La tribu Awa est la dernière tribu de chasseurs cueilleurs nomades de l’Amazonie. Ils ne sont plus qu’environ 350, mais le lien à leur forêt est indéfectible et ils veulent y rester en vivant selon leurs traditions. Leurs terres sont situées dans l’État du Maranhão, au nord du Brésil.
En 25 ans,
ils ont vu leur territoire diminuer de 30%, dévasté par l’exploitation
illégale du bois, alors qu’il est officiellement protégé par la
Constitution brésilienne.
Ils sont
encerclés par des scieries clandestines, qui détruisent la forêt et
exploitent illégalement le bois volé sur leurs terres. L’exploitation
illégale du bois est très importante, non seulement au Brésil, mais dans
le monde entier ; elle rapporterait 15 milliards de dollars par an.
Suite à l’abattage clandestin, le bois est sorti discrètement des territoires indigènes. Puis il est « blanchi »
par de faux papiers qui lui assurent une origine légale, avec l’aide de
fonctionnaires et de politiciens corrompus, et il part vers
l’exportation.
Après
l’exploitation du bois, on met le feu et les cultivateurs de soja ou les
éleveurs arrivent ensuite pour défricher et mettre en culture ou en
élevage extensif.
La
présence des Awa gêne les multinationales du bois, d’autant plus qu’ils
ont décidé de lutter pour conserver leurs terres et leur mode de vie.
Les trafiquants de bois sont armés et emploient la violence pour arriver à leur but : la maîtrise du sol.
En 2012,
plus de 1200 membres des tribus indigènes du Brésil ont été victimes
d’agressions physiques, de violences sexuelles, de tentatives
d’homicides. 60 indigènes ont été assassinés par des tueurs à gages.
Entre 1971
et 2002, 1280 militants, avocats, paysans, leaders syndicaux ou
religieux ont été assassinés parce qu’ils s’opposaient à la
déforestation, notamment Chico Mendes, en 1988, Soeur Dorothy, en 2005
et Zé Claudio dans l’Etat du Parà en 2011.
L’organisation
Survival et l’ONG brésilienne CIMI ont lancé en 2012 une campagne
internationale, relayée par de nombreuses célébrités, pour alerter sur
les dangers que courent les Awa, relayée par de nombreuses célébrités.
La Commission interaméricaine des droits de l’homme a exigé une action
du Brésil.
Grâce à
cette campagne, le ministre de la Justice du Brésil s’est engagé à agir
pour rendre la terre aux indigènes et un plan d’expulsion a commencé au
mois de février 2014 : 427 avis d’expulsion ont été émis, mettant en
demeure les occupants illégaux de quitter le territoire. Les autorités
réussiront-elles à obtenir une application stricte de la loi ? L’opinion
publique doit demeurer vigilante pour que les installations illégales
ne reviennent pas une fois les projecteurs de l’actualité éteints.
Mais cela
ne suffira pas pour stopper le trafic de bois. L’impunité judiciaire
dont jouissent les trafiquants de bois est importante : à Belém, toutes
les campagnes électorales sont financées par les compagnies
d’exploitation forestière.
60 à 80 %
du bois au Brésil est exporté illégalement, dénonce Greenpeace. Plus de
50% du bois amazonien exporté arrive en Europe et la France est le plus
gros importateur.
Du bois
illégal, blanchi au Brésil, rentre donc en toute impunité en France.
Cinq grandes compagnies forestières sont impliquées dans des activités
illégales dans l’Etat du Pará : exploitations dans des zones
illégalement occupées, coupe dans les zones distribuées par l’INCRA,
l’institut de réforme agraire, accaparement illégal de terres publiques,
blanchiment, transport et stockage illégaux de bois. Elles sont l’objet
de poursuites judiciaires mais les amendes auxquelles elles sont
condamnées ne les dissuadent pas, quand elles les paient !
De très
nombreuses grandes entreprises françaises achètent du bois tropical
brésilien : Lapeyre, Leroy-Merlin, Castorama, Bricodépôt, etc.
Beaucoup de nos parquets et nos terrasses sont fabriqués avec les essences de bois exotique du Brésil, comme l’ipê ou le massaranduba.
Plusieurs sociétés font état de la difficulté à retracer exactement
l’origine du bois qu’elles achètent. Greenpeace a démontré que des
importateurs et distributeurs français achètent du bois à des compagnies
qui ont été condamnées à plusieurs reprises pour crimes.
Depuis
mars 2012, un règlement européen impose à tout importateur de justifier
la provenance de sa marchandise, mais certains, comme l’ONG Global
Witness considère que l’Europe reste une « passoire ».
Il incombe
aux citoyens français d’exiger de leurs fournisseurs de bois exotique
les preuves et certificats d’importation légale et de respect d’une
exploitation durable de la forêt… et à notre gouvernement d’appliquer
avec la plus grande rigueur les contrôles règlementaires à
l’importation.
Source : Cet article a été publié dans le numéro 118 du FAL MAG, avec l’aimable autorisation de Renata Molina (rédactrice en chef).
FAL Mag est une revue publiée par l'association France Amérique Latine