PARTI TRAVAILLISTE
KANAKY
mardi 22 septembre 2020
Issue référendaire incertaine en Nouvelle-Calédonie-Kanaky
« le national-populisme est un fait récurrent et devient
massif quand il y a fragilisation du lien social, déconnexion entre
système politique et société, et incertitudes sur l'identité nationale.
Ces éléments se conjuguent aujourd'hui. Ils se conjuguent d'autant plus
dangereusement que des phénomènes nouveaux les cristallisent. Les
communautés-cibles proviennent du passé colonial français, d'un passé
qui n'a pas été assumé de manière cohérente par sa mémoire collective » 1
La bipolarisation de la classe politique néo-calédonienne, conforte la nécessité d'une consultation citoyenne 2,
au sujet de l'accès ou non à l'indépendance de la
Nouvelle-Calédonie-Kanaky. Traduisant de véritable matchs politiques
référendaire entre deux ethno-nationalisme ( kanak vs français ) 3.
« Une autre source de la pensée raciale a été le
« darwinisme social », qui a promu une vision hiérarchique du monde en
interprétant les inégalités sociales comme naturelles et les tentatives
d'y remédier comme une menace de submersion des supérieurs par les
inférieurs, un risque de dégénérescence. Telle est l'origine de
l'eugénisme. Ces exemples illustrent l'existence d'une matrice commune
au nationalisme, au racisme et aux conceptions hiérarchiques de la
société » 4
D'un côté une « superbe à la française » forte du paradigme libéral, attribuant (soi dit en passant) aux insulaires 5,
un sacre existentiel sans substance. Autrement dit, une « liberté » qui
paradoxalement ne fournit pas plus de moyens ( que cela) de contrôler
leurs vies ( du moins pour ceux qui n'ont pas un statut de
privilégiés), bien au contraire les asservit d'avantage à la société de consommation.
" être libre ce n'est rien, devenir libre c'est le ciel " Fichte
De l'autre la vision indigéniste 6,
nuance la modernité d'avoir ériger « l'homme total », tandis qu'elle a
ostracisé les racisés, au seul profit des « blancs » . Reflétant ainsi
la vision essentialisante de l'indépendance, comme solution ultime, aux
maux du peuple premier 7.
« Si l’intégration s’adresse à des individus achevés ou en
devenir c’est pour leur accorder la plénitude de leurs droits selon une
perspective égalitariste abstraite, qui voilerait, pour mieux les
ignorer, les origines et les particularités dont ils sont
dépositaires. » 8
La cristallisation politique, n'est-elle pas le reflet d'une certaine suffisance ?
Suffisance, d'une vision apologétique marxiste qui consiste à contrôler
le processus de transformation du nickel. Certes viable, mais au
combien aliénante via une perception émancipatrice du surproductivisme, au grand dam
semble t-il de la biosphère. Et pour cause, cela dénote le discours de
certains indépendantistes, de vouloir miser sur une forme d' « économie
de rente » 9,
tout en vantant le rapport privilégié à la terre du peuple premier,
qu'eux mêmes ( sous couvert de modernité) contribuent à pervertir.
Suffisance à « rester » français qui logiquement n'exempte en aucuns cas
de « devoir » porter un projet de société ( quand bien-même) ambitieux,
répondant ainsi à des enjeux contemporain ( exemple, le réchauffement
climatique). Suffisance, du fait de ne pas, envisager de manière ferme,
un « après nickel », traduisant une certaine tiédeur politique,
d'aborder cette question. Et enfin suffisance d'évoquer le destin commun, telle
une formule magique unitaire qui revêtirait d'avantage la forme d'une
« thérapie de groupe stérile », renvoyant chacun devant sa volonté de
tendre ( ou non) la main à l'autre, sans jamais vraiment s'attaquer aux
disparités sociales qui sévissent sur cet archipel et qui menacent (
vraisemblablement) le « vivre-ensemble ».
« Mes frères en esprits, écrivains de France (…). Que votre voix
s'élève ! Il faut que vous aidiez ceux qui disent les choses telles
qu'elles sont, non pas telles qu'on voudrait qu'elles fussent. Et plus
tard, lorsqu'on aura nettoyé les suburres coloniales, je vous peindrai
quelques-uns de ces types que j'ai déjà croqués, mais que je conserve,
un temps encore, en mes cahiers. Je vous dirai qu'en certaines régions,
de malheureux nègres ont été obligés de vendre leurs femmes à un prix
variant de vingt-cinq à soixante-quinze francs pièce pour payer leur
impôt de capitation. Je vous dirai... Mais, alors, je parlerai en mon
nom et non pas au nom d'un autre ; ce seront mes idées que j'exposerai
et non pas celles d'un autre. Et, d'avance, des Européens que je
viserai, je les sais si lâches que je suis sûr que pas un n'osera me
donner le plus léger démenti. Car, la large vie coloniale, si l'on
pouvait savoir de quelle quotidienne bassesse elle est faite, on en
parlerait moins, on n'en parlerait plus. Elle avilit peu à peu. Rares
sont, même parmi les fonctionnaires, les coloniaux qui cultivent leur
esprit. Ils n'ont pas la force de résister à l'ambiance. On s'habitue à
l'alcool. » 10
Cette suffisance souligne un manque de vision commune, une
perspective clientéliste cherchant à attiser les foules quant à une
issue référendaire, encore incertaine. Si bien qu'en l'état actuel, les
référendums scindent d'avantage les électeurs, marquant la difficulté de
constituer un peuple. Tant ils ont tendance à entretenir un climat
social et politique, pour le moins crispé. Perceptible entre autres via
une bataille de communication ( d'informations ou de désinformation) qui
fuse sur la toile ( via notamment l'apparition de « facho-sphères »).
Étant donné que cette consultation, s'articule dans l'imaginaire
collectif néo-calédonien, autour de l'antagonisme « tradition vs
modernité » 11 qui s'amorcerait, telle une aporie.
« Cette tension entre race, culture et nation n'avait point
été entièrement effacée, ni par la Révolution ni par le républicanisme.
Certes la Révolution avait affirmé la primauté de l'égalité de tous et
de la commune appartenance à la cité républicaine sur toutes autres
formes de distinction sociale ou raciale. Mais, en même temps, la France
révolutionnaire n'avait cessé de faire de la différence raciale un
facteur de définition de la citoyenneté. Petit à petit, la tension entre
un universalisme ignorant de la couleur et un républicanisme libéral
friand des stéréotypes raciaux les plus grossiers s'était enracinée dans
la science et dans la culture populaire françaises au moment de
l'expansion coloniale. Elle s'était exacerbée dans un contexte où
l'impérialisme colonial avait pour fonction de revivifier la nation et
le « caractère français » et de « diffuser les bienfaits de la
civilisation ». Au demeurant, la nécessité de diffuser notre
« civilisation » ne se justifiait que par la distinction nationale entre
la France et ses Autres. » 12
3 Mais tout deux plus ou moins au service d'un capitalisme financier.
4 Claude Liauzu, L'usage des termes « race, ethnie, nation » dans le contexte des conquêtes coloniales françaises », Table-Ronde « Rapports interethniques à Madagascar et construction nationale (19e et 20e siècles », 4 -5 décembre 1998, sous la direction de Françoise Raison, université Paris 7 – Denis Diderot.
6L' indigénisme c'est interpréter le monde par essence, en identités ataviques. D'autant plus que les valeurs d'appartenances sont aussi bien « inclusive », qu' « exclusive ». C'est en quoi le fait d'instituer une identité, au détriment d'autres, cristallise le monde, dans la binarité ( s'exposant à d'éventuelles rixes possible du « eux contre nous ») . Etre indigéniste c'est adopter la vision que « chaque peuple a une identité et une seulement ». Hors dépasser l'indigénisme, c'est « exorciser » l'identité de sa substance chauvine, sans pour autant abandonner sa nationalité, « mais considérer l'identité locale comme non exhaustive » ( Said, 2000). « , dépasser l'indigénisme ne veut pas dire abandonner sa nationalité : dans ces conditions, on sera moins ardent à s'enfermer dans sa communauté, avec ses rites d'appartenance, son chauvinisme et son sentiment de sécurité appauvrissant.(...) La nouvelle alternative est la libération, non l'indépendance nationaliste – libération qui par nature suppose de passer rapidement dit Fanon, de la conscience nationale à la conscience politique et sociale. » ( Said, 2000) Said Edward W, Culture et impérialisme, Fayard Le Monde Diplomatique, 2000, p.325-327.7 Souhait porté par des acteurs politiques bien installés dans leurs fonctions et qui ont perduré l'approche institutionnaliste, d'un Jean-Marie Tjibaou.
8 Nacira Guénif-Souilamas, « En un combat douteux », Revue européenne des migrations internationales, vol. 21 - n°2 | 2005, 91-109.
9 Avec pour model ( par excellence) l'usine KNS.
10 René Maran, Batouala 1921.
11 Mais encore « particularisme vs universalisme ».
12 Achille Mbembe, Sortir de la grande nuit, La Découverte, Paris, 2010, p.66.
Jean-Michel Guiard
Louis Kotra Uregei élu à la tête du MNSK
Etre à la table des négociations après le référendum
Ce nouveau parti issu de la fusion du Part travailliste et du MNIS (Mouvement nationaliste, indépendantiste et souverainiste) entend se faire une place au côté du FLNKS : « Le FLNKS n’a pas le monopole du projet indépendantiste, lance Munéiko Haocas, 2e vice-présidente du mouvement. Et nous, nous nous positionnons vraiment en cela : nous sommes l’alternative. Et nous serons demain à la table des négociations avec l’ensemble des formations politiques de ce pays. Demain, les premières actions, ce seront des campagnes d’information. Pour nous, le 4 octobre, c’est le rendez-vous historique du FLNKS et des loyalistes avec l’histoire. Mais demain, que ce soit le Oui ou le Non qui passe, nous serons à la table des négociations. »mardi 8 septembre 2020
Référendum en Nouvelle-Calédonie : le compromis incertain
Dans un mois pile, le 4 octobre prochain, se tiendra la deuxième consultation sur l’indépendance de la collectivité du Pacifique. La campagne se radicalise et les postures se crispent, au risque de perpétuer une situation intenable.
Bipolarisation de la campagne
En mai 2018, les élections provinciales – les plus importantes du territoire –, ont en effet rebattu les cartes, menant à « une bipolarisation de la recomposition politique », d’après Christiane Rafidinarivo, chercheuse invitée au Cevipof Sciences-Po. La majorité non-indépendantiste s’est transformée, explique la politiste : les loyalistes modérés de Calédonie Ensemble, jusqu’alors au pouvoir, ont cédé la place à une coalition de six partis, dont le Rassemblement national, réfractaires aux concessions. Et du côté indépendantiste, les rangs de l’historique Front de libération nationale kanak et socialiste (FLNKS), plutôt pondéré, ont été rejoints, entre autres, par le Parti travailliste (PT) qui avait refusé de participer au premier scrutin.
Autre motif de crispation : si le « Non » à l’indépendance l’emporte une nouvelle fois, un seul et dernier vote d’autodétermination sera organisé, selon les termes de l’accord de Nouméa de 1998. « Aujourd’hui, le “non” rassure, le “oui” inquiète. Pourtant, trois “non” devraient fortement inquiéter les Calédoniens », estime Mathias Chauchat, professeur de droit public à l’université de Nouvelle-Calédonie et partisan d’une émancipation progressive. « S’impose aujourd’hui l’idée qu’on ne pourra pas revenir en arrière et qu’une émancipation est irrémédiablement en marche, quelle que soit l’issue des référendums successifs », confirme Isabelle Merle, directrice de recherche au CNRS, spécialiste de la Nouvelle-Calédonie.
Vers un compromis sur la binationalité ?
Reste cependant à dépasser les craintes du camp loyaliste, qui paraissent insurmontables, à l’instar de la perte du passeport français en cas d’indépendance. Pour rassurer, les indépendantistes du FLNKS proposent à présent la possibilité de garder la nationalité française, et d’introduire, de facto, une binationalité. Mais l’État français traîne du pied. Dans un document qui détaille les implications du « Oui » et du « Non », le gouvernement n’avance aucune garantie, expliquant qu’il reviendra à l’Assemblée nationale et au Sénat de « déterminer les conditions dans lesquelles un maintien dans la nationalité française de certains ressortissants du nouvel État serait possible ». De quoi prolonger, encore, les incertitudes.