Emmanuel Macron veut se rendre à Ouvéa pour les trente ans du massacre d'Ouvéa. Geste déplacé ou provocation ?
Le 5 mai 1988, dix-neuf Kanak ont été tués par les forces
spéciales de l’armée française – qui ont perdu de leur côté deux
militaires – lors de l’assaut de la grotte de Gossanah à Ouvéa, dont certains d’une balle dans la tête après le combat.
Précédant l’assaut de la grotte par les forces spéciales, le 22 avril
1988, un commando indépendantiste avait envahi la gendarmerie d’Ouvéa,
la confusion qui s’ensuivit provoqua la mort de quatre gendarmes et la
prise en otages de vingt-sept autres par les militants kanak.
Malgré les demandes de négociations faites par les Kanak d’Ouvéa, aucune solution ne fut trouvée pour éviter cet assaut.
Un collectif des habitants de la tribu de Gossanah entretient depuis
trente ans le souvenir de cette tragédie qui sera commémoré le 5 mai
2018. Les anticolonialistes en France procéderont également à plusieurs
commémorations autour de cette date anniversaire, nous y reviendrons
dans un prochain billet.
Stèle aux dix-neuf Kanak tués le 5 mai 1988 © I. Leblic
Dans une démarche de réconciliation et de transmission, ce collectif
d’Ouvéa participera le 22 avril au dépôt de gerbes en souvenir des
gendarmes et militaires morts à Ouvéa.
À quelques mois du référendum d’autodétermination, le président de la
République, Emmanuel Macron, annonce qu’il fera une visite en
Nouvelle-Calédonie. On indique qu’il prévoit un passage à Ouvéa le 5 mai
prochain, voire même qu’il se rendrait dans la grotte ! Un collectif
d’habitants d’Ouvéa en Nouvelle-Calédonie a protesté contre cette venue
d’Emmanuel Macron, trente ans jour pour jour après l’assaut de la grotte
de Gossanah, qui avait fait vingt-et-un morts dont dix-neuf
indépendantistes kanak. Pour ce collectif, comme sans doute pour toute
la communauté kanak, il s’agit d’un geste déplacé sinon d’une
provocation.
Solidaire des Kanak, l’AISDPK s’associe à cette protestation et ne
comprend pas comment l’Élysée a pu choisir précisément cette date
mémorielle. Elle demande que les autorités françaises mesurent la
gravité de cet acte et que cette visite du président français à Ouvéa
soit annulée ou reportée.
Les seules conditions qui permettraient à ce déplacement du président
de la République à Ouvéa de ne pas être perçu comme une provocation par
le peuple kanak et leurs soutiens seraient :
- Qu'il y annonce une reconnaissance des exécutions commises par les
militaires français, après l’assaut sur le site de la grotte puis, lors
des transferts de prisonniers, blessés ou non ; ainsi que des exactions
commises par les militaires contre les populations lors de la recherche
des otages (tortures à Gossanah), puis lors du traitement des
prisonniers.
- Et, qu'en conséquence, il s'engage sur l'ouverture des archives
sous protocole concernant la période, permettant ainsi la possibilité
d'une recherche de la vérité et d'une véritable justice.
Ces revendications sont anticolonialistes, elles rappellent les violences d'État validées, couvertes par la direction bicéphale de l'exécutif de l'époque.