L’occupation française de la Nouvelle Calédonie
serait seulement aberrante si on s’arrêtait à la
seule géographie et aux 17 000 kilomètres qui
séparent la France de ce territoire. L’archipel se trouve
littéralement aux antipodes de la métropole. Il y
aurait, pour tout Français qui déciderait
soudainement de s’y installer pour quelques temps, à
tout le moins de quoi s’interroger sur cette bizarrerie.
Mais, comme pour tout pays ayant été colonisé,
l’Histoire y est faite de massacres, d’oppression, de
vols de terres, d’attaques contre la culture
autochtone. Rares sont les blogs
d’expatriés qui n’abordent pas la
cohabitation avec les Kanak, ou la
question de l’indépendance. Les
positions varient de la défense de
la souveraineté française à la
distance proche du déni, en
passant par le malaise [1] et
quelques rares manifestations de soutien à la cause
kanak.
A l’autre bout de la Terre, les Kanak se débattent
depuis plus de 160 ans avec une situation
monstrueuse patiemment construite par une
politique de peuplement pensée et mise en œuvre par
l’État français [2].
Les dirigeants successifs, en sinistre jeu de plateau, y ont poussé les pions de groupes humains pour asseoir la mainmise de l’empire : bagnards de la Commune de Paris, tirailleurs sénégalais punis, déportés indochinois ou algériens, Wallisiens et Futuniens, ancien partisans de l’Algérie française, parfois de l’OAS, qu’on a jugé préférable de mettre loin, protégeant la France de leur potentiel déstabilisateur tout en leur permettant de retenter l’expérience coloniale ailleurs...
Les dirigeants successifs, en sinistre jeu de plateau, y ont poussé les pions de groupes humains pour asseoir la mainmise de l’empire : bagnards de la Commune de Paris, tirailleurs sénégalais punis, déportés indochinois ou algériens, Wallisiens et Futuniens, ancien partisans de l’Algérie française, parfois de l’OAS, qu’on a jugé préférable de mettre loin, protégeant la France de leur potentiel déstabilisateur tout en leur permettant de retenter l’expérience coloniale ailleurs...
Mais l’histoire des Kanak est aussi celle de leur
résistance, par les armes lors des différentes
insurrections ou par le combat non moins visible
pour défendre et affirmer une culture sauvée du
rouleau-compresseur républicain et colonial. Ce
dernier fit ainsi interdire en 1921 la publication
d’écrits dans les nombreuses langues kanak. La lutte
est omniprésente, jusque dans les logos des trois
provinces du pays : des flèches faîtières traditionnelles
pour la Province nord et celle des îles Loyauté, toutes
deux à majorité Kanak ; trois traits bleu-blanc-rouge
au milieu de celui de la Province sud où se trouve la
riche et blanche Nouméa. La société calédonienne a
de fâcheux airs de ségrégation raciale.
Quand les anticolonialistes dénoncent encore le
maintien d’outils de domination
de la France sur les pays françafricains, il y a matière à se réjouir
de voir le processus de décolonisation de la Kanaky se diriger
vers une issue : le premier référendum devrait se tenir dans un
an pour le transfert des dernières
compétences et peut-être l’indépendance du pays.
Mais la partie n’est pas jouée : l’indépendance fait par
fois peur à des personnes broyées par le système colonial, qui en
régnant a tout fait pour paraître
indispensable. Elles seules pourront dire l’avenir
qu’elles souhaitent. À nous de nous tenir aux côtés de
ceux qui dénoncent les manipulations électorales à
l’œuvre, par lesquelles la voix légitime du peuple colonisé menace
d’être noyée. A nous aussi d’être vigilants pour que les méthodes
françafricaines ne soient
pas appliquées pour dénaturer les lendemains d’une
éventuelle décolonisation. Kanaky, nom d’une liberté
déjà écrite par les graffitis des indépendantistes, de
viendra peut-être celui de la Nouvelle Calédonie.
[2] Une lettre de l’ancien Premier ministre Pierre Messmer l’illustre
bien : « Kanaky : une lettre oubliée de Pierre Messmer », rebellyon.info, 19/07/2017.
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