régulièrement, les signataires de ces accords se
retrouvent à Paris, autour du Premier ministre, pour évaluer
l’avancement du projet, et préparer les étapes suivantes. Le comité de
suivi qui s’est ouvert lundi 7 novembre est le 15e.
Qui votera ?
Le peuple votant, le peuple et son contour : telle est la terrible question toujours pendante.
Il y a quinze jours, le 26 octobre 2016, une manifestation appelée par le RIN[4] a rassemblé plusieurs milliers de personnes pour exiger du comité des signataires « l’inscription automatique et sans condition de tous les Kanak sur la liste de consultation en 2018 ».[5]
Cette « liste électorale spéciale de consultation »
(pour 2018) a été publiée le 28 juillet dernier et il y manque 25 282
Kanak. D’ou vient ce hiatus : d’un « bug » informatique ou d’une vieille
histoire[6] ?
Selon cette liste, 153 678 électeurs au total seront appelés à
voter en 2018, et tous ne sont pas kanak. L’histoire coloniale a mêlé
sur le territoire néo-calédonien des hommes de toutes origines. Aux
Kanak présents avant la colonisation, se sont ajoutés les premiers
colons dont les descendants sont aujourd’hui appelés caldoches ;
d’autres populations, comme des prisonniers politiques déportés de
France ou d’Algérie après des insurrections de 1871 notamment ; des
Wallisiens ; des Vietnamiens ; enfin d’autres métropolitains dont l’État
a favorisé l’installation sur place depuis les années 1970.
Ainsi sur ses 153 678 recensés par l’État France, en juillet
2016, moins de la moitié (65 467) sont kanak quand, selon les
indépendantistes, il en faudrait 25 282 de plus, soit la «
différence entre les 90 749 personnes en âge de voter, recensées par la
Direction générale de la Réglementation des Affaires coutumières (DGRAC)
et les 65 467 personnes identifiées par l’ISEE[7] sur la liste électorale générale de 2016. »[8]
Voilà une petite différence qui pourrait faire toute la différence.
Voilà aussi une riposte des indépendantistes aux non-indépendantistes, qui, depuis 1988, ne ménagent pas leurs efforts pour intégrer aux corps électoral le plus possible de derniers « arrivés »…
Mais ce dernier point est une si longue histoire que nous y reviendrons.
Merci à celles et ceux qui nous ont lus.
[1] Front de Libération nationale Kanak socialiste créé en 1984.
[2] Frantz Fanon, Les damnés de la terre, La découverte/Poche, 2007, p. 39.
[3] Ces compétences étant la justice, la police, les Affaires étrangères, l’armée, la monnaie.
[4]Parti travailliste, une partie de l’Union calédonienne, des dissidents du Palika, etc.
[5] Communiqué du RIN du 26 octobre 2016.
[6] Directive Messmer de 1972, nous y reviendrons ultérieurement.
[7] Institut de la statistique et des études économiques en Nouvelle-Calédonie.
[8] Communiqué du RIN du 26 octobre 2016.