« Je n'ai rien à cirer de leur université bourgeoise ! Même si je
me suis servie en lisant beaucoup de livre à Cantuburry... Et beaucoup
de chose m'ont révolutionné ! », a soufflé cette petite bout de
femme venue spécialement de Nouvelle Zélande pour témoigner de son
parcours de militante. La « grande sœur Suzanne » est à la fois une
tante, une amie, une grande dame pour les anciennes qui l'ont connues.
Suzanne Ounei fait partie de ses anciennes activistes du GFKEL (Groupe
de Femmes Kanak Exploitées en Lutte) – groupe de pression du FLNKS dans
les années 80. « Ce n'est pas quelque chose de nouveau que les
femmes soient organisées, on a connu des moments difficiles mais
aujourd'hui d'être à Sarraméa, ça me donne envie de revenir pour 2014 !
».
Née le 15 Août 1945, Suzanne Ounei, une ancienne militante
indépendantiste qui a beaucoup œuvré pour la cause kanak et dans les
années 70 & 80. Son militantisme a dépassé les frontières de Kanaky.
Dans les années 90, elle est partie vivre avec son mari et ses enfants
au pays du nuage blanc. Une fois installée avec sa famille, elle a
étudié à l'Université de Canterbury en Nouvelle-Zélande (île du Sud).
Elle s'était inscrite au département de sociologie et science politique.
Qui êtes-vous ?
Suzanne Ounei : " je
suis une femme kanak de ce pays. Je suis née à Iaaï. J'ai été élevé à
Tyé à Poindimié avec le vieux Ostromoine Paola (issu de la famille de
Poindi Poinda ). Il était marié avec la soeur de ma mère. J'ai grandi
dans les barrières des colons là-haut aussi et dans les caféries. Mon
père a travaillé à la gendarmerie de Païta, c'est là-bas que j'allais
attraper en cachette des crabes avec mes petits copains, avec les
Bernanos. Il fallait passer sous les barrières des colons ..."
Quel est le but de votre présence ici à Sarraméa ?
Suzanne Ounei : "Je
me sens entièrement solidaire avec les femmes kanak de chez moi. C'est
vraiment un honneur d'être là ! Elles croient que c'est un honneur de
m'avoir alors que c'est tout le contraire pour moi ! J'ai fait beaucoup
de travail dans ma vie. Concernant le grand-chef qui est là et qui est
parti. (référence au grand chef Ataï). J'aimerai bien être là quand sa
tête va revenir.
En tant qu'ancienne
militante kanak, je voulais à tout prix revenir quand les femmes m'ont
invité ... Je lutte depuis le 2 septembre 1969 et j'ai toujours été sur
le terrain. J'étais là quand il y avait les foulards rouges. J'étais là
quand Nidoish Naisseline avait été incarcéré.
En tant que femme kanak
(je suis arrière grand-mère , grand-mère et mère). C'était important
pour moi de revenir et d'être là, de participer à cette rencontre avec
les femmes du pays, de les aider. J'espère que mon intervention va les
aider pour continuer leur travail. Mais de toute façon, j'ai l'intention
de revenir l'année prochaine ! ".
Qu'est-ce que ça vous inspire le thème : « les femmes en marche pour 2014 » ?
Suzanne Ounei : " C'est
important que les femmes prennent des décisions. Elles n'ont pas été
intimidées par les autres. C'est important que les femmes s'affirment à
travers le syndicat, l'USTKE et le Parti Travailliste. Elles ont décidé
qu'elles auront leur indépendance à travers le syndicat et le Parti
Travailliste. C'est important car sinon quand est-ce qu'on va être prêt ?
La France dit que nous ne sommes pas prêts mais ce n'est pas à elle de
décider pour nous ! C'est à nous Femmes Kanak de décider avec le peuple
Kanak ! ".
Le fait d'avoir une journée consacrée à la femme et de la
célébrer à travers le monde. Par rapport à ce que vous avez connu dans
les années 70 & 80, que ressentez-vous aujourd'hui ?
Suzanne Ounei : "Il
y a eu une sacrée évolution. J'ai été la première à barbouiller partout
« féministe ». Je ne dis pas « féminine » car pour moi, c'est trop
petit « féminine ». On devrait arrêter de dire « section féminine » car
c'est comme si on disait « Fais toi belle et tais-toi ! ». Il faut dire
simplement « féministe »".
Votre combat à travers la zone Pacifique et en Chine équivaut à mettre la femme au devant de la scène ?
Suzanne Ounei : "
C'est un combat à triple niveau : Le respect de la femme en elle-même,
la femme colonisée et la femme dans le néo-colonialisme. Avec le
développement de toutes les sociétés multinationales, les problèmes sont
soulevés aussi bien pour les femmes qui sont en Kanaky. Et je veux être
là pour lutter contre toutes les formes d'injustices qui touchent à la
femme. Je suis contre la globalisation ou la mondialisation. Je me
dissocie de la bourgeoisie. Je ne parle pas des gens qui sont obligés de
vendre leur sueur. Réellement, il faut qu'on arrive à se décoloniser, à
se décoloniser l'esprit ! "
Vous êtes partis vivre en Nouvelle-Zélande. Pour quelles raisons ?
Suzanne Ounei : " Je
me suis plutôt exilée. Je suis partie avec mon mari y vivre là-bas. Il
m'a présenté ses enfants. Maintenant, nous ne sommes plus ensembles mais
nous sommes restés amis. Pour ainsi dire, j'étais presque exilée car
ils l'ont stopppé trois fois en cinq ans pour venir me voir. C'était un
grand militant néo-zélandais. On a gardé nos relations par rapport aux
activités de l'époque. D'ailleurs quand on s'était quitté, lui il était
à-bas. On a besoin des camarades comme lui pour nous soutenir. Il a fait
une thèse sur la Kanaky : « L'éducation française en N-C ». Il
travaille actuellement à l'Université de Canterbury. Mon son ex-mari est
à la fois professeur et avocat. "
Que faisiez-vous en Nouvelle-Zélande pour vous occuper ?
Suzanne Ounei : " Après,
je suis repartie en Nouvelle-Zélande avec mes enfants. Pour mes
enfants, je voulais leur donner une nationalité kiwi au cas où … On ne
sait jamais ! Ils sont jeunes. Ma petite-fille a 18 ans, c'est une kiwi.
Le fils de mon frère , mon neveu a la double nationalité. Je voulais
que mes enfants aient la nationalité anglaise et qu'ils aient la paix
pour étudier. Mon neveu avait 2 ans et 7 mois quand je l'avais pris. "
Suzanne conclut l'échange en se remémorant ses années de lutte avec
d'autres femmes telles que Yvette Bouquet, Clémence Wamytan et d'autres
jeunes qui militaient à ses côtés avant qu'elle ne parte pour la
Nouvelle-Zélande.
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