PARTI TRAVAILLISTE

KANAKY

lundi 30 mars 2015

Déclaration politique finale / Explication de vote du groupe UC/FLNKS et Nationalistes, lu par Mr Louis Kotra UREGEI


« Monsieur le Président, Mes chers collègues, Mesdames et Messieurs, 

La proposition par l’Etat de modification de la loi organique sur laquelle le Congrès porte un avis aujourd’hui en séance publique, est la conséquence d’un long processus de discussions et de revendications, bien antérieur au XIIème Comité des signataires, contrairement à ce qui est écrit dans l’exposé des motifs du Ministère des Outre-mer.
Pour notre groupe, il paraissait important de rappeler un peu l’historique ayant abouti à cette modification.
Car le premier objectif était bien de changer la composition et le fonctionnement des commissions administratives spéciales chargées de la révision des listes électorales, régies par l’article 189 de la loi organique, et compétentes, après vérification auprès du Conseil d’Etat, pour l’établissement de la liste électorale spéciale pour les élections provinciales, comme pour l’établissement de la liste électorale pour la consultation sur l’accession du pays à la pleine souveraineté.
Or, depuis plusieurs années, la Commission Politique et Citoyenneté du FLNKS et des Nationalistes dénonce le fonctionnement de ces commissions administratives spéciales.
En effet, des dizaines d’exemples rapportés par nos délégués FLNKS siégeant dans ces commissions ont prouvé les dérives et les failles du fonctionnement de ces commissions. Le résultat aujourd’hui est que nous nous retrouvons avec une liste électorale spéciale pour les élections provinciales tronquée, sur laquelle figurent des personnes qui ne remplissent pas les critères requis par la loi et de laquelle sont exclus de nombreux Kanak, bloqués sur le tableau annexe des non admis à voter.
Cette situation a été dénoncée à de nombreuses reprises, jusqu’au Comité de décolonisation à l’ONU, qui, inquiet, avait décidé de mener une mission de visite spécifiquement sur cette question, en mars 2014. Celle-ci avait d’ailleurs fait elle-
même le constat des graves irrégularités de fonctionnement des commissions administratives, puisqu’elle effectua la recommandation suivante au point 112 de son rapport de mission : «La mission est d’avis que le mode de fonctionnement des commissions administratives spéciales doit être revu compte tenu des problèmes soulevés par de nombreux interlocuteurs, dont les magistrats eux-mêmes. ». De plus, adoptée au mois de décembre par l’Assemblée générale des Nations Unies, la résolution sur la Nouvelle-Calédonie soutient les recommandations de ce rapport et ajoute que l’Assemblée générale considère « que des mesures appropriées pour l’organisation des consultations futures sur l’accession à la pleine souveraineté, y compris l’établissement des listes électorales justes, régulières et transparentes, comme prévu par l’Accord de Nouméa, sont indispensables à la réalisation d’un acte libre et authentique d’autodétermination conforme aux principes et pratiques de l’Organisation des Nations Unies. ».
Par ailleurs, cette situation de graves irrégularités dans l’établissement de la liste électorale spéciale pour les provinciales et dans le fonctionnement des commissions administratives a été aussi une des raisons principales du boycott, par l’Union Calédonienne, du XIIème Comité des signataires.
C’est d’ailleurs lors de ce XIIème Comité des signataires qu’a été actée la possibilité de modifier la loi organique. Cette possibilité de modification a ensuite fait l’objet de plusieurs réunions au Haut-commissariat dans lesquelles les groupes politiques siégeant au Congrès de la Nouvelle-Calédonie ont pu exprimer leurs doléances.
Après avoir reçu le projet de modification de la loi organique, notre groupe a considéré qu’il approuvait la démarche, particulièrement sur la question de l’inscription d’office des « électeurs ayant été admis à participer à la consultation du 8 novembre 1998 approuvant l’accord de Nouméa » et des « électeurs ayant ou ayant eu le statut civil coutumier ». Néanmoins, notre groupe a apporté en commission un nombre important d’observations, notamment pour améliorer la clarté du projet. En effet, nous souhaitons que cette modification de la loi organique ne soit pas l’occasion de faire apparaître de nouvelles failles qui entacheraient la sincérité de notre processus d’autodétermination.
De plus, au vu de la teneur des débats en commission, notamment sur l’esprit au moment des négociations de l’Accord de Nouméa, notre groupe souhaite rappeler que les critères discutés, négociés, et définis au moment de cet accord, sont la continuité d’une longue lutte du peuple kanak pour l’obtention d’un référendum.
d’autodétermination pour son pays, demande qui va de pair avec sa revendication d’indépendance.
Comme le disait le député Pidjot dans son discours à l’Assemblée nationale sur le statut Lemoine (2ème séance du 28 mai 1984), dont le problème portait déjà sur la définition du corps électoral : « Le peuple kanak était le seul occupant lors de la prise de possession par la France de la Nouvelle-Calédonie. (…) ». Il a subi une politique de peuplement, comme en Algérie, et une politique d’immigration massive, qui n’a eu de cesse depuis 1956 (début des politiques de peuplement de la France concomitantes avec guerre et perte Indochine et Algérie durant lesquels l’Etat comprend qu’il faut peupler et rendre la population autochtone minoritaire pour garder sa souveraineté sur un pays) jusqu’à aujourd’hui, et qui l’a rendu minoritaire dans son propre pays.
Malgré cela, le peuple kanak a accepté à Nainville-les-Roches, ceux qu’il avait qualifiés de « victimes de l’histoire » et qui ont été plus tard intégrés dans ce qui constitue aujourd’hui la citoyenneté calédonienne.
Dans cette assemblée, alors encore nommée « Assemblée territoriale », le 19 avril 1984, Yeiwene Yeiwene déclarait ce qui suit : « Dans cette discussion [de Nainville-les-Roches], nous avions, nous, le Front Indépendantiste, reconnu les personnes qui vivent sur ce Territoire et que nous avons appelées « les victimes de l’histoire », les victimes de l’histoire coloniale de la France ; ce ne sont pas les victimes du peuple kanak. Nous avons considéré qu’ils étaient des victimes, qu’ils n’avaient pas d’autre pays que la Calédonie, et nous avons donné une définition de ces victimes de l’histoire. Nous avons dit que ce sont des personnes nées sur le Territoire qui doivent avoir, soit leur père, soit leur mère nés sur le Territoire. C’est de ceux-là dont nous avons discuté. ».
Par cette reconnaissance de nos Vieux pour ceux qu’ils ont appelé les victimes de l’histoire, nous sommes nous, indépendantistes, les précurseurs du destin commun et de la citoyenneté calédonienne que vous aimez tous tant revendiquer.
Pourtant, à Nainville-les-Roches, comme le disait le député Pidjot : « le gouvernement français n’a pas inventé le droit ni attribué au peuple kanak son droit inné et actif à l’indépendance. Il a seulement reconnu quelque chose d’inhérent au peuple kanak. ». Faut-il encore rappeler la réinscription en 1986 de la Nouvelle-Calédonie sur la liste des pays à décoloniser ? 
 Comme chacun ici le sait, en 1988, nous avons signé les Accords de Matignon, qui prévoyaient un référendum d’autodétermination dans un délai de 10 ans, donc en
1998, avec un corps électoral défini à l’article 2 de la loi référendaire de 1988. C’est sur ce corps électoral que nous avions choisi de nous arrêter.
En 1998, il n’y a pas eu de référendum d’autodétermination mais la consultation approuvant l’Accord de Nouméa. Dans les négociations sur l’Accord de Nouméa, la position du FLNKS était de dire que les électeurs qui constituent le corps électoral restreint devaient être ceux constituant le corps électoral de l’article 2 de la loi référendaire de 1988, ainsi que leurs descendants. Ce sont ces électeurs qui ont constitué la liste spéciale pour la consultation du 8 novembre 1998. Le corps électoral étant figé à 1988 pour le supposé référendum de 1998, un tableau annexe avait été mis en place entre 1988 et 1998 pour les personnes ne remplissant pas les conditions précitées pour voter au supposé référendum de 1998. Durant les négociations de 1998, les indépendantistes ont accepté, une nouvelle fois, d’ouvrir aux personnes figurant sur ce tableau annexe à la condition que celles-ci remplissent une condition de 10 ans de résidence continue en Nouvelle-Calédonie. Toutefois, pour que ces personnes soient inscrites sur le tableau annexe, afin d’être identifiées comme ne pouvant pas voter pour la consultation de 1998, il fallait forcément, au préalable, qu’elles soient inscrites sur la liste générale de Nouvelle-Calédonie.
En 2007, le Président Jacques Chirac, respectant la parole et l’esprit qui vont prévaloir durant les discussions aboutissant à l’Accord de Nouméa en 1998, fit modifier la Constitution pour geler le corps électoral donnant ainsi corps à la citoyenneté calédonienne et à la communauté de destin partagée.
Aujourd’hui, alors que nous sommes toujours engagés dans un processus de décolonisation et d’autodétermination, il est plus qu’indispensable que les équilibres mis en place soient préservés bon gré, mal gré les inlassables vagues d’arrivée qui déferlent sur les plages et surtout sur les emplois de notre pays.
Merci de votre attention. » 

Pour voir le discours : 
http://webtv.congres.nc/video/213