Dans l’une des dernières colonies françaises
Kanaky (Nouvelle Calédonie). Une nouvelle affaire de meurtre pour les forces de l’ordre ?
William Décoiré, un jeune kanak de 23 ans qui s’était
évadé de prison avait été tué par balle par la gendarmerie de Nouvelle
Calédonie le 29 octobre 2016. Le parquet avait conclu à la légitime
défense et classé l’affaire sans suite. Mais la mère de la victime,
aidée par ses avocats, vient de porter plainte pour meurtre.
Georges Camac
Des circonstances floues
« Il n’y a pas eu de véritable enquête jusqu’à présent. L’affaire a été
traitée à la va-vite, mais on ne tue pas quelqu’un comme ça ! »
s’indigne Jacques Loye, l’un des deux avocats de Line Decoiré, la mère
du jeune kanak tué le 29 octobre par la gendarmerie. Il est vrai que,
pour l’instant, les circonstances de la mort de William Décoiré restent
floues. Celui-ci est mort alors qu’il se trouvait au volant d’une
camionnette et qu’il était recherché par la police depuis le 12 juin
2015 pour s’être évadé de prison et ne pas avoir respecté une mesure de
semi-liberté.
Au cours d’un contrôle routier, un gendarme lui a tiré une balle dans
le thorax. Interrogé, ce dernier invoque la légitime défense,
expliquant que la voiture lui aurait foncé dessus. Une version démentie
par les avocats. Selon eux, William Decoiré n’a pas « foncé » sur un
gendarme, mais c’est le gendarme qui « s’est quasiment jeté devant le
fourgon » pour l’arrêter. Ils rappellent notamment que la camionnette
roulait en marche arrière à ce moment-là. Ils réclament qu’il soit
procédé à une nouvelle reconstitution des faits.
La colère de la population kanak
La mort du jeune homme a suscité beaucoup d’émotion sur le territoire de
St-Louis (commune du Mont-Dore) d’où était originaire le jeune homme et
provoqué des affrontements avec les gendarmes. Il faut dire que, dans
ce territoire colonisé par la France, la présence des forces de l’ordre
issues de la métropole, aux méthodes particulièrement brutales, est mal
vécue par la population. La prison de « Camp Est » située à Nouméa et
dont s’était échappé le jeune homme, est connue pour être la pire prison
française.
La pauvreté et la misère sont le lot quotidien de la population
kanake de Nouvelle-Calédonie, dont le taux de chômage avoisine les 27%.
Régulièrement, la population se révolte face à l’ordre colonial, à l’image des deux grèves générales qui ont eu lieu cet été, sans que jamais l’Etat français ne consente à poser la question du droit à l’autodétermination jusqu’au bout.
Il faut dire que la Nouvelle-Calédonie est une base militaire
incontournable dans le Pacifique, notamment sur le plan naval et
aéronautique, que la France pourrait réquisitionner en cas
d’intervention militaire, comme ce fut le cas dans le passé avec les
États-Unis. Derrière la mort de ce jeune kanak, au-delà des
circonstances précises, c’est en réalité la brutalité de l’ordre
colonial français dans l’une de ses dernières colonies qui s’exprime.