À
 moins d’un an du référendum d’autodétermination en Kanaky-Nouvelle 
Calédonie, l’État français met le turbo pour que le « non » à 
l’indépendance l’emporte.
Macron avait expliqué 
pendant sa campagne électorale qu’il était pour le maintien de la 
Calédonie dans la France, c’est donc le Premier ministre Philippe qui 
s’y colle.
La méthode est simple : on multiplie les 
réunions où les indépendantistes sont largement minoritaires et, à la 
sortie, on salue le fait que la majorité des participants s’est mise 
d’accord pour un scrutin sincère et transparent, en mentionnant 
éventuellement qu’il y a des voix divergentes.
Fraudes sur les listes électorales
En
 novembre, au comité des signataires de l’accord de Nouméa, Philippe a 
mis tout son poids pendant les 10 heures de la réunion dans un salon de 
Matignon pour faire admettre aux loyalistes1 qu’il
 allait inscrire quelques Kanak en plus sur la liste référendaire, car 
l’ONU menace de déclarer le scrutin insincère. Le principe a donc été 
acté de l’inscription de 7 000 Kanak sur les 22 000 qui ne figurent pas 
sur la liste électorale, mais en échange 3 000 autres personnes pourront
 y figurer aussi à la seule condition d’être nées sur le territoire et 
d’avoir 3 ans de résidence, au lieu de 10 auparavant, une nouvelle 
concession imposée par l’État aux indépendantistes. 
Il
 existe des fraudes sur les listes électorales, avec des personnes qui 
ne devraient pas y être selon les critères définis pas l’accord de 
Nouméa de 1998 et la loi organique, mais les recours sont 
systématiquement rejetés par les juges venus de Paris. Modifier la loi 
organique si près de la date du référendum est une manœuvre grossière. 
Tout cela fait dire au président du Parti travailliste, Louis Kotra 
Uregei, que si les listes électorales sont trop frauduleuses la question
 du boycott se posera.
Vous avez dit « décolonisation » ? 
Quatre
 groupes de travail sont issus du comité des signataires : cela 
permettra sans doute au gouvernement d’affirmer qu’étant donné le nombre
 d’heures de réunion organisées, le scrutin est sincère. Une ficelle 
déjà largement utilisée lors de la loi de casse du code du travail… 
Début
 décembre, Philippe a passé quatre jours dans la colonie – un record 
pour un Premier ministre – pour proposer sa méthode jusqu’au 
référendum : beaucoup de « vivre ensemble », de « destin commun », 
d’immensité de la tâche… En toute neutralité, il a commencé son discours
 devant le Congrès du territoire par une référence à la ville du Havre. 
Il a ainsi glorifié la cité qui servit au 19e siècle à la 
« conquête du Pacifique », mais il n’est pas arrivé pendant son long 
séjour à prononcer les mots « colonie » ou « décolonisation », ce qui 
est pourtant l’objet du référendum, et sachant que pour l’ONU la 
Nouvelle-Calédonie est un territoire à « décoloniser ». Au final sont 
constitués un nouveau groupe de travail, cette fois restreint – pour 
mieux enfumer probablement –, et une commission des sages, aux contours 
et à la finalité flous, pour « veiller à ce que les propos et débats
 soient fidèles aux paroles et à la hauteur de ce qui doit être transmis
 aux jeunes générations » : c’est limpide. 
Une campagne qui ne dit pas son nom
Et
 ça va continuer. Cette semaine la mission de l’Assemblée nationale 
française, présidée par le colonialiste Valls, auditionne Urvoas en 
qualité de rapporteur de la dernière mission parlementaire sur le sujet.
 Urvoas, un personnage dont l’intégrité ne fait pas de doute, au regard 
de l’actualité… Début mars, c’est une mission du Sénat qui va voyager, 
puis un nouveau comité des signataires se réunira à Paris : il vaut 
probablement mieux sortir les acteurs de leur milieu pour leur mettre la
 pression. En avril ce sera au tour de Macron de faire le déplacement, 
une mission de l’Assemblée nationale trouvera elle aussi une date durant
 le premier semestre 2018… Le rythme des « visites » est inédit dans 
l’histoire de la colonie, mais cela ne saurait évidemment s’assimiler à 
une campagne pour le « non » au référendum.
Ici aussi 
il faut contrer la propagande colonialiste, en organisant notamment des 
réunions d’information et de soutien à la lutte du peuple kanak, pour 
qu’à la fin de l’année les Kanak puissent enfin, et librement, choisir 
leur destin.
Bernard Alleton


                            


