Alors que les signataires des accords de Nouméa se réunissent ce jeudi à Paris pour fixer la date du deuxième référendum sur l’avenir de l’archipel, une centaine de personnalités apportent leur soutien à la mobilisation des indépendantistes.
Tribune. «Lorsque la France
prend possession de la Grande Terre, que James Cook avait dénommée
''Nouvelle-Calédonie'', le 24 septembre 1853, elle s’approprie un
territoire selon les conditions du droit international alors reconnu par
les nations d’Europe et d’Amérique, elle n’établit pas des relations de
droit avec la population autochtone. Les traités passés, au cours de
l’année 1854 et les années suivantes, avec les autorités coutumières, ne
constituent pas des accords équilibrés mais, de fait, des actes
unilatéraux. […] La colonisation a porté atteinte à la dignité du peuple
kanak qu’elle a privé de son identité. […] Il convient de faire mémoire
de ces moments difficiles, de reconnaître les fautes, de restituer au
peuple kanak son identité confisquée, ce qui équivaut pour lui à une
reconnaissance de sa souveraineté. […] La décolonisation est le moyen de
refonder un lien social durable entre les communautés qui vivent
aujourd’hui en Nouvelle-Calédonie, en permettant au peuple kanak
d’établir avec la France des relations nouvelles correspondant aux
réalités de notre temps.» Accord de Nouméa, 5 mai 1998.
Depuis la signature de ce texte il y a vingt ans, la
Nouvelle-Calédonie est entrée dans un processus de décolonisation
progressif dont le seul terme envisagé est l’accession du pays à
l’indépendance et à la pleine souveraineté.
Dans le courant de l’année 2020, le peuple kanak et l’ensemble des
citoyens de la Kanaky-Nouvelle-Calédonie habilités à voter se
prononceront sur le transfert des cinq dernières compétences régaliennes
(monnaie, justice, police, défense, affaires étrangères), sur
l’organisation de la citoyenneté en nationalité et sur l’accès à un
statut international de pleine responsabilité. Leur approbation
équivaudra à la pleine souveraineté de la Nouvelle-Calédonie. Ce choix
leur appartient.
Depuis Nainville-les-Roches en 1983, le peuple kanak a décidé d’ouvrir son droit à l’autodétermination aux «victimes de l’histoire»,
aux descendants de bagnards, de transportés, d’engagés sous contrats
venus du Vietnam ou d’Indonésie, aux populations venues de France, de
Wallis et de Futuna ou d’autres régions du monde, qui sont installées de
longue date et durablement dans le pays et qui y détiennent leurs
intérêts moraux et matériels.
Cette invitation à construire un pays souverain et à former une nation multiculturelle, cette main tendue doit être saisie.
Après l’intervention du président de la République à Alger qualifiant
le colonialisme de crime contre l’humanité, après la remise de l’acte
de prise de possession de la Nouvelle-Calédonie par la France par le
chef de l’Etat au gouvernement calédonien le 5 mai 2018, il appartient
aujourd’hui à l’Etat de prolonger ces actes symboliques hautement
appréciables par des actes en conséquence et de saisir cette opportunité
de réussir sa première décolonisation en douceur. Il en va de l’honneur
et de la grandeur de France, pays de la Déclaration des droits de
l’homme et du citoyen. Il en va d’un avenir dans la paix et la sérénité
en Kanaky-Nouvelle-Calédonie.
La volonté d’indépendance n’est pas une négation de la France mais
l’affirmation d’un peuple, d’une nation. Le mouvement indépendantiste
entend établir avec la France et le peuple français des relations
nouvelles d’égal à égal, de nation souveraine à nation souveraine, dans
le respect mutuel et dans le cadre d’un partenariat librement consenti.
L’histoire récente des rapports de la France et de la
Nouvelle-Calédonie a été marquée par trop d’indécisions, d’occasions
manquées et de paroles non tenues comme l’avait constaté en son temps
Michel Rocard. Ces errements passés ont conduit à des violences que plus
personne ne souhaite revivre aujourd’hui ni en
Kanaky-Nouvelle-Calédonie ni en France.
Les signataires du présent appel, conscients que seule l’indépendance
garantira un avenir de paix, de stabilité et de justice sociale,
apportent leur soutien à la volonté du peuple kanak rejoint par de
nombreux citoyens issus d’autres communautés implantées durablement sur
le territoire, d’accéder à leur complète émancipation et en appellent à
l’Etat afin qu’il honore sa parole : «L’Etat reconnaît la vocation de la Nouvelle-Calédonie à bénéficier, à la fin de cette période, d’une complète émancipation.»
Signataires : Didier Daeninckx, écrivain ; Jean-Louis Comolli, cinéaste, écrivain ; Joseph Andras, écrivain ; Alban Bensa, anthropologue ; Lilian Thuram, champion du monde de football, Pascal Blanchard, historien ; Claude Guisard, producteur ; Marcel Trillat, journaliste ; Marie-José Mondzain, philosophe ; Jean-Claude Gallotta, chorégraphe ; Benjamin Stora, historien ; Patrick Chamoiseau, écrivain ; Gérard Streiff, écrivain ; Jacques Tardi, dessinateur ; Dominique Grange, chanteuse engagée ; Pascal Didier, poète ; Frédéric Hocquard, maire adjoint ; Hugues Lepaige, journaliste-réalisateur ; Claude Pennetier, chercheur, historien ; Gérard Mordillat, écrivain, cinéaste ; Jean-Michel Baudouin, écrivain, dramaturge, musicien de jazz ; Marc Pataut, photographe ; Jean-Marc Salmon, chercheur en sciences sociales ; Pef, dessinateur, écrivain ; Annie Ernaux, écrivaine ; François Muratet, écrivain ; Jean-Luc Raharimanana, écrivain ; Roger Martin, écrivain ; Philippe Zourgane, architecte ; Severine Roussel, architecte ; Antoine Blocier, écrivain ; Renata Ada-Ruata, écrivaine ; Christian Roux, écrivain, musicien ; Alain Bihr, professeur honoraire de sociologie ; Patrick Amand, écrivain ; Gilles Del Pappas, écrivain ; Alcine Salangros, militant associatif ; Christiane Strullu, chanteuse, militante associative ; François Joly, écrivain ; Jeanne Puchol, dessinatrice ; Tony Gatlif, cinéaste, compositeur ; Eric Sarner, écrivain ; Patrick Castex, économiste ; Catalina Villar, réalisatrice ; Sandra Alvarez de Toledo, éditrice ; Dominique Cabrera, réalisatrice, actrice ; Jean-Baptiste Delpias, monteur ; Gérald Collas, producteur INA ; Ginette Lavigne, réalisatrice et monteuse ; Annie Comolli, anthropologue ; Gioia Costa, auteur dramatique ; Jean-Paul Manganaro, professeur, traducteur ; Georges Bartoli, photographe ; Mourad Merzouki, chorégraphe ; Nicolas Offenstadt, historien ; Patrick Raynal, écrivain ; Mehdi Lallaoui, cinéaste ; Alain Bellet, écrivain ; Patrick Fort, écrivain ; Patrick Bard, écrivain, photographe ; Tassadit Imache, auteure ; Caroline Caccavale, cinéaste ; Joseph Cesarini, cinéaste ; Abdelkader Djemaï, écrivain ; Daniel Kupferstein, cinéaste documentariste ; Roland Pfefferkorn, professeur émérite de sociologie ; Denis Lanoy, metteur en scène ; Alain Lance, poète, traducteur ; Luc Quinton, plasticien colleur d’histoires ; Hervé Le Corre, écrivain ; Gilles Manceron, historien ; Laurent Heynemann, cinéaste ; Denis Lanoy, metteur en scène ; Pascal Dessaint, écrivain ; Carlos, dessinateur ; Edgar Morin, philosophe ; François Gèze, éditeur ; Miguel Benasayag, philosophe ; Mathilde Larrère, historienne ; Alain Ruscio, historien ; Pascal Didier, poète ; Dominique Manotti, écrivaine ; Bernard Chambaz, écrivain ; Damien Vidal, auteur de bande dessinée ; Jean Bigot, producteur ; Isabelle Leblic, anthropologue ; Claire Moyse-Faurie, linguiste ; Thierry Garrel, producteur Arte ; Isabelle Merle, historienne, anthropologue ; Christine Demmer, anthropologue ; Christian Pierrel, directeur de publication, Fédération des associations de solidarité avec tous-te-s les immigré-e-s ; Edwy Plenel, journaliste, écrivain ; Michael Lowy, sociologue, ancien chercheur au CNRS ; Eric Wittersheim, anthropologue EHESS ; Christine Hamelin, anthropologue université Paris ; Christine Salomon, anthropologue INSERM ; Marina Vlady, comédienne ; Philippe Martel, professeur des universités émérite (occitan) ; Marie Jeanne Verny, professeure émérite de langue et littérature occitanes.