Introduction : colonisation et récurrence du problème des listes électorales en Nouvelle-Calédonie
La
Nouvelle-Calédonie est une colonie française depuis la prise de
possession en 1853. De ce fait, le problème des corps électoraux en
Nouvelle-Calédonie est à situer dans le contexte général de la politique
coloniale française et de ses méthodes. Cette politique est dans la
droite ligne des « fausses décolonisations » bien connues, notamment par
l’ONU, et ce depuis la dernière guerre mondiale de 1940/45, entre
autres depuis la conférence de Brazzaville en 1944. Celle-ci fut initiée
par le Général de Gaulle et est encore poursuivie jusqu’alors.
Dans
ce cadre, le problème actuel de la liste électorale spéciale pour les
élections provinciales et de la liste électorale pour la consultation
sur l’accession du pays à la pleine souveraineté, n’est pas un problème
uniquement technique, comme l’affirme régulièrement les représentants de
l’Etat français. C’est principalement un problème politique.
C’est
pourquoi une Commission Politique et Citoyenneté du FLNKS et des
Nationalistes a été mise en place. C’est le résultat de leur recherche
depuis 1999 qui a révélé qu'un grand nombre de personnes sur la liste
électorale spéciale pour les élections provinciales ne remplissent pas
les conditions applicables prévues par l'Accord de Nouméa, la loi
organique de 1999, et la loi constitutionnelle du 23 février 2007. Cette
Commission a choisie de concentrer ses recherches sur des électeurs
nés hors de la Nouvelle-Calédonie et avant le 31 octobre 1980. Elle a pu
révéler que plusieurs milliers d’électeurs figurant sur la liste
électorale spéciale pour les élections provinciales ne remplissent pas
les conditions requises applicables et ont donc été indûment inscrites
sur la liste électorale spéciale. Elle a révélé aussi que près de 1 900
personnes kanak sont maintenus sur le tableau annexe des électeurs non
admis à voter lors des élections provinciales, alors qu’elles sont nées
en Nouvelle-Calédonie, issues du peuple autochtone et colonisé, et que
la plupart d’entre elles n’ont jamais quitté la Nouvelle-Calédonie.
Les milliers de personnes inscrites indûment sur la liste électorale spéciale et les 1 900 Kanak maintenus sur le tableau annexe sont un exemple des « manœuvres électorales » récurrentes
dans les colonies (pas le droit de vote des indigènes, doubles
collèges, diverses et nombreuses fraudes électorales…).
Constatant
progressivement des anomalies sur l’ensemble du processus
d’établissement et de révision des listes électorales spéciales,
notamment au sein des commissions administratives spéciales chargées de
l’établissement et de la révision des listes électorales spéciales, le
Groupe UC-FLNKS et Nationalistes et la Commission Politique et
Citoyenneté du FLNKS et des Nationalistes ont fortement dénoncé les
problèmes constatés auprès de l’Etat et des autorités calédoniennes.
Leur demande était simple : ils exigeaient que l’Etat prennent ses
responsabilités pour faire appliquer la loi en matière électorale
puisque lui seul est compétent dans ce domaine. Accusé dans les médias
de racisme, ne recevant aucune réponse de l’Etat, et sachant que la
Nouvelle-Calédonie est réinscrite depuis 1986 sur la liste des pays à
décoloniser du Comité spécial de décolonisation des Nations Unies, le
Groupe UC-FLNKS et Nationalistes s’est alors adressé aux Nations Unies,
au Groupe du Fer de Lance Mélanésien et aux pays amis de la région, pour
trouver un soutien et une aide.
Ainsi, depuis 2013, des membres
du Groupe UC-FLNKS et Nationalistes et des membres du FLNKS
(principalement Roch Wamytan alors président du Congrès de la
Nouvelle-Calédonie et Mickaël Forrest secrétaire permanent de la Cellule
des Relations Extérieures du FLNKS) ont porté ces problèmes récurrents
de listes électorales aux sessions et au séminaire régional du Comité
spécial de décolonisation et lors des sessions de la Quatrième
commission de l’Assemblée générale des Nations Unies.
Toutefois,
il est primordial, pour comprendre les problèmes actuels et récurrents
des listes électorales en Nouvelle-Calédonie de les analyser dans le
cadre d’une politique de colonisation de peuplement orchestrée par
l’Etat français et ses représentants depuis 1956, comme le prouve les
tableaux en annexe. Cette même politique de colonie de peuplement fut
essayée mais échouée en Algérie. (1) C’est pourquoi l’Etat français en
parlant de la Nouvelle-Calédonie dit que c’est la « seule colonie de
peuplement réussie ».
L’objectif de cette politique de
peuplement est de contrer l’indépendance de la Nouvelle-Calédonie et du
peuple kanak, c’est-à-dire maintenir la Nouvelle-Calédonie française au
nom des intérêts supérieurs de l’Etat.
Depuis 1960, les
résolutions adoptées par les Nations Unies (résolution 1514 du 14
décembre 1960 et résolution 1541 du 15 décembre 1960) visent à empêcher
une forme quelconque de colonisation, y compris par l’implantation de
colonies de peuplement. (2)
En 1970, au travers de la résolution 2621 du 12 octobre, l’Assemblée générale des Nations Unies adoptait un programme d’action pour l’application de la Déclaration sur l’octroi de l’indépendance aux pays et aux peuples coloniaux, dans lequel elle
affirmait que « les Etats membres envisageront de prendre les
dispositions nécessaires […] pour prévenir l’afflux systématique
d’immigrants étrangers vers les territoires coloniaux, qui porte
atteinte à l’intégrité et à l’unité sociale, politique et culturelle des
populations se trouvant sous domination coloniale. ».
1 http://guy.perville.free.fr/spip/article.php3?id_article=105
2 Comme le développent notamment tous les textes et les résolutions sur la Palestine :
En 2001
encore, dans son plan d’action pour la Deuxième décennie internationale
de l’élimination du colonialisme, l’Organisation des Nations Unies
demandait à ce que « les puissances administrantes […] veille[nt] à ce
que l’exercice du droit à l’autodétermination ne soit pas entravé par
des modifications de la composition démographique dues à l’immigration
ou au déplacement de populations dans les territoires qu’elles
administrent. ».
Malgré cela, l’Etat français n’a eu de cesse de
continuer à mettre en place une politique de peuplement, d’organiser une
immigration « ciblée » afin de rendre les Kanak de plus en plus
minoritaires dans leur pays et donc d’entraver leur droit à
l’autodétermination et à l’indépendance.
Cette politique de colonisation de peuplement se base notamment sur les déplacements et les transferts de population.
Dès
la grande tournée outre-mer du Général De Gaulle en 1956, les
directives de l’Etat furent celles de peupler l’ensemble des territoires
d’Outre-mer français.
Le BUMIDOM (Bureau pour le développement
des migrations dans les départements d’outre-mer) est un exemple de
cette politique de migration et de colonisation de peuplement orchestré
par l’Etat (3) Celui-ci, appliqué à l’ensemble des territoires
d’Outre-mer, à partir de 1963 et suite à la tournée du Général De
Gaulle, consistait à déplacer les populations des territoires
d’Outre-mer vers la Métropole pendant qu’en contrepartie elle favorisait
l’installation de Métropolitains dans les territoires d’Outre-mer. Plus
de 160 000 personnes ont été déplacées par le BUMIDOM.
En 1972,
Pierre Mesmer, alors Premier ministre écrivait ce qui suit à son
secrétaire d’Etat à l’Outre-mer, Xavier Deniau : « La
Nouvelle-Calédonie, colonie de peuplement, bien que vouée à la bigarrure
multiraciale, est probablement le dernier territoire tropical non
indépendant au monde où un pays développé puisse faire émigrer ses
ressortissants. Il faut donc saisir cette chance ultime de créer un pays
francophone supplémentaire. La présence française en Calédonie ne peut
être menacée, sauf guerre mondiale, que par une revendication
nationaliste des populations autochtones appuyées par quelques alliés
éventuels dans d’autres communautés ethniques venant du Pacifique. À
court et moyen terme, l’immigration massive de citoyens français
métropolitains ou originaires des départements d’outre-mer (Réunion)
devrait permettre d’éviter ce danger en maintenant et en améliorant le
rapport numérique des communautés. À long terme, la revendication nationaliste
autochtone ne sera évitée que si les communautés non originaires du
Pacifique représentent une masse démographique majoritaire. » (4)
Bien
sûr, les principes démocratiques doivent, pour l’Etat, être en
apparence respectés et c’est alors que la démocratie se transforme en
arme contre le colonisé et au service du colonisateur et que se pose la
question de la définition du corps électoral.
Cette question du
droit de vote et de la définition du corps électoral fut la clef du
déclenchement de l’insurrection kanak du 18 novembre 1984 lorsqu’Eloi
Machoro cassa symboliquement une urne d’un coup de hache. Si les
représentants du peuple kanak avaient accepté de reconnaître les «
victimes de l’histoire » en 1983, ils n’acceptaient néanmoins pas que le
principe « d’un homme-une voix » soit appliqué en cas de référendum
d’autodétermination. Or le statut Lemoine devant être mis en place par
voie électorale le 18 novembre 1984 ouvrait le corps électoral à toute
personne résidant en Nouvelle-Calédonie. C’est pour avoir mené cette
insurrection qu’Eloi Machoro fut assassiné le 12 janvier 1985 par les
forces de l’ordre françaises.
En 1987 encore, Bernard Pons, alors
Ministre de l’Outre-mer fit organiser un référendum d’autodétermination
dont le corps électoral était ouvert à toute personne résidant en
Nouvelle-Calédonie depuis 3 ans. Dans un tel corps électoral le peuple
kanak colonisé était évidemment minoritaire et donc le FLNKS et les
indépendantistes boycottèrent le référendum.
En 1988, les Accords
de Matignon repoussaient la question du référendum à 1998 avec un corps
électoral restreint à toute personne installée depuis 10 ans à la date
du référendum de 1998, donc installée en Nouvelle-Calédonie en 1988. Il
n’y eu pas de référendum d’autodétermination en 1998 mais la signature
de l’Accord de Nouméa. Celui-ci définit un corps électoral restreint
pour les élections provinciales qui est la base d’une citoyenneté
calédonienne. L’Accord de Nouméa définit aussi un autre corps électoral
restreint pour la consultation d’accession (ou non) du pays à la pleine
souveraineté. (5)
Les anomalies rencontrées aujourd’hui sur la
liste électorale spéciale se rapportent principalement au corps
électoral restreint pour les élections provinciales. Les listes
électorales pour la consultation sur l’accession du pays à la pleine
souveraineté sont encore inconnues. Nos craintes étaient de voir les
anomalies d’établissement et de révision des listes électorales pour les
élections provinciales se répéter pour l’établissement des listes pour
la consultation sur l’accession du pays à la pleine souveraineté, mais
aussi nous dénonçons
et regrettons que la définition de ce corps électoral ne soit bien plus
large que celle du corps électoral pour les élections provinciales..
5) Il est important de souligner ici que contrairement à ce qui
était prévu par les Accords de Matignon de 1988, qui prévoyait en effet
un référendum d’autodétermination, l’Accord de Nouméa prévoit une
consultation sur l’accession du pays à la pleine souveraineté. Or,
juridiquement, en droit français, il existe une différence entre
référendum et consultation. Il convient donc de s’interroger pour
quelles raisons les rédacteurs français ont-ils choisi de changer le mot
« référendum » par celui de « consultation ».
Cette définition intègre des critères dont certains ne sont pas très
clairs et qui laisse présager qu’une large partie de la colonie de
peuplement pourra s’exprimer sur l’autodétermination du pays kanak.
Le
message que notre groupe souhaite vous faire passer est donc que le
problème que nous rencontrons concernant les listes électorales
spéciales n’est pas un problème technique mais bien un problème
politique, reflet d’une politique visant à rendre les Kanak minoritaires
et à empêcher l’indépendance de la Nouvelle-Calédonie. Cette
immigration concerne principalement la Province Sud où le spectre de la
partition se dessine par un peuplement à majorité européenne. Le
scénario est bien connu, il a échoué aux Nouvelles Hébrides (Vanuatu) en
1980 mais a réussi pour l’île de Mayotte aux îles Comores en 1975.
L’ONU condamne d’ailleurs la France, pour l’occupation illégale de
Mayotte. La France met tout en œuvre pour empêcher l’accession de nos
pays à la pleine souveraineté : tentatives de neutralisation et de
déstabilisation des partis indépendantistes et des mouvements de
libération nationale, assassinats des leaders indépendantistes,
pratiques de manipulation et de déstabilisation testées et mises en
œuvre dans d’ex-colonies françaises. La Françafrique en est un exemple.
A ce stade d’anomalies(6) dans ce processus électoral inclut dans
le processus de décolonisation de l’Accord de Nouméa, les mots « fraude »
ou « tricherie » s’échappent facilement de nos lèvres alors que les
représentants de l’Etat français se félicitent souvent en déclarant que
la Nouvelle-Calédonie est une « décolonisation réussie ». Doit-on
entendre « colonie de peuplement réussie » ? Il ne faut pas oublier
qu’un peuple autochtone et colonisé y revendique pourtant toujours son
indépendance et sa liberté.
Depuis des décennies notre peuple se
bat contre ces fraudes et manœuvres électorales. En 1987, le FLNKS a
d’ailleurs déjà déposé au Comité spécial de décolonisation un dossier
réalisé pour dénoncer les fraudes électorales orchestrées par l’Etat
français et ses alliés non-indépendantistes calédoniens.(7)
Il y a
quelques jours, notre groupe a pris connaissance de la lettre de saisine
officielle du Premier ministre français au Secrétaire général de l’ONU,
et des termes de référence pour les personnalités qualifiées
indépendantes qui siègeront dans les commissions administratives
spéciales et la personnalité qualifiée indépendante qui siégera dans la
commission consultative d’experts.
Notre groupe souhaite tout
d’abord vous adresser ses remerciements pour votre aide, votre
accompagnement et l’apport de votre expertise pour un processus
électoral de décolonisation en Nouvelle-Calédonie qui soit libre, juste
et transparent.
6 Une liste d’anomalies constatées vous sera fournie avec cette note.
7 La référence ONU de ce dossier est A/AC.109/896/Add.2.
7 La référence ONU de ce dossier est A/AC.109/896/Add.2.
Toutefois,
nous souhaitons vous transmettre dans ces pages nos attentes et nos
besoins pour la mission de la Division de l’Assistance Electorale du
Département des Affaires Politiques des Nations Unies. Mais aussi nous
souhaitons vous exprimer nos réserves quant à certaines demandes inclues
dans la lettre du Premier ministre et dans les termes de référence.
Par ailleurs, notre groupe souhaite pouvoir transmettre un fond de dossier à la mission EAD/DPA.
1. Les experts – observateurs – personnalités qualifiées indépendantes :
Le
Groupe UC-FLNKS et Nationalistes émet le vœu que les experts choisis
pour la mission EAD/DPA soient également sensibles aux questions de
décolonisation et aux problématiques de colonies de peuplement.
Le
Groupe UC-FLNKS et Nationalistes émet de fortes réserves sur le choix
d’un expert de nationalité française. Dans ce cas, il pourrait y avoir
de toute évidence un conflit d’intérêts.
2. Le rôle des observateurs :
Le
Groupe UC-FLNKS et Nationalistes souhaite faire part, à la mission NAM,
de son opinion quant au rôle des experts décrit par le Premier ministre
français dans les « termes de référence » qu’il a soumis au Secrétaire
général des Nations Unies.
S’agissant des « personnalités
qualifiées indépendantes siégeant au sein des commissions
administratives spéciales », il est écrit dans « compétence en matière
d’encadrement » : « la personnalité qualifiée indépendante ne sera pas
appelée à encadrer une équipe d’agents mais devra s’intégrer dans une
structure collégiale ».
Notre groupe s’interroge sur ce que
signifie « devra s’intégrer dans une structure collégiale ». En effet,
si la personnalité qualifiée d’indépendante, l’observateur, est
quelqu’un d’externe dont la fonction est d’observer le système électoral
en Nouvelle-Calédonie, puis de faire un rapport de ce qu’il a observé ;
sa fonction ne peut pas être celle de s’intégrer dans une structure
collégiale. Car s’intégrer veut dire « prendre part à » et si
l’observateur prend part à, il risque d’être dans une position
déontologiquement contradictoire. Il ne peut être juge et partie.
De
plus, malgré les demandes du Groupe UC-FLNKS et Nationalistes
d’organiser la consultation sur l’accession du pays à la pleine
souveraineté en partenariat avec les Nations Unies, l’Etat français a
souhaité continuer l’organisation de ces élections selon son propre
système interne en acceptant toutefois la présence d’observateurs de
l’ONU. Dans ce cadre choisi par l’Etat français, la participation des
experts ne peut donc se faire que par leur action d’observer et de
rapporter.
Par ailleurs, notre groupe conteste
fortement, depuis plusieurs années, le système actuel d’établissement et
de révision des listes électorales spéciales en Nouvelle-Calédonie.
Ainsi, y voir les observateurs des Nations Unies s’y intégrer pose, pour
nous, un certain nombre de problèmes éthiques et déontologiques.
S’agissant
de la « personnalité qualifiée indépendante siégeant au sein de la
commission consultative d’experts », notre analyse est la même que celle
développée ci-dessus. En effet, il écrit dans les « termes de référence
» du Premier ministre français sous « fonctions et responsabilités »
que : « l’observateur est chargé de :
- Participer à la
formulation d’avis sur la question des centres des intérêts matériels et
moraux en réponse aux questions posées par les présidents ou les
membres des commissions administratives spéciales, à l’occasion de
l’instruction d’une demande
d’inscription sur la liste électorale spéciale ou d’une radiation ;
- Apporter une garantie à l’objectivité et à la légalité du processus ».
Dans
ces « termes de référence », il est donc demandé à l’observateur de
l’ONU de participer à la formulation d’un avis collectif sur les centres
des intérêts matériels et moraux des personnes souhaitant se voir
inscrites sur les listes électorales spéciales.
Or, au départ,
la commission consultative d’experts devait être composée uniquement de
véritables experts en matière électorale. C’est-à-dire des experts
internationaux (selon le vœu des indépendantistes) ou des magistrats
(selon le vœu des non indépendantistes). Aujourd’hui, hormis le
magistrat qui la préside, la commission consultative d’experts sera
composée de représentants politiques qui donneront donc un avis
politique.
De plus, la commission consultative d’experts ne
devait pas porter uniquement sur les centres des intérêts matériels et
moraux mais devait, selon le relevé de conclusions du Comité des
signataires d’octobre 2014 qui la mentionnait pour la première fois,
être « chargée d’apporter des éclairages jurisprudentiels ou des
recommandations de principe à toute commission administrative spéciale,
sur demande de cette dernière ».
Cela n’a donc pas de sens
d’impliquer un expert international onusien dans la formulation d’avis
d’une commission consultative d’experts sous ce format « interne ».
Dans ce format, l’observateur onusien devrait rester un observateur, car là aussi il ne peut être juge et partie.
3. La formation des experts donnée par le Haut-commissariat :
Le
Groupe UC-FLNKS et Nationalistes souhaite attirer l’attention de la
mission NAM sur la question de la formation des experts qui sera
délivrée par le Haut-commissariat.
D’une part, le
Haut-commissariat a l’habitude de faire appel aux services d’Anne Gras,
avocate dont les convictions et l’engagement politique est très proche
des non-indépendantistes.
Pour notre groupe, il
paraît évident que la formation des experts ne peut être donnée par une
personne comme Anne Gras qui a une interprétation des textes en faveur
des non-indépendantistes.
La formation des experts devrait être
donnée de manière objective et impartiale afin que les experts puissent
avoir connaissance de l’ensemble des éléments et interprétations.
D’autre
part, l’avis du Congrès de la Nouvelle-Calédonie sur le projet de
décret pris en application de l’article 189-II-5 (sur les personnalités
qualifiées indépendantes siégeant au sein des commissions
administratives spéciales) stipule « qu’il est souhaitable que les
observateurs puissent bénéficier d’une formation spécifique. De même,
cette formation devrait également bénéficier aux personnels communaux,
aux tiers électeurs, aux magistrats et aux personnes siégeant au sein
des commissions administratives spéciales (CAS) afin que tous aient les
mêmes informations quant aux règles applicables en Nouvelle-Calédonie ».
Malgré cet avis unanime du Congrès, le Haut-commissariat n’a
pas jugé pertinent d’effectuer une formation pour tous. Il a décidé que
la formation des experts serait faite en aparté. Notre groupe a
toutefois demandé à ce que le groupe de travail restreint8 puisse
assister à cette formation. Ceci a été accepté par le secrétaire général
du haut-commissariat lors de notre dernière réunion du mercredi 13
janvier 2016.
4. Les rapports des observateurs :
Le
Groupe UC-FLNKS et Nationalistes souhaite attirer l’attention de la
mission NAM sur le fait que la lettre du Premier ministre français au
Secrétaire général des Nations Unies ne prévoit pas l’envoi des rapports
des observateurs de l’ONU au Comité spécial de décolonisation.
Or,
d’une part, les avis unanimes du Congrès de la Nouvelle-Calédonie9, sur
les personnalités qualifiées indépendantes siégeant dans les
commissions administratives spéciales et sur la commission consultative
d’experts, stipule que « le congrès souhaite qu’un rapport d’activité
annuel soit rédigé par les experts ou observateurs compétents en matière
électorale au plus tard un mois après la fin des travaux annuels de la
commission puis présenté au Ministre chargé de l’outre-mer et au
Président du congrès de la Nouvelle-Calédonie. Ce rapport devra
également être présenté, dans ce même délai, au Président du Comité
spécial de décolonisation des Nations Unies. ». Les rapports devraient
donc être présentés à trois instances (au Ministre chargé de
l’outre-mer, au Président du Congrès de la Nouvelle-Calédonie ET au
Comité spécial de décolonisation).
8 Ce groupe de travail
restreint est chargé de la mise en application des décisions du Comité
des signataires Extraordinaire de juin 2015 sur la question des listes
électorales spéciales. Il est composé des services du Haut-commissariat
et des représentants des groupes politiques au Congrès en respectant le
principe de parité entre indépendantistes et non-indépendantistes. Il se
réunit régulièrement au Haut-commissariat depuis juillet 2015. 9 Avis sur le projet de décret pris en application de l’article 189-II-5 de la loi organique n°99-209 du 19 mars 1999 et avis sur le projet de décret pris en application de l’article 218-1 de la loi organique n°99-209 du 19 mars 1999.
D’autre part, c’est bien le Comité spécial de décolonisation des
Nations Unies qui est en charge du suivi du processus de décolonisation
de la Nouvelle-Calédonie depuis que celle-ci a été réinscrite sur la
liste des territoires non autonomes le 2 décembre 1986.
De plus,
la lettre du Premier ministre mentionne « les excellentes relations »
entre la France et l’ONU sur la Nouvelle-Calédonie. Rappelons que ces
relations s’effectuent exclusivement dans le cadre des réunions et
sessions du Comité spécial de décolonisation et de la Quatrième
commission de l’Assemblée générale. Il paraît donc logique qu’un rapport
puisse également être transmis au président du Comité spécial de
décolonisation.
5. Le travail des commissions administratives spéciales chargées de l’établissement et de la révision des listes électorales :
S’agissant
du travail au sein des commissions administratives spéciales chargées
de l’établissement et de la révision des listes électorales, la
Commission Politique et Citoyenneté du FLNKS et des Nationalistes et le
Groupe UC-FLNKS et Nationalistes ont constaté au fil des années un grand
nombre d’anomalies10. Ainsi, nous souhaitons attirer l’attention de la
mission NAM sur les points ci-dessous qu’il nous paraît important
d’observer par les experts à déployer par les Nations Unies :
-
Est-ce que chaque membre des commissions administratives spéciales, en
plus du magistrat, peut avoir sous les yeux les listes et autres
documents, dont ceux préparées par l’ISEE11 et la mairie, afin que
chacun puisse prendre connaissance du dossier du demandeur et des
électeurs concernés pour prendre les bonnes décisions.
- Comment
les décisions se prennent-elles ? A la majorité ? Est-ce une majorité
politique ? Quelle est la position du représentant de l’Etat, du
représentant de la mairie et du magistrat ? Leur position est-elle
politique ou respectueuse de la loi ?
- Est-ce que la commission
administrative spéciale vérifie bien que les électeurs arrivés entre
1988 et 1998 remplissent les critères requis par la loi et sont inscrits
sur les deux listes électorales de février et de novembre 1998 ?
-
Quel est le temps laissé aux membres de la commission pour leur
permettre de prendre des notes si besoin (notamment en cas de positions
contradictoires) ?
- Y a-t-il des électeurs kanak qui se voient
refuser par la commission leur inscription sur la liste spéciale pour
les élections provinciales ou sur la liste spéciale pour la consultation
sur l’accession du pays à la pleine souveraineté ?
- Est-ce
que, pour chaque décision, la commission détient des renseignements
correspondant à des pièces officielles, notamment sur la filiation ou
sur la nécessité d’avoir un parent inscrit sur liste spéciales pour les
élections provinciales ?
10 Une liste des anomalies vous sera remise avec cette note.
11 Institut de la Statistique et des Etudes Economiques
6. Le travail de la commission consultative d’experts :
-
Est-ce que les avis, qui sont collectifs, sont tranchés à la majorité
politique ? Quelle est la position du représentant de l’Etat, du
représentant de la mairie et du magistrat ?
Leur position est-elle politique ou respectueuse des critères requis par la loi ?
7. L’évaluation du litige électoral :
Dans
le relevé de conclusions du Comité des signataires Extraordinaire du 5
juin 2015, il est écrit que « les partenaires calédoniens acceptent la
proposition de faire procéder par des experts de confiance, dans les
meilleurs délais, à une évaluation quantitative du litige électoral12.
La méthode employée respectera strictement l’anonymat vis-à-vis des
tiers des personnes concernées. Cette démarche aboutira à évaluer la
part du litige qui concerne des situations postérieures à la date du 8
novembre 1998 et la part relative à des situations de personnes
installées avant 1998. ».
Les résultats de cette évaluation du
litige délivrés par l’expert de confiance choisi par l’Etat français,
Ferdinand Melin-Soucramanien, ont établi que sur 3974 personnes dont il a
été reconnu au dernier Comité des signataires du mois de juin qu’elles
pouvaient avoir été indûment inscrites sur la liste électorale pour les
provinciales :
- 586 personnes (qui ne sont pas inscrites sur les
listes de 1998 mais qui sont pourtant inscrites sur la liste spéciale
pour les provinciales) ont été identifiées comme arrivées avant 1988 ;
-
2326 personnes (qui ne sont pas inscrites sur les listes de 1998 mais
qui sont pourtant inscrites sur la liste spéciale pour les provinciales)
ont été identifiées comme arrivées entre 1988 et 1998 ;
- 870
personnes (qui ne sont pas inscrites sur les listes de 1998 mais qui
sont pourtant inscrites sur la liste spéciale pour les provinciales) ont
été identifiées comme arrivées après 1998 ;
- 192 personnes (qui
ne sont pas inscrites sur les listes de 1998 mais qui sont pourtant
inscrites sur la liste spéciale pour les provinciales) n’ont pu être
identifiées sur une date d’arrivée car il n’y a aucune trace d’elles
dans les fichiers examinés par l’expert de confiance.13
Les groupes politiques non-indépendantistes souhaitent que cette évaluation s’arrête là.
12
Le litige électoral porte sur la liste spéciale des élections
provinciales pour laquelle la Commission Politique et Citoyenneté du
FLNKS et des Nationalistes et notre groupe ont dénoncé les fraudes et
les inscriptions abusives sans respect des critères requis par la loi.
Ces fraudes sont évoquées et expliqués en introduction de ce document.
13
Ces fichiers sont les fichiers des services fiscaux, des finances
publiques, de la CAFAT (sécurité sociale), de la mutuelle des
fonctionnaires, du vice-rectorat.
Pour le Groupe UC-FLNKS et Nationalistes, il est primordial d’aller
jusqu’au bout de l’évaluation pour savoir si ces personnes identifiées
remplissent les critères requis par la loi. Ce travail ne pourra se
faire qu’en levant l’anonymat des personnes concernées. Une fois
déterminée si elles remplissent ou non les critères, il s’agit soit de
les maintenir sur la liste, soit de les radier afin d’avoir des listes
électorales justes et transparentes. Ce n’est qu’en obtenant des listes
électorales justes et transparentes que notre groupe pourra considérer
que les résultats des élections à venir sont fiables. Ce travail de
vérification et de radiation qui peut concerner 3388 électeurs, d’après
les premiers résultats transmis par Ferdinand Melin-Soucramanien,
devrait pouvoir s’effectuer durant la tenue des commissions
administratives spéciales du 1er mars au 30 avril 2016.
Nouméa, le 21 janvier 2016
Le Groupe UC-FLNKS et Nationalistes