Après deux jours de congrès à Lifou, André
Forest a été nommé président de la confédération. Son équipe entend
accélérer le chantier de rééquilibrage et surtout travailler activement à
la victoire du « oui » à l’indépendance.
«Camarade André Forest ! » Tonnerre d’applaudissements, au
faré de la province des Îles pour le nouveau président de l’USTKE. Avant
de faire l’annonce, Louis Kotra Uregei avait pris soin de rappeler aux
300 délégués réunis pour ce XVe congrès, la « tradition » du syndicat
indépendantiste : pas de vote pour les dirigeants*, mais une
concertation entre le bureau confédéral sortant et le collège honoraire,
dont il fait lui-même partie.
Sans surprise c’est l’ancien
fonctionnaire de l’OPT, membre fondateur du syndicat des travailleurs
kanak et des exploités, qui a été choisi pour prendre la suite de
Marie-Pierre Goyetche, passée en politique. « Un changement dans la
continuité » - il était son vice-président et assurait l’intérim depuis
2014 -, mais une lourde charge : « Si tout se passe comme prévu, note le
nouveau dirigeant du deuxième syndicat du pays, le prochain congrès
aura lieu après le référendum. »
Rééquilibrage
Avant tout
Sa
feuille de route est tracée : les motions votées samedi couvrent tous
les champs de revendication du syndicat. A commencer par le
rééquilibrage, « chantier en panne, qui doit plus que jamais être un
enjeu pays », précise le président. « Un mot d’ordre depuis la création
de l’USTKE » qui est distillé dans chaque pan du combat syndical. Ainsi
ses responsables ont insisté - et ont obtenu - pour que le rééquilibrage
soit un des objectifs du fonds interprofessionnel de formation, en
cours de constitution. Ils militent activement pour que la notion soit
au centre de la politique d’éducation, « à la base d’une grande partie
des inégalités entre Kanak et non-Kanak ». « Si on peut avoir de
l’influence là dessus, c’est parce que nous sommes très investis dans le
dialogue social », rappelle André Forest, à l’attention peut-être d’une
partie de sa base militante favorable à une ligne plus intransigeante.
Crédibiliser
le « oui »
«
La bâche bleue a créé des acquis, mais d’autres voies de combat sont
aujourd’hui plus efficaces, expliquait-il hier dans sa tribu de
Luengoni, où les congressistes étaient invités à une journée de détente.
Ça n’est pas un chèque en blanc fait au gouvernement ou au patronat, si
nos revendications ne sont pas prises en compte, c’est évident qu’on en
tirera les conséquences. » Son équipe, rajeunie, aura à cœur de «
crédibiliser le projet indépendantiste », ajoute-t-il. Car le moment
fort de ce XVe congrès est bien le vote de la motion politique sur le
référendum de 2018, samedi. L’USTKE, qui dénonce « les inégalités
sociales de plus en plus persistantes engendrées par le modèle issu de
la colonisation », s’est fixé comme mission de « réunir les conditions
d’une victoire du oui » et compte bien propager son argumentaire,
peaufiné pendant le congrès, dans le champ social. « On veut s’adresser à
l’ensemble des travailleurs et leur prouver que l’indépendance n’est
pas synonyme d’exclusion et de régression sociale, précise André Forest,
tout notre combat dans l’entreprise ou l’administration doit se
rapprocher du même objectif : l’accession à la pleine souveraineté ».
*Un seul vote a eu lieu, en 2010, entre Gérard Jodar et Marie-Pierre Goyetche, qui l’avait emporté.
Union indépendantiste
Si
l’USTKE s’appuie toujours sur son émanation politique, le Parti
travailliste, elle insiste sur la nécessité d’une union des
indépendantistes et progressistes pour 2018. Une « plateforme commune »,
tant politique que sociale, avec comme modèle le Mouvement nationaliste
unitaire créé pour les élections de 2014.
Pas de tabou
La
formation de cadres calédoniens, et kanak en particulier, doit aussi
porter sur les compétences régaliennes (justice, police, monnaie…),
insiste l’USTKE : « Il n’y a pas de tabou là dessus, le pays a besoin de
cadres dans ces domaines. »
Amis internationaux
En
fin de congrès, les invités représentant la CGT, la Confédération
nationale du Travail ou le Nouveau parti anticapitaliste sont venus
exprimer leur soutien et évoquer le relais du message de l’USTKE en
Métropole et en Europe. AInsi que le groupe ALPHA (SECAFI- SODI).
Séminaire nickel
Les
délégués de la fédération nickel, « premier syndicat de la mine en
Calédonie », ont bien sûr exprimé leur inquiétude quant aux conséquences
sociales de la baisse des cours. L’USTKE compte faire le point sur la
question dans un séminaire spécialisé, début 2016, où seront invités les
opérateurs métallurgiques et miniers.