Des Kanaks à
Nouméa, en Nouvelle-Calédonie, le 14 juillet 1987 avant le référendum pour
l'indépendance
Paris - Les
Amérindiens de Guyane et les Kanak de Nouvelle-Calédonie, "peuples
autochtones" des Outre-mer, continuent à subir une marginalisation et un
manque d'accès aux droits, dans une France qui ne reconnait pas formellement
ces peuples, déplore la Commission nationale consultative des droits de L'Homme
(CNCDH).
Dans un avis
adopté jeudi à l'unanimité, la CNCDH s'est penchée sur "la place des
peuples autochtones dans les territoires ultramarins français",
première partie d'un travail plus global sur les droits de l'homme en
Outre-mer, qui fera l'objet d'autres avis à venir et d'une publication, a
indiqué à l'AFP la présidente de la CNCDH, Christine Lazerges.
"On attaque par ce qui est le plus délicat, là
où on est le plus loin de l'égalité réelle", a-t-elle expliqué,
faisant référence à la loi Egalité réelle outre-mer, récemment adoptée au
Parlement.
Pour cet avis, la CNCDH s'est focalisée sur les
Amérindiens de Guyane et les Kanaks de Nouvelle-Calédonie, "les seuls
peuples autochtones de la République française" selon les critères de
l'ONU: antériorité dans un territoire donné; expérience de la conquête ou de la
colonisation; situation de non dominance; revendication identitaire.
Les Amérindiens représentent moins de 5% (soit entre
6.000 et 10.000 personnes) de la population de Guyane, et les Kanaks environ
39% de la population de Nouvelle-Calédonie.
La France refuse de reconnaître formellement "les
peuples autochtones", car cela remettrait selon elle en cause le
principe d'unicité et d'invisibilité de la République, une analyse contestée
par la CNCDH.
La CNCDH, qui fait au total une quinzaine de
recommandations, préconise notamment d'utiliser le terme "peuples
autochtones" plutôt que "populations". "Utiliser
+Peuple+ renvoie beaucoup mieux à une communauté et à des coutumes et c'est
déjà une reconnaissance de leurs spécificités", estime Mme Lazerges.
Mais la CNCDH remarque que "la situation des
Kanaks est appréhendée par l'Etat de façon totalement différente de celles des
Amérindiens". Ainsi, avec l'accord de Nouméa (1998) qui "reconnaît
explicitement la légitimité des revendications des Kanaks", "la
Nouvelle-Calédonie est le seul exemple des territoires ultramarins français
dans lequel sont reconnues constitutionnellement les spécificités des peuples
autochtones".
A l'inverse, la prise en compte des particularismes
autochtones demeure difficile en Guyane, "où la tendance est à
l'alignement sur le droit commun".
- "un acte fort nécessaire" -
La CNCDH note certains efforts pour prendre en compte
les spécificités autochtones, comme la création d'un Sénat coutumier en
Nouvelle-Calédonie ou celle du Conseil consultatif des populations
amérindiennes et bushinenge en Guyane, transformé récemment en Grand conseil
coutumier.
Mais "les mesures prises restent lacunaires,
les autochtones continuant à subir une marginalisation et un manque d'accès aux
droits".
Elle recommande notamment à la France de ratifier la
"Convention 169 relative aux peuples indigènes et tribaux de
l'Organisation internationale du travail", seul instrument juridique
contraignant assurant "une véritable protection aux membres des peuples
autochtones", et reconnaissant "le droit collectif à la terre",
c'est à dire la reconnaissance de la propriété collective. Il s'agit d'une
revendication forte de ces deux peuples.
"Au regard de la situation de détresse
sociale, économique et environnementale de ces peuples, un acte fort de l'Etat
est nécessaire", insiste la CNCDH, qui recommande aussi de mieux les
faire participer à "la prise de décision" les
concernant.
Plus globalement, elle note que pour les Amérindiens
guyanais, notamment ceux de l'intérieur du département, qui vivent dans une
zone très peu urbanisée, "l'accès aux services primaires (eau potable,
électricité, soins primaires, scolarisation) et aux services régaliens
(inscription à l'état civil, etc.) n'est pas pleinement assuré".
"Il n'y a pas ou peu d'accès au numérique, pas
de couverture téléphonique et 60% du département n'est pas accessible par voie
terrestre. Rejoindre certains villages nécessite parfois plusieurs jours de
navigation, en pirogue".
Pour les Kanaks, outre des conditions
socio-économiques difficiles et un droit foncier à améliorer, la commission
relève notamment leurs difficultés pour l'inscription sur les listes
électorales, alors qu'un référendum d'autodétermination est prévu l'an
prochain.