Le jeudi 10 octobre 2019 se réuniront à Paris les signataires des
accords de Matignon et de Nouméa pour discuter des suites du processus
de décolonisation de la Nouvelle-Calédonie, entamé en 1988. La date de
la seconde consultation sur l’indépendance et la question des listes
électorales seront à l’ordre du jour et des débats importants
s’annoncent, à l’heure où les acquis et les revendications du mouvement
indépendantiste ne cessent de rencontrer des obstacles.
Le processus de décolonisation a connu une étape cruciale avec la
première consultation du 4 novembre 2018 qui a confirmé la très forte
adhésion du peuple kanak à l’indépendance et prouvé qu’un vote
majoritaire pour la pleine souveraineté faisait toujours partie des
possibles, dans un futur proche. Deux autres consultations sont prévues
par les accords de Nouméa, en 2020 et 2022, mais alors que celles-ci
sont censées se dérouler dans des modalités identiques à la précédente,
l’Etat et les partis non-indépendantistes profitent de ce laps de temps
pour renforcer leur position au détriment du peuple kanak.
Les organisations françaises signataires, solidaires de
l’indépendance kanak, dénoncent les stratégies mises en œuvre, en
particulier :
- La volonté d’avancer la date de la seconde consultation, prévue normalement fin 2020. Ce changement serait défavorable au camp indépendantiste puisqu’il laisserait moins de temps à une évolution des votes, et tendrait donc à reproduire le résultat de novembre 2018 à l’avantage des non-indépendantistes.
- Les demandes d’une nouvelle modification de la liste électorale spéciale : En 2018 un accord exceptionnel avait été conclu entre indépendantistes, non-indépendantistes et l’Etat visant à inscrire automatiquement les Kanak de statut coutumier sur la liste (25 000 personnes qui n’étaient jusque là inscrites sur aucune liste électorale) et en contrepartie à l’ouvrir aux natifs justifiant de 3 ans de résidence continue à la date du vote. Il avait été convenu lors du comité des signataires et à l’unanimité du Congrès de Nouvelle-Calédonie que cet accord ne s’appliquerait que pour la consultation de 2018, or les groupes politiques non-indépendantistes demandent aujourd’hui à ce que cette mesure s’applique également aux votes de 2020 et 2022, ce qui reviendrait à élargir une fois de plus le corps électoral référendaire et ainsi à diminuer la proportion de Kanak sur la liste, l’objectif étant de modifier le rapport de forces en leur défaveur. Cette demande, qui sera probablement portée lors du comité des signataires, ne doit pas recevoir le soutien de l’Etat, qui irait alors à l’encontre des accords qu’il a pourtant signés.
- Le blocage du transfert de compétences prévu par l’article 27 de la loi organique de 1999 (audiovisuel, enseignement supérieur, contrôle de légalité des collectivités locales) : Ces compétences, qui devraient déjà être exercées par la Nouvelle-Calédonie, restent encore aux mains de l’État français, par une entente entre celui-ci et les partisans de la Calédonie française.
Dans le même temps, les revendications
des indépendantistes relatives aux dysfonctionnements constatés lors de
la première consultation rencontrent des obstacles. Il est urgent que
ces irrégularités soient résolues avant le prochain vote. Nos
organisations rappellent que cela relève de la compétence de l’Etat
français tant que celui-ci conserve sa tutelle sur la
Nouvelle-Calédonie. Nos organisations demandent donc qu’il prenne des
engagements clairs en ce sens et accède aux demandes des groupes
indépendantistes :
- Un audit des listes électorales doit être mis en place pour s’assurer que toutes les personnes qui y sont inscrites ont vocation à l’être. Il reste en outre 2865 Kanak qui n’ont pas été inscrits automatiquement sur la liste électorale faute d’avoir une adresse connue de l’administration. Les officiers coutumiers, qui ont le statut de fonctionnaires territoriaux, doivent être chargés par l’Etat d’identifier les personnes non-inscrites.
- Des moyens suffisants doivent être prévus lors du prochain scrutin pour pouvoir inscrire sur la liste le jour même du vote les personnes remplissant les critères. Cette disposition était prévue en 2018 mais le centre d’appel d’urgence n’a pas été doté des moyens nécessaires et a été saturé par le nombre important de demandes.
- Les demandes de procuration faites en France doivent être facilitées et encouragées. En 2018 l’Etat a manqué à ses obligations à ce sujet : beaucoup de commissariats de police ou gendarmeries n’ont pas été informés de l’existence d’un vote en Nouvelle-Calédonie et ont renvoyé de nombreux demandeurs qui se présentaient pour établir leur procuration.
Le processus de
décolonisation est à l’œuvre depuis 1988, il a été confirmé en 1998 par
les accords de Nouméa, signés par toutes les parties en présence et
inscrit par une loi organique dans la Constitution française. Il ne peut
donc pas être remis en cause et il n’est pas acceptable que le
mouvement indépendantiste soit forcé à chaque comité des signataires et à
chaque scrutin de s’engager dans un bras de fer pour défendre les
acquis de sa lutte et l’application des accords.
Premiers signataires
Collectif Solidarité Kanaky,
Association Information et Soutien aux Droits du Peuple Kanak (AISDPK),
Association Survie,
Mouvement des jeunes kanak en France (MJKF),
Union Syndicale Solidaires,
Réseau syndical international de solidarités et de luttes,
FASTI (Fédération des Association de Solidarité avec Tou-te-s les Immigré-e-s)
Ensemble !,
Nouveau parti anticapitaliste (NPA)
Contact presse
Thomas Borrel - (+33)6 52 21 15 61 - thomas@survie.org