PARTI TRAVAILLISTE

KANAKY

vendredi 22 janvier 2016

Note du Groupe UC-FLNKS et Nationalistes pour la mission NAM (UN) sur les besoins liés à la mission DPA/EAD (UN)

Introduction : colonisation et récurrence du problème des listes électorales en Nouvelle-Calédonie 

La Nouvelle-Calédonie est une colonie française depuis la prise de possession en 1853. De ce fait, le problème des corps électoraux en Nouvelle-Calédonie est à situer dans le contexte général de la politique coloniale française et de ses méthodes. Cette politique est dans la droite ligne des « fausses décolonisations » bien connues, notamment par l’ONU, et ce depuis la dernière guerre mondiale de 1940/45, entre autres depuis la conférence de Brazzaville en 1944. Celle-ci fut initiée par le Général de Gaulle et est encore poursuivie jusqu’alors.
Dans ce cadre, le problème actuel de la liste électorale spéciale pour les élections provinciales et de la liste électorale pour la consultation sur l’accession du pays à la pleine souveraineté, n’est pas un problème uniquement technique, comme l’affirme régulièrement les représentants de l’Etat français. C’est principalement un problème politique. 

C’est pourquoi une Commission Politique et Citoyenneté du FLNKS et des Nationalistes a été mise en place. C’est le résultat de leur recherche depuis 1999 qui a révélé qu'un grand nombre de personnes sur la liste électorale spéciale pour les élections provinciales ne remplissent pas les conditions applicables prévues par l'Accord de Nouméa, la loi organique de 1999, et la loi constitutionnelle du 23 février 2007. Cette Commission a choisie de concentrer ses recherches sur des électeurs nés hors de la Nouvelle-Calédonie et avant le 31 octobre 1980. Elle a pu révéler que plusieurs milliers d’électeurs figurant sur la liste électorale spéciale pour les élections provinciales ne remplissent pas les conditions requises applicables et ont donc été indûment inscrites sur la liste électorale spéciale. Elle a révélé aussi que près de 1 900 personnes kanak sont maintenus sur le tableau annexe des électeurs non admis à voter lors des élections provinciales, alors qu’elles sont nées en Nouvelle-Calédonie, issues du peuple autochtone et colonisé, et que la plupart d’entre elles n’ont jamais quitté la Nouvelle-Calédonie.
Les milliers de personnes inscrites indûment sur la liste électorale spéciale et les 1 900 Kanak maintenus sur le tableau annexe sont un exemple des « manœuvres électorales » récurrentes dans les colonies (pas le droit de vote des indigènes, doubles collèges, diverses et nombreuses fraudes électorales…).
Constatant progressivement des anomalies sur l’ensemble du processus d’établissement et de révision des listes électorales spéciales, notamment au sein des commissions administratives spéciales chargées de l’établissement et de la révision des listes électorales spéciales, le Groupe UC-FLNKS et Nationalistes et la Commission Politique et Citoyenneté du FLNKS et des Nationalistes ont fortement dénoncé les problèmes constatés auprès de l’Etat et des autorités calédoniennes. Leur demande était simple : ils exigeaient que l’Etat prennent ses responsabilités pour faire appliquer la loi en matière électorale puisque lui seul est compétent dans ce domaine. Accusé dans les médias de racisme, ne recevant aucune réponse de l’Etat, et sachant que la Nouvelle-Calédonie est réinscrite depuis 1986 sur la liste des pays à décoloniser du Comité spécial de décolonisation des Nations Unies, le Groupe UC-FLNKS et Nationalistes s’est alors adressé aux Nations Unies, au Groupe du Fer de Lance Mélanésien et aux pays amis de la région, pour trouver un soutien et une aide.
Ainsi, depuis 2013, des membres du Groupe UC-FLNKS et Nationalistes et des membres du FLNKS (principalement Roch Wamytan alors président du Congrès de la Nouvelle-Calédonie et Mickaël Forrest secrétaire permanent de la Cellule des Relations Extérieures du FLNKS) ont porté ces problèmes récurrents de listes électorales aux sessions et au séminaire régional du Comité spécial de décolonisation et lors des sessions de la Quatrième commission de l’Assemblée générale des Nations Unies.
Toutefois, il est primordial, pour comprendre les problèmes actuels et récurrents des listes électorales en Nouvelle-Calédonie de les analyser dans le cadre d’une politique de colonisation de peuplement orchestrée par l’Etat français et ses représentants depuis 1956, comme le prouve les tableaux en annexe. Cette même politique de colonie de peuplement fut essayée mais échouée en Algérie. (1) C’est pourquoi l’Etat français en parlant de la Nouvelle-Calédonie dit que c’est la « seule colonie de peuplement réussie ».
L’objectif de cette politique de peuplement est de contrer l’indépendance de la Nouvelle-Calédonie et du peuple kanak, c’est-à-dire maintenir la Nouvelle-Calédonie française au nom des intérêts supérieurs de l’Etat.
Depuis 1960, les résolutions adoptées par les Nations Unies (résolution 1514 du 14 décembre 1960 et résolution 1541 du 15 décembre 1960) visent à empêcher une forme quelconque de colonisation, y compris par l’implantation de colonies de peuplement. (2)
En 1970, au travers de la résolution 2621 du 12 octobre, l’Assemblée générale des Nations Unies adoptait un programme d’action pour l’application de la Déclaration sur l’octroi de l’indépendance aux pays et aux peuples coloniaux, dans lequel elle affirmait que « les Etats membres envisageront de prendre les dispositions nécessaires […] pour prévenir l’afflux systématique d’immigrants étrangers vers les territoires coloniaux, qui porte atteinte à l’intégrité et à l’unité sociale, politique et culturelle des populations se trouvant sous domination coloniale. ».

1 http://guy.perville.free.fr/spip/article.php3?id_article=105
2 Comme le développent notamment tous les textes et les résolutions sur la Palestine : 

En 2001 encore, dans son plan d’action pour la Deuxième décennie internationale de l’élimination du colonialisme, l’Organisation des Nations Unies demandait à ce que « les puissances administrantes […] veille[nt] à ce que l’exercice du droit à l’autodétermination ne soit pas entravé par des modifications de la composition démographique dues à l’immigration ou au déplacement de populations dans les territoires qu’elles administrent. ».
Malgré cela, l’Etat français n’a eu de cesse de continuer à mettre en place une politique de peuplement, d’organiser une immigration « ciblée » afin de rendre les Kanak de plus en plus minoritaires dans leur pays et donc d’entraver leur droit à l’autodétermination et à l’indépendance.
Cette politique de colonisation de peuplement se base notamment sur les déplacements et les transferts de population.
Dès la grande tournée outre-mer du Général De Gaulle en 1956, les directives de l’Etat furent celles de peupler l’ensemble des territoires d’Outre-mer français.
Le BUMIDOM (Bureau pour le développement des migrations dans les départements d’outre-mer) est un exemple de cette politique de migration et de colonisation de peuplement orchestré par l’Etat (3) Celui-ci, appliqué à l’ensemble des territoires d’Outre-mer, à partir de 1963 et suite à la tournée du Général De Gaulle, consistait à déplacer les populations des territoires d’Outre-mer vers la Métropole pendant qu’en contrepartie elle favorisait l’installation de Métropolitains dans les territoires d’Outre-mer. Plus de 160 000 personnes ont été déplacées par le BUMIDOM.
En 1972, Pierre Mesmer, alors Premier ministre écrivait ce qui suit à son secrétaire d’Etat à l’Outre-mer, Xavier Deniau : « La Nouvelle-Calédonie, colonie de peuplement, bien que vouée à la bigarrure multiraciale, est probablement le dernier territoire tropical non indépendant au monde où un pays développé puisse faire émigrer ses ressortissants. Il faut donc saisir cette chance ultime de créer un pays francophone supplémentaire. La présence française en Calédonie ne peut être menacée, sauf guerre mondiale, que par une revendication nationaliste des populations autochtones appuyées par quelques alliés éventuels dans d’autres communautés ethniques venant du Pacifique. À court et moyen terme, l’immigration massive de citoyens français métropolitains ou originaires des départements d’outre-mer (Réunion) devrait permettre d’éviter ce danger en maintenant et en améliorant le rapport numérique des communautés. À long terme, la revendication nationaliste autochtone ne sera évitée que si les communautés non originaires du Pacifique représentent une masse démographique majoritaire. » (4)
Bien sûr, les principes démocratiques doivent, pour l’Etat, être en apparence respectés et c’est alors que la démocratie se transforme en arme contre le colonisé et au service du colonisateur et que se pose la question de la définition du corps électoral.
Cette question du droit de vote et de la définition du corps électoral fut la clef du déclenchement de l’insurrection kanak du 18 novembre 1984 lorsqu’Eloi Machoro cassa symboliquement une urne d’un coup de hache. Si les représentants du peuple kanak avaient accepté de reconnaître les « victimes de l’histoire » en 1983, ils n’acceptaient néanmoins pas que le principe « d’un homme-une voix » soit appliqué en cas de référendum d’autodétermination. Or le statut Lemoine devant être mis en place par voie électorale le 18 novembre 1984 ouvrait le corps électoral à toute personne résidant en Nouvelle-Calédonie. C’est pour avoir mené cette insurrection qu’Eloi Machoro fut assassiné le 12 janvier 1985 par les forces de l’ordre françaises.
En 1987 encore, Bernard Pons, alors Ministre de l’Outre-mer fit organiser un référendum d’autodétermination dont le corps électoral était ouvert à toute personne résidant en Nouvelle-Calédonie depuis 3 ans. Dans un tel corps électoral le peuple kanak colonisé était évidemment minoritaire et donc le FLNKS et les indépendantistes boycottèrent le référendum.
En 1988, les Accords de Matignon repoussaient la question du référendum à 1998 avec un corps électoral restreint à toute personne installée depuis 10 ans à la date du référendum de 1998, donc installée en Nouvelle-Calédonie en 1988. Il n’y eu pas de référendum d’autodétermination en 1998 mais la signature de l’Accord de Nouméa. Celui-ci définit un corps électoral restreint pour les élections provinciales qui est la base d’une citoyenneté calédonienne. L’Accord de Nouméa définit aussi un autre corps électoral restreint pour la consultation d’accession (ou non) du pays à la pleine souveraineté. (5)
Les anomalies rencontrées aujourd’hui sur la liste électorale spéciale se rapportent principalement au corps électoral restreint pour les élections provinciales. Les listes électorales pour la consultation sur l’accession du pays à la pleine souveraineté sont encore inconnues. Nos craintes étaient de voir les anomalies d’établissement et de révision des listes électorales pour les élections provinciales se répéter pour l’établissement des listes pour la consultation sur l’accession du pays à la pleine souveraineté, mais aussi nous dénonçons et regrettons que la définition de ce corps électoral ne soit bien plus large que celle du corps électoral pour les élections provinciales..

5) Il est important de souligner ici que contrairement à ce qui était prévu par les Accords de Matignon de 1988, qui prévoyait en effet un référendum d’autodétermination, l’Accord de Nouméa prévoit une consultation sur l’accession du pays à la pleine souveraineté. Or, juridiquement, en droit français, il existe une différence entre référendum et consultation. Il convient donc de s’interroger pour quelles raisons les rédacteurs français ont-ils choisi de changer le mot « référendum » par celui de « consultation ». 
Cette définition intègre des critères dont certains ne sont pas très clairs et qui laisse présager qu’une large partie de la colonie de peuplement pourra s’exprimer sur l’autodétermination du pays kanak.
Le message que notre groupe souhaite vous faire passer est donc que le problème que nous rencontrons concernant les listes électorales spéciales n’est pas un problème technique mais bien un problème politique, reflet d’une politique visant à rendre les Kanak minoritaires et à empêcher l’indépendance de la Nouvelle-Calédonie. Cette immigration concerne principalement la Province Sud où le spectre de la partition se dessine par un peuplement à majorité européenne. Le scénario est bien connu, il a échoué aux Nouvelles Hébrides (Vanuatu) en 1980 mais a réussi pour l’île de Mayotte aux îles Comores en 1975. L’ONU condamne d’ailleurs la France, pour l’occupation illégale de Mayotte. La France met tout en œuvre pour empêcher l’accession de nos pays à la pleine souveraineté : tentatives de neutralisation et de déstabilisation des partis indépendantistes et des mouvements de libération nationale, assassinats des leaders indépendantistes, pratiques de manipulation et de déstabilisation testées et mises en œuvre dans d’ex-colonies françaises. La Françafrique en est un exemple.
A ce stade d’anomalies(6) dans ce processus électoral inclut dans le processus de décolonisation de l’Accord de Nouméa, les mots « fraude » ou « tricherie » s’échappent facilement de nos lèvres alors que les représentants de l’Etat français se félicitent souvent en déclarant que la Nouvelle-Calédonie est une « décolonisation réussie ». Doit-on entendre « colonie de peuplement réussie » ? Il ne faut pas oublier qu’un peuple autochtone et colonisé y revendique pourtant toujours son indépendance et sa liberté.
Depuis des décennies notre peuple se bat contre ces fraudes et manœuvres électorales. En 1987, le FLNKS a d’ailleurs déjà déposé au Comité spécial de décolonisation un dossier réalisé pour dénoncer les fraudes électorales orchestrées par l’Etat français et ses alliés non-indépendantistes calédoniens.(7)
Il y a quelques jours, notre groupe a pris connaissance de la lettre de saisine officielle du Premier ministre français au Secrétaire général de l’ONU, et des termes de référence pour les personnalités qualifiées indépendantes qui siègeront dans les commissions administratives spéciales et la personnalité qualifiée indépendante qui siégera dans la commission consultative d’experts.
Notre groupe souhaite tout d’abord vous adresser ses remerciements pour votre aide, votre accompagnement et l’apport de votre expertise pour un processus électoral de décolonisation en Nouvelle-Calédonie qui soit libre, juste et transparent. 
6 Une liste d’anomalies constatées vous sera fournie avec cette note. 
7 La référence ONU de ce dossier est A/AC.109/896/Add.2. 
Toutefois, nous souhaitons vous transmettre dans ces pages nos attentes et nos besoins pour la mission de la Division de l’Assistance Electorale du Département des Affaires Politiques des Nations Unies. Mais aussi nous souhaitons vous exprimer nos réserves quant à certaines demandes inclues dans la lettre du Premier ministre et dans les termes de référence.
Par ailleurs, notre groupe souhaite pouvoir transmettre un fond de dossier à la mission EAD/DPA.


1. Les experts – observateurs – personnalités qualifiées indépendantes :
Le Groupe UC-FLNKS et Nationalistes émet le vœu que les experts choisis pour la mission EAD/DPA soient également sensibles aux questions de décolonisation et aux problématiques de colonies de peuplement.
Le Groupe UC-FLNKS et Nationalistes émet de fortes réserves sur le choix d’un expert de nationalité française. Dans ce cas, il pourrait y avoir de toute évidence un conflit d’intérêts.
2. Le rôle des observateurs :
Le Groupe UC-FLNKS et Nationalistes souhaite faire part, à la mission NAM, de son opinion quant au rôle des experts décrit par le Premier ministre français dans les « termes de référence » qu’il a soumis au Secrétaire général des Nations Unies.
S’agissant des « personnalités qualifiées indépendantes siégeant au sein des commissions administratives spéciales », il est écrit dans « compétence en matière d’encadrement » : « la personnalité qualifiée indépendante ne sera pas appelée à encadrer une équipe d’agents mais devra s’intégrer dans une structure collégiale ».
Notre groupe s’interroge sur ce que signifie « devra s’intégrer dans une structure collégiale ». En effet, si la personnalité qualifiée d’indépendante, l’observateur, est quelqu’un d’externe dont la fonction est d’observer le système électoral en Nouvelle-Calédonie, puis de faire un rapport de ce qu’il a observé ; sa fonction ne peut pas être celle de s’intégrer dans une structure collégiale. Car s’intégrer veut dire « prendre part à » et si l’observateur prend part à, il risque d’être dans une position déontologiquement contradictoire. Il ne peut être juge et partie.
De plus, malgré les demandes du Groupe UC-FLNKS et Nationalistes d’organiser la consultation sur l’accession du pays à la pleine souveraineté en partenariat avec les Nations Unies, l’Etat français a souhaité continuer l’organisation de ces élections selon son propre système interne en acceptant toutefois la présence d’observateurs de l’ONU. Dans ce cadre choisi par l’Etat français, la participation des experts ne peut donc se faire que par leur action d’observer et de rapporter.
 
Par ailleurs, notre groupe conteste fortement, depuis plusieurs années, le système actuel d’établissement et de révision des listes électorales spéciales en Nouvelle-Calédonie. Ainsi, y voir les observateurs des Nations Unies s’y intégrer pose, pour nous, un certain nombre de problèmes éthiques et déontologiques.
S’agissant de la « personnalité qualifiée indépendante siégeant au sein de la commission consultative d’experts », notre analyse est la même que celle développée ci-dessus. En effet, il écrit dans les « termes de référence » du Premier ministre français sous « fonctions et responsabilités » que : « l’observateur est chargé de :
- Participer à la formulation d’avis sur la question des centres des intérêts matériels et moraux en réponse aux questions posées par les présidents ou les membres des commissions administratives spéciales, à l’occasion de l’instruction d’une demande
d’inscription sur la liste électorale spéciale ou d’une radiation ;
- Apporter une garantie à l’objectivité et à la légalité du processus ».
Dans ces « termes de référence », il est donc demandé à l’observateur de l’ONU de participer à la formulation d’un avis collectif sur les centres des intérêts matériels et moraux des personnes souhaitant se voir inscrites sur les listes électorales spéciales.
Or, au départ, la commission consultative d’experts devait être composée uniquement de véritables experts en matière électorale. C’est-à-dire des experts internationaux (selon le vœu des indépendantistes) ou des magistrats (selon le vœu des non indépendantistes). Aujourd’hui, hormis le magistrat qui la préside, la commission consultative d’experts sera composée de représentants politiques qui donneront donc un avis politique.
De plus, la commission consultative d’experts ne devait pas porter uniquement sur les centres des intérêts matériels et moraux mais devait, selon le relevé de conclusions du Comité des signataires d’octobre 2014 qui la mentionnait pour la première fois, être « chargée d’apporter des éclairages jurisprudentiels ou des recommandations de principe à toute commission administrative spéciale, sur demande de cette dernière ».
Cela n’a donc pas de sens d’impliquer un expert international onusien dans la formulation d’avis d’une commission consultative d’experts sous ce format « interne ».
Dans ce format, l’observateur onusien devrait rester un observateur, car là aussi il ne peut être juge et partie. 
3. La formation des experts donnée par le Haut-commissariat :
Le Groupe UC-FLNKS et Nationalistes souhaite attirer l’attention de la mission NAM sur la question de la formation des experts qui sera délivrée par le Haut-commissariat.
D’une part, le Haut-commissariat a l’habitude de faire appel aux services d’Anne Gras, avocate dont les convictions et l’engagement politique est très proche des non-indépendantistes.
Pour notre groupe, il paraît évident que la formation des experts ne peut être donnée par une personne comme Anne Gras qui a une interprétation des textes en faveur des non-indépendantistes.
La formation des experts devrait être donnée de manière objective et impartiale afin que les experts puissent avoir connaissance de l’ensemble des éléments et interprétations.
D’autre part, l’avis du Congrès de la Nouvelle-Calédonie sur le projet de décret pris en application de l’article 189-II-5 (sur les personnalités qualifiées indépendantes siégeant au sein des commissions administratives spéciales) stipule « qu’il est souhaitable que les observateurs puissent bénéficier d’une formation spécifique. De même, cette formation devrait également bénéficier aux personnels communaux, aux tiers électeurs, aux magistrats et aux personnes siégeant au sein des commissions administratives spéciales (CAS) afin que tous aient les mêmes informations quant aux règles applicables en Nouvelle-Calédonie ».
Malgré cet avis unanime du Congrès, le Haut-commissariat n’a pas jugé pertinent d’effectuer une formation pour tous. Il a décidé que la formation des experts serait faite en aparté. Notre groupe a toutefois demandé à ce que le groupe de travail restreint8 puisse assister à cette formation. Ceci a été accepté par le secrétaire général du haut-commissariat lors de notre dernière réunion du mercredi 13 janvier 2016. 
4. Les rapports des observateurs :
Le Groupe UC-FLNKS et Nationalistes souhaite attirer l’attention de la mission NAM sur le fait que la lettre du Premier ministre français au Secrétaire général des Nations Unies ne prévoit pas l’envoi des rapports des observateurs de l’ONU au Comité spécial de décolonisation.
Or, d’une part, les avis unanimes du Congrès de la Nouvelle-Calédonie9, sur les personnalités qualifiées indépendantes siégeant dans les commissions administratives spéciales et sur la commission consultative d’experts, stipule que « le congrès souhaite qu’un rapport d’activité annuel soit rédigé par les experts ou observateurs compétents en matière électorale au plus tard un mois après la fin des travaux annuels de la commission puis présenté au Ministre chargé de l’outre-mer et au Président du congrès de la Nouvelle-Calédonie. Ce rapport devra également être présenté, dans ce même délai, au Président du Comité spécial de décolonisation des Nations Unies. ». Les rapports devraient donc être présentés à trois instances (au Ministre chargé de l’outre-mer, au Président du Congrès de la Nouvelle-Calédonie ET au Comité spécial de décolonisation).
 
8 Ce groupe de travail restreint est chargé de la mise en application des décisions du Comité des signataires Extraordinaire de juin 2015 sur la question des listes électorales spéciales. Il est composé des services du Haut-commissariat et des représentants des groupes politiques au Congrès en respectant le principe de parité entre indépendantistes et non-indépendantistes. Il se réunit régulièrement au Haut-commissariat depuis juillet 2015.
9 Avis sur le projet de décret pris en application de l’article 189-II-5 de la loi organique n°99-209 du 19 mars 1999 et avis sur le projet de décret pris en application de l’article 218-1 de la loi organique n°99-209 du 19 mars 1999. 

D’autre part, c’est bien le Comité spécial de décolonisation des Nations Unies qui est en charge du suivi du processus de décolonisation de la Nouvelle-Calédonie depuis que celle-ci a été réinscrite sur la liste des territoires non autonomes le 2 décembre 1986.
De plus, la lettre du Premier ministre mentionne « les excellentes relations » entre la France et l’ONU sur la Nouvelle-Calédonie. Rappelons que ces relations s’effectuent exclusivement dans le cadre des réunions et sessions du Comité spécial de décolonisation et de la Quatrième commission de l’Assemblée générale. Il paraît donc logique qu’un rapport puisse également être transmis au président du Comité spécial de décolonisation. 
5. Le travail des commissions administratives spéciales chargées de l’établissement et de la révision des listes électorales :
S’agissant du travail au sein des commissions administratives spéciales chargées de l’établissement et de la révision des listes électorales, la Commission Politique et Citoyenneté du FLNKS et des Nationalistes et le Groupe UC-FLNKS et Nationalistes ont constaté au fil des années un grand nombre d’anomalies10. Ainsi, nous souhaitons attirer l’attention de la mission NAM sur les points ci-dessous qu’il nous paraît important d’observer par les experts à déployer par les Nations Unies :
- Est-ce que chaque membre des commissions administratives spéciales, en plus du magistrat, peut avoir sous les yeux les listes et autres documents, dont ceux préparées par l’ISEE11 et la mairie, afin que chacun puisse prendre connaissance du dossier du demandeur et des électeurs concernés pour prendre les bonnes décisions.
- Comment les décisions se prennent-elles ? A la majorité ? Est-ce une majorité politique ? Quelle est la position du représentant de l’Etat, du représentant de la mairie et du magistrat ? Leur position est-elle politique ou respectueuse de la loi ?
- Est-ce que la commission administrative spéciale vérifie bien que les électeurs arrivés entre 1988 et 1998 remplissent les critères requis par la loi et sont inscrits sur les deux listes électorales de février et de novembre 1998 ?
- Quel est le temps laissé aux membres de la commission pour leur permettre de prendre des notes si besoin (notamment en cas de positions contradictoires) ?
- Y a-t-il des électeurs kanak qui se voient refuser par la commission leur inscription sur la liste spéciale pour les élections provinciales ou sur la liste spéciale pour la consultation sur l’accession du pays à la pleine souveraineté ?
- Est-ce que, pour chaque décision, la commission détient des renseignements correspondant à des pièces officielles, notamment sur la filiation ou sur la nécessité d’avoir un parent inscrit sur liste spéciales pour les élections provinciales ? 
10 Une liste des anomalies vous sera remise avec cette note.
11 Institut de la Statistique et des Etudes Economiques 
6. Le travail de la commission consultative d’experts :
- Est-ce que les avis, qui sont collectifs, sont tranchés à la majorité politique ? Quelle est la position du représentant de l’Etat, du représentant de la mairie et du magistrat ?
Leur position est-elle politique ou respectueuse des critères requis par la loi ? 
7. L’évaluation du litige électoral :
Dans le relevé de conclusions du Comité des signataires Extraordinaire du 5 juin 2015, il est écrit que « les partenaires calédoniens acceptent la proposition de faire procéder par des experts de confiance, dans les meilleurs délais, à une évaluation quantitative du litige électoral12. La méthode employée respectera strictement l’anonymat vis-à-vis des tiers des personnes concernées. Cette démarche aboutira à évaluer la part du litige qui concerne des situations postérieures à la date du 8 novembre 1998 et la part relative à des situations de personnes installées avant 1998. ».
Les résultats de cette évaluation du litige délivrés par l’expert de confiance choisi par l’Etat français, Ferdinand Melin-Soucramanien, ont établi que sur 3974 personnes dont il a été reconnu au dernier Comité des signataires du mois de juin qu’elles pouvaient avoir été indûment inscrites sur la liste électorale pour les provinciales :
- 586 personnes (qui ne sont pas inscrites sur les listes de 1998 mais qui sont pourtant inscrites sur la liste spéciale pour les provinciales) ont été identifiées comme arrivées avant 1988 ;
- 2326 personnes (qui ne sont pas inscrites sur les listes de 1998 mais qui sont pourtant inscrites sur la liste spéciale pour les provinciales) ont été identifiées comme arrivées entre 1988 et 1998 ;
- 870 personnes (qui ne sont pas inscrites sur les listes de 1998 mais qui sont pourtant inscrites sur la liste spéciale pour les provinciales) ont été identifiées comme arrivées après 1998 ;
- 192 personnes (qui ne sont pas inscrites sur les listes de 1998 mais qui sont pourtant inscrites sur la liste spéciale pour les provinciales) n’ont pu être identifiées sur une date d’arrivée car il n’y a aucune trace d’elles dans les fichiers examinés par l’expert de confiance.13
Les groupes politiques non-indépendantistes souhaitent que cette évaluation s’arrête là. 
12 Le litige électoral porte sur la liste spéciale des élections provinciales pour laquelle la Commission Politique et Citoyenneté du FLNKS et des Nationalistes et notre groupe ont dénoncé les fraudes et les inscriptions abusives sans respect des critères requis par la loi. Ces fraudes sont évoquées et expliqués en introduction de ce document.
13 Ces fichiers sont les fichiers des services fiscaux, des finances publiques, de la CAFAT (sécurité sociale), de la mutuelle des fonctionnaires, du vice-rectorat.

Pour le Groupe UC-FLNKS et Nationalistes, il est primordial d’aller jusqu’au bout de l’évaluation pour savoir si ces personnes identifiées remplissent les critères requis par la loi. Ce travail ne pourra se faire qu’en levant l’anonymat des personnes concernées. Une fois déterminée si elles remplissent ou non les critères, il s’agit soit de les maintenir sur la liste, soit de les radier afin d’avoir des listes électorales justes et transparentes. Ce n’est qu’en obtenant des listes électorales justes et transparentes que notre groupe pourra considérer que les résultats des élections à venir sont fiables. Ce travail de vérification et de radiation qui peut concerner 3388 électeurs, d’après les premiers résultats transmis par Ferdinand Melin-Soucramanien, devrait pouvoir s’effectuer durant la tenue des commissions administratives spéciales du 1er mars au 30 avril 2016.
Nouméa, le 21 janvier 2016  
Le Groupe UC-FLNKS et Nationalistes