Etat
d’urgence, crise de l’accueil des réfugiés, ventes d’armes,
discriminations des Roms… revue de détail d’un sombre bilan en matière
de droits humains.
La France
vit sous état d’urgence depuis plus d’un an. Un état d’exception qui
menace les droits fondamentaux. Des catégories de personnes sont
particulièrement visées mais c’est toute la société qui subit cette
restriction des droits et des libertés.
D’autres
droits essentiels continuent d’être remis en cause ternissant le bilan
de la « patrie des droits de l’homme » en matière de protection des
droits. De l’accueil des réfugiés, à la lutte contre les discriminations, en passant par la nécessité de responsabiliser les ventes d’armes… les engagements manquent pour que les droits de tous soient garantis et protégés.
Une année sous état d’urgence
Les
attaques ou menaces d’attaques terroristes ont conduit les autorités à
renouveler l’état d’urgence à plusieurs reprises, entraînant des restrictions drastiques et disproportionnées aux libertés et à des droits essentiels : droit de circuler librement, droit au respect de la vie privée, à celui de manifester..
L’état
d’urgence confère au ministre de l’Intérieur et à la police des
pouvoirs exceptionnels. Il leur permet de perquisitionner des logements
sans autorisation judiciaire préalable et d’imposer des mesures de
contrôle administratif restreignant la liberté des personnes.
Des mesures qui peuvent être prises sur la simple base d’éléments
formulés de manière vague. Des mesures qui sont donc bien en deçà du
seuil requis pour l’ouverture d’une enquête judiciaire.
En chiffres
plus de 4 551 perquisitions sans autorisation judiciaire
Seules 0, 3% des mesures de l’etat d’urgence ont conduit à une enquête judiciaire pour faits de terrorisme.
612 personnes assignées à résidence
Menaces sur le droit de manifester
L’état
d’urgence permet désormais aux autorités d’interdire les manifestations
et son renouvellement les a conduites à restreindre le droit à
manifester arguant qu’elles n'étaient pas en mesure d’assurer le
maintien de l’ordre public.
Des dizaines de manifestations ont été interdites et plusieurs centaines de personnes ont fait l’objet de mesures administratives restreignant leur droit de circuler librement et les empêchant de participer à des manifestations.
La
police a fait usage à plusieurs reprises d'une force excessive contre
des protestataires, notamment en les chargeant violemment et en
utilisant des grenades lacrymogènes ainsi que des grenades de
désencerclement et des balles en caoutchouc, qui ont fait des centaines
de blessés.
L’accueil difficile des réfugiés
Calais évacué à tout prix ?
Le
24 octobre, les autorités ont commencé le démantèlement de la
« Jungle »de Calais. Ce camp informel abritait alors près de 6500 migrants ou demandeurs d’asile
qui n’ont pas été préalablement consultés ni informés, comme le droit
l’exige pourtant. Ces personnes ont alors été transférées dans des
centres d’accueil sur tout le territoire. Elles y ont reçu des
informations sur les procédures de demande d’asile.
Le 2 novembre, le Comité des droits de l’enfant des Nations unies a exprimé sa préoccupation à propos des mineurs de Calais laissés sans abri, sans nourriture ni accès à des services médicaux lors du démantèlement du camp.
Des
organisations de la société civile ont exprimé leur préoccupation sur
les procédures suivies pour près de 1 600 mineurs isolés qui vivaient
dans le camp de Calais.
Les autorités
françaises et britanniques devaient examiner conjointement la situation
de ces mineurs, en tenant compte de leur intérêt supérieur, et envisager
leur éventuel transfert au Royaume-Uni afin qu'ils retrouvent des
membres de leur famille. Elles n’ont pas été en mesure d’enregistrer
tous les mineurs et certains auraient été rejetés en raison de leur âge
présumé, sans être soumis à une évaluation approfondie.
Environ 330 mineurs avaient été transférés au Royaume-Uni à la mi-novembre.
Chercher une protection, se retrouver à la rue
En raison du manque de capacités d’accueil
et de moyens pour enregistrer les demandes d’asile dans la région
parisienne, plus de 3 800 demandeurs d’asile ont vécu dans des
conditions dégradantes et dormi dans la rue dans le 19e arrondissement
de Paris jusqu’à ce que les autorités les transfèrent, le 3 novembre,
dans des centres d’accueil.
Renvoyé en zone de guerre
Le
29 novembre, les autorités ont rejeté la demande d’asile d’un homme
originaire du Kordofan du Sud, une région du Soudan en proie à la
guerre, et elles l’ont renvoyé de force dans son pays,
où il risquait d’être persécuté. Un autre Soudanais, originaire du
Darfour, qui risquait d’être renvoyé dans son pays d'origine contre son
gré, a été libéré le 20 novembre à l’issue d’une forte mobilisation des
associations et de citoyens.
Nouvelles promesses d’accueil
Des Roms toujours menacés d’expulsions
Cette année encore, de nombreux Roms ont été expulsés de force des bidonvilles,
le plus souvent sans véritable consultation ni proposition de
relogement pérenne. Selon des organisations de la société civile, 4 715
personnes ont été expulsées de force au cours des six premiers mois de
l’année 2016. (7341 durant les 3 premiers trimestres 2016)
Le
24 juin, dans ses observations générales à la France, le Comité des
droits économiques, sociaux et culturels [ONU] a appelé les autorités à
donner un délai de préavis suffisant à toutes les personnes concernées
par une décision d’expulsion forcée et à leur proposer des solutions de
relogement adaptée.
Une polémique : le Burkini
Plusieurs
maires ont pris des arrêtés réglementant le port de tenues de plage
considérées comme contraires à l’hygiène et au principe de laïcité et
pouvant porter atteinte à l’ordre public. Les autorités ont notamment
pris des mesures pour interdire le port d'une tenue de plage recouvrant
totalement le corps et appelée « burkini ».
Le 26 août, le Conseil d’État a suspendu l'interdiction du burkini dans la ville de Villeneuve-Loubet, dans le sud de la France, qu’il n’a pas jugée nécessaire au maintien de l'ordre public.
La France toujours 4éme vendeur d’armes dans le monde
La France reste cette année encore le quatrième exportateur d’armes au monde et compte parmi ses principaux clients l’Égypte et l’Arabie saoudite.
Alors qu'il est clair que ces deux pays utilisent des armes pour
commettre ou faciliter des violations des droits humains, la France
semble manquer à son devoir de contrôle sur les armes qu’elle vend à des
pays tiers, bien qu'elle soit partie au TCA.
En
juin 2016, une famille palestinienne a déposé une plainte contre
l’entreprise française Exxelia Technologies pour complicité d’homicide
involontaire et de crimes de guerre dans la bande de Gaza. Trois des
fils de cette famille ont été tués en 2014 par un tir de missile
israélien visant leur maison à Gaza. Des investigations ultérieures ont
révélé qu’un composant de ce missile avait été fabriqué par Exxelia
Technologies. Les plaignants bénéficient de l’assistance de l’ONG
française ACAT.
Une avancée pour les personnes transgenres
Le Parlement a adopté, en octobre, une disposition législative autorisant le changement d'état-civil des personnes transgenres.
Elle
a mis en place une procédure permettant aux personnes transgenres de
solliciter la modification de la mention du sexe à l'état civil sans
avoir à produire de justificatifs médicaux. Elle impose toutefois de
répondre à certains critères relatifs au comportement social comme un
changement de prénom ou d'être connue par son entourage conformément au
sexe revendiqué.
Les multinationales françaises face à leurs responsabilités
L'Assemblée
nationale a adopté le 29 novembre une proposition de loi obligeant
certaines grandes entreprises françaises à mettre en œuvre un « plan de vigilance » en vue de prévenir les atteintes graves aux droits humains
et les dommages environnementaux résultant de leurs activités et de
celles de leurs filiales, ainsi que d’autres sociétés avec lesquelles
elles entretiennent une relation commerciale établie, et leur imposant
des amendes en cas de manquement à leurs obligations.
De
plus, toute insuffisance dans le plan qui entraînerait des atteintes
aux droits humains pourrait être utilisée par les victimes pour réclamer
des dommages intérêts à la société responsable devant un tribunal
français.
Après passage au Sénat, le texte devrait être adopté par l’Assemblée nationale le 21 février.
Rapport publié le 21.02.2017.