Dans un an doit se tenir le référendum
d’autodétermination de Kanaky/Nouvelle-Calédonie. Ce territoire du
Pacifique est une colonie depuis 1853, et a été réinscrit en 1986 par
l’ONU sur la liste des territoires non autonomes à décoloniser. Les
Kanak n’ont jamais accepté la spoliation de leurs terres et la négation
de leur culture.
En 1988, les accords Matignon-Oudinot mettaient fin à une nouvelle
révolte écrasée dans le bain de sang d’Ouvéa, où 19 Kanak furent tués,
certains exécutés alors qu’ils étaient prisonniers. Cet accord prévoyait
une période de 10 ans avant la tenue d’un référendum
d’autodétermination, mais en 1998 l’accord de Nouméa a repoussé
l’échéance à fin 2018.
L’accord a été signé par les indépendantistes du FLNKS1 et les loyalistes du RPCR2.
L’État est le troisième partenaire, censé accompagner la mise en place
des conditions d’une possible indépendance et veiller à l’application de
l’accord.
Les Kanak sont devenus minoritaires sur leur territoire au début du 20e
siècle. 80 % de la population a disparu suite aux massacres et à la
spoliation de leurs terres, qui a entraîné une sous-nutrition et rendu
mortelles les maladies importées par les colons. Depuis, ils sont
maintenus en minorité par une immigration de peuplement, théorisée en
1972 par Messmer, Premier ministre : « À long terme la revendication
nationaliste autochtone ne sera évitée que si les communautés non
originaires du Pacifique représentent une masse démographique
majoritaire. »
L’accord de Nouméa prévoit que le corps électoral du référendum est
restreint, avec seulement les personnes arrivées avant 1998 et ayant 20
ans de résidence continue, et les jeunes nés sur le territoire et
résidant depuis 10 ans. Depuis plus d’un an les indépendantistes
alertent l’État sur l’absence de nombreux Kanak de la liste
référendaire. À l’approche de l’échéance, la liste actuelle fausse ainsi
complètement l’issue du scrutin : 22 780 Kanak, sur 90 740 en âge de
voter, ne figurent pas sur les registres électoraux.
Le comité spécial de décolonisation de l’ONU a jugé en juin « indispensable l’établissement de listes électorales crédibles et transparentes en Nouvelle-Calédonie ». En termes moins diplomatiques : la liste n’est pas crédible.
La pression monte
Sous la pression du Rassemblement des indépendantistes et des
nationalistes (RIN), le comité des signataires chargé du suivi de
l’accord de Nouméa vient d’admettre la nécessité d’inscrire sur la liste
électorale 7 000 Kanak relevant du droit civil coutumier, personnes
anciennement régies par le code de l’indigénat et leurs descendants.
10 000 autres Kanak relevant normalement du même droit, la sincérité du
scrutin est encore loin d’être assurée même si le gouvernement a accepté
que la révision des listes électorales soit repoussée au-delà du
31 décembre 2017 et que des observateurs de l’ONU supervisent le
scrutin.
La mobilisation des indépendantistes va se poursuivre pour
l’inscription de tous les Kanak, sur la question qui va être posée à
l’occasion du référendum et sur le projet de société. Les partis
indépendantistes en discutent pour l’instant chacun de leur côté, mais
il serait nécessaire d’avoir rapidement une position ferme et unitaire
face au gouvernement et aux colonialistes.
Ceux-ci se mettent en ordre de bataille. La venue prochaine de Manuel
Valls à la tête d’une mission parlementaire pour discuter de la
question fait partie de ce dispositif. Quand il était Premier ministre,
il a fait traîner le transfert des compétences prévu par l’accord de
Nouméa et n’a rien fait pour organiser l’inscription des Kanak sur la
liste référendaire. Il n’a jamais caché son souhait de maintenir la
Nouvelle-Calédonie dans la France.
L’information et le soutien à la lutte légitime du peuple kanak doivent se développer.
Bernard Alleton