Vu de loin, un vote sur
l’indépendance d’une colonie française sonne comme un événement
exceptionnel. Mais la décolonisation tant attendue à l’issue du
référendum du 4 novembre 2018 en Kanaky-Nouvelle Calédonie est
incertaine.
Dans cette société fortement ségrégée (Billets 272, 11/2017),
le soutien au projet indépendantiste épouse assez nettement la
répartition coloniale : aux élections locales de 2014, les
indépendantistes recueillaient plus de 70 % dans les régions peuplées à
plus de 70 % de Kanak tandis que dans les autres, comme à Nouméa, ce
vote tombait à moins de 50 ou même 25 % (Le Monde, 02/12/2017). Même si
toutes les nuances de positionnements individuels cohabitent [1], la proportion de Kanak sur le corps électoral référendaire est déterminant.
La « consultation » ne semblait pas passionner les foules, au début du mois d’octobre si on en croit un envoyé spécial de Mediapart (05/10), qui décrivait des meeting peu suivis « en dehors des cercles coutumiers ». Les différents mouvements indépendantistes sont partagés : le Parti travailliste appelle à ne pas participer (cf. article Refus de participer) tandis que le FLNKS, dont la lutte a permis ce référendum, fait logiquement campagne pour le « oui ». Face à un récent sondage pronostiquant le refus de l’indépendance à 66 %, plusieurs représentants de la coalition indépendantiste affirment qu’une victoire est pourtant possible.
Et si le résultat n’est pas favorable, Daniel Goa, porte-parole du FLNKS, a réitéré la détermination du mouvement à obtenir l’indépendance et appelé tous les calédoniens à se positionner clairement : « À ceux qui sont encore indécis, nous leur offrons une terre, un droit de vote, un pays qui deviendra le leur. Que vont-ils nous répondre ? En ce qui nous concerne nous irons massivement voter pour dire que nous voulons ce nouveau pays. Et s’il le faut, nous le réaffirmerons deux autres fois. C’est notre tradition d’accueil millénaire qui s’exprime. Mais au bout de 3 fois, nous ne chercherons plus à nous ouvrir, nous irons négocier notre souveraineté pleine et entière directement avec l’État colonisateur. Cette fois-ci les invités d’aujourd’hui, conformément à leur choix qu’ils devront assumer, ne participerons plus à ces négociations car ils se rangeront derrière leur pays de choix. Que cela soit clair et qu’on ne vienne pas nous le reprocher. [3] »
Reportage diffusé sur la chaîne Calédonia https://www.dailymotion.com/video/x6v0fgc
L’État français a prévu des mesures pour endiguer un éventuel embrasement le jour du vote, interdisant la vente et la consommation d’alcool autour des bureaux de vote, ainsi que le transport d’armes. Il a aussi dépêché des renforts de 300 gendarmes.
Si la question sociale ne se résume pas à celle de l’indépendance, le FLNKS considère que la pleine souveraineté est une condition nécessaire à toute amélioration. Pour Daniel Goa, « l’objectif politique de l’indépendance est avant tout de mettre fin au modèle de société et de ne pas replonger dans les vieux démons du colonialisme et de son économie de comptoirs. […] La fin du pillage c’est veiller à mieux répartir la richesse ». Il dénonce l’entente « non désintéressée » entre les multinationales et « les élus locaux ». En cas de maintient de la situation actuelle, « ils s’accapareront tout encore une fois. Rien ne restera pour nos générations futures et nous ne sommes pas nés pour regarder le train passer. Ces élus de la peur et du NON sont en train de nous vendre pour leur seul profit. […] Le lendemain du Oui l’enjeu sera de dénoncer les accords commerciaux conclus en notre défaveur durant la période coloniale (titres miniers, pactes fiscaux léonins, énergie solaire, télécommunications, contrats de travail, etc...) ». L’histoire françafricaine montre que de telles opportunités sont rares.
Les listes de la discorde
Encore aujourd’hui, des incertitudes planent sur la composition de cette liste. Difficile de savoir si tous les Kanak oubliés dont le FLNKS demandait l’inscription automatique y figurent désormais, ni quelle proportion le peuple colonisé représentera le jour du vote. Des indépendantistes ont communiqué le chiffre de 92 000 Kanaks en âge de voter. Dans l’hypothèse où ils seraient tous inscrits et en capacité de voter, ils seraient donc majoritaires sur les 174154 électeurs que la liste compte actuellement. Mais le haussariat [2] a démenti cette évaluation et estime à 46 % la part des personnes relevant ou ayant relevé du droit coutumier, donc a priori, Kanak (La Dépêche de Nouvelle Calédonie, 01/10), ajoutant que les inscriptions étaient encore possible jusqu’au 4 novembre. Les irrégularités dénoncées par les indépendantistes ont par contre été maintenues (Billets 272).La « consultation » ne semblait pas passionner les foules, au début du mois d’octobre si on en croit un envoyé spécial de Mediapart (05/10), qui décrivait des meeting peu suivis « en dehors des cercles coutumiers ». Les différents mouvements indépendantistes sont partagés : le Parti travailliste appelle à ne pas participer (cf. article Refus de participer) tandis que le FLNKS, dont la lutte a permis ce référendum, fait logiquement campagne pour le « oui ». Face à un récent sondage pronostiquant le refus de l’indépendance à 66 %, plusieurs représentants de la coalition indépendantiste affirment qu’une victoire est pourtant possible.
Et si le résultat n’est pas favorable, Daniel Goa, porte-parole du FLNKS, a réitéré la détermination du mouvement à obtenir l’indépendance et appelé tous les calédoniens à se positionner clairement : « À ceux qui sont encore indécis, nous leur offrons une terre, un droit de vote, un pays qui deviendra le leur. Que vont-ils nous répondre ? En ce qui nous concerne nous irons massivement voter pour dire que nous voulons ce nouveau pays. Et s’il le faut, nous le réaffirmerons deux autres fois. C’est notre tradition d’accueil millénaire qui s’exprime. Mais au bout de 3 fois, nous ne chercherons plus à nous ouvrir, nous irons négocier notre souveraineté pleine et entière directement avec l’État colonisateur. Cette fois-ci les invités d’aujourd’hui, conformément à leur choix qu’ils devront assumer, ne participerons plus à ces négociations car ils se rangeront derrière leur pays de choix. Que cela soit clair et qu’on ne vienne pas nous le reprocher. [3] »
Stratégie de tension
Ce discours a été relayé de manière tronquée par les médias locaux et la droite coloniale, laquelle cherche à envenimer le débat. Se plaçant sur le registre de la peur (cf. article Rudiments de campagne anti-indépendance), les partisans de la Calédonie française sont à la source de tensions. Ainsi, le 7 octobre, sur la commune de Ouégoa, siège d’affrontements meurtriers dans les années 80, des manifestants opposés à l’indépendance ont tenté d’empêcher la tenue d’un meeting du FLNKS. Symbole édifiant : sur les façades du Congrès de Nouvelle Calédonie, les couleurs Kanak ont été enlevées, là où elles sont habituellement affichées conjointement avec le drapeau français (La Dépêche de Nouvelle Calédonie, 16/10).Reportage diffusé sur la chaîne Calédonia https://www.dailymotion.com/video/x6v0fgc
L’État français a prévu des mesures pour endiguer un éventuel embrasement le jour du vote, interdisant la vente et la consommation d’alcool autour des bureaux de vote, ainsi que le transport d’armes. Il a aussi dépêché des renforts de 300 gendarmes.
Au-delà du vote
En toile de fond de la campagne, les luttes rappellent que la situation sociale est néfaste pour le peuple premier. Ainsi, à Kouaoua, des jeunes Kanak perturbent depuis des mois les activités d’un site important de la SLN (Société Le Nickel), filiale d’Eramet, « pour protester contre l’exploitation de nouveaux gisements » et la pollution des terres engendrée par les mines. 11 incendies ont ciblé les installations depuis avril et l’accès a été bloqué. L’impact est réel puisque la société « perd un cinquième de son approvisionnement en minerai » (Nouvelle Calédonie la 1ère, 11/10). Par ailleurs, des mouvements ont bloqué plusieurs hôtels.Si la question sociale ne se résume pas à celle de l’indépendance, le FLNKS considère que la pleine souveraineté est une condition nécessaire à toute amélioration. Pour Daniel Goa, « l’objectif politique de l’indépendance est avant tout de mettre fin au modèle de société et de ne pas replonger dans les vieux démons du colonialisme et de son économie de comptoirs. […] La fin du pillage c’est veiller à mieux répartir la richesse ». Il dénonce l’entente « non désintéressée » entre les multinationales et « les élus locaux ». En cas de maintient de la situation actuelle, « ils s’accapareront tout encore une fois. Rien ne restera pour nos générations futures et nous ne sommes pas nés pour regarder le train passer. Ces élus de la peur et du NON sont en train de nous vendre pour leur seul profit. […] Le lendemain du Oui l’enjeu sera de dénoncer les accords commerciaux conclus en notre défaveur durant la période coloniale (titres miniers, pactes fiscaux léonins, énergie solaire, télécommunications, contrats de travail, etc...) ». L’histoire françafricaine montre que de telles opportunités sont rares.
[1] Comme l’illustre le récent film de Mehdi Lallaoui, « Kanaky-Nouvelle-Calédonie. La métamorphose du Caillou », disponible sur Mediapart.
[2] L’équivalent de la préfecture en Nouvelle Calédonie.